Avec le SAMP/T NG, le Mamba devient une bulle de défense multicouche antiaérienne, antibalistique et anti-drones dès 2025.
Lancé en 2021 par Paris et Rome, le Système Antiaérien Moyenne Portée Terrestre de nouvelle génération, ou SAMP/T NG, visait jusqu’à présent à des améliorations significatives du radar et du module d’engagement du Mamba, afin d’en étendre les performances de détection et de contrôle du système, notamment pour mettre en œuvre le nouveau missile antibalistique Aster 30 Block 1NT.
Il semble, désormais, que la nouvelle génération du système, sera bien plus évoluée qu’initialement annoncée, car elle pourra simultanément poser et contrôler des bulles de protection antibalistique et antiaérienne à longue, moyenne, courte et à très courte portée.
Ce faisant, le SAMP/T NG deviendrait un système de défense multicouche sans équivalent en Europe, et plus largement, en occident, pour assurer une défense intégrée contre un très large éventail de menaces, allant du missile balistique à la roquette d’artillerie, en passant par le planeur hypersonique, le missile de croisière et l’avion de combat.
Sommaire
Le SAMP/T Mamba, un système antiaérien et antimissile qui a fait ses preuves en Ukraine
Conçu par la France et l’Italie, et entré en service en 2008, le SAMP/T Mamba a été le premier système antiaérien à moyenne portée européen. Il se compose d’un module d’Engagement, le cœur du système, accueillant 4 opérateurs, ainsi que d’un radar rotatif PESA Arabel conçu par Thales, et de 4 Modules de lancement, armés chacun de 8 missiles Aster 15 ou Aster 30.
Il permet de poser une bulle de protection de 200 km de rayon autour du radar Arabel contre des cibles de type aéronefs non furtifs évoluant au-dessus de l’horizon électromagnétique, d’une centaine de km contre un chasseur discret comme le Rafale à moyenne altitude, et de quelques dizaines de km contre un avion ou un missile furtif.
Il peut, en outre, être employé contre des menaces balistiques en phase terminale, avec une enveloppe de tir proche de celle du Patriot PAC-2, mais en disposant d’une plus grande manœuvrabilité. Le Patriot, en revanche, dispose d’un radar plus performant, mais qui ne couvrait que 120° jusqu’ici. Des modules de soutien complètent la batterie, comprenant un groupe électrogène, un atelier mécanique, un atelier électronique et deux modules de rechargement.
L’efficacité démontrée de la première batterie Mamba envoyée par l’Italie et la France en Ukraine, ainsi que les performances antibalistiques du missile Aster 30 contre des missiles antinavires Houthis, ont profondément changé l’image du SAMP/T Mamba, sur la scène internationale, de l’aveu même de MBDA.
Nouveaux radars et nouveau système de commandement et de coordination
Comme écrit précédemment, le SAMP/T NG devait, initialement, permettre d’embarquer un nouveau radar de tir pour remplacer le Arabel du Mamba, par le Ground Master 300 de Thales pour la France, et le Kronos de Leonardo pour l’Italie.
Ces deux radars reposent sur une antenne électronique active AESA, effectuant une rotation complète par seconde, et améliorent simultanément la portée de détection (supérieure à 350 km), et la qualité de la détection contre des cibles plus petites comme les drones, plus discrètes comme les furtifs, ou plus rapides, comme les missiles balistiques ou les armes hypersoniques.
Le Module d’engagement, lui aussi, était modernisé, pour mettre en œuvre jusqu’à 6 Modules de lancement, soit 48 missiles Aster, et mieux traiter les signaux pour une prise de décision plus rapide et efficace. Ce faisant, le SAMP/T NG était paré pour accueillir le nouveau missile antibalistique Aster 30 Block 1NT, conçu pour intercepter des missiles MRBM d’une portée atteignant 1500 km, comparable au Patriot PAC-3 MSE.
Mais le SAMP/T NG sera, en fait, bien d’avantage qu’une simple évolution du Mamba, optimisée pour ce nouveau missile. En effet, à l’occasion du salon Eurosatory 2024, Eurosam a dévoilé une toute nouvelle caractéristique développée dans le cadre de cette version, la capacité à poser et contrôler une défense antiaérienne, antibalistique et antidrone multicouche, pour défense un périmètre de 150 km de rayon contre toutes les menaces actuelles.
Bulle antibalistique et anti-hypersonique : Aster Block 1NT et Aquila
Comme précédemment, l’axe principal de développement du SAMP/T NG concerne la défense antibalistique, avec l’arrivée du missile Aster 30 Block 1NT. Toutefois, selon les déclarations faites par le Délégué Général à l’Armement, Emmanuel Chiva, le système sera également capable de contrer les menaces hypersoniques existantes et à venir.
Selon les observations faites en Ukraine, les deux principales menaces hypersoniques du moment, le missile aéroporté Kinzhal, et le missile de croisière 3M22 Tzirkon, ralentiraient à l’approche de la cible, certainement pour leur permettre d’employer leurs systèmes de guidage terminaux.
Dans ce contexte, l’Aster 30, couplé au radar Ground Master 300 de Thales, semble, en effet, capable d’intercepter ces menaces en phase terminale, sans pour autant être en mesure de les intercepter en transit, le missile plafonnant à 25 km d’altitude, contre 50 à 60 km d’altitude de croisière pour les armes hypersoniques.
Toutefois, dans le même temps, MBDA développe, dans le cadre du programme européen Hydis, le missile Aquila, capable d’atteindre ces altitudes, et précisément conçu pour intercepter les missiles hypersoniques en phase de transit, et les planeurs hypersoniques en phase de plané.
De toute évidence, si le SAMP/T NG doit, comme l’annonce Emmanuel Chiva, offrir une réelle capacité d’interception antibalistique, il mettra en œuvre ce missile Aquila, présenté pour la première fois lors du Paris Air Show de 2023. Il sera, alors, en effet, le seul système capable d’associer, dans une unique système, et sur un même espace, une capacité de défense balistique et hypersonique, ainsi qu’une défense aérienne basses couches.
Bulle antiaérienne moyenne et longue portée : Aster 30 et Aster 15 EC
Si l’évolution phare du SAMP/T NG concerne l’interception des menaces balistiques et hypersoniques, le système restera très efficace en matière de défense aérienne contre les aéronefs, les drones de combat et les missiles de croisière, à moyenne et longue portée.
Pour cela, le système s’appuiera sur le très performant Aster 30, un missile de 4,9 m et 450 kg, capable d’intercepter des cibles jusqu’à 150 km et jusqu’à 25 km d’altitude, à une vitesse de Mach 4.5.
C’est notamment ce missile qui a été employé par la frégate française Alsace et un destroyer britannique, pour intercepter avec succès des missiles balistiques antinavires lancés par les Houthis en mer Rouge.
L’association des performances de l’Aster 30, et du nouveau radar GM 300/Kronos du SAMP-T NG, permettra, par ailleurs, d’en étendre la portée d’interception, et la précision, et en fera un système aérien particulièrement efficace contre de nombreuses cibles aérodynamiques.
L’Aster 30 évoluera aux côtés de l’Aster 15 EC. Celui-ci constitue une évolution de l’Aster 15, qui n’est autre qu’un Aster 30 dont le booster est plus compact, long de 4,2 m et d’une masse de 310 kg. L’Aster 15 EC, dédié à l’interception à courte et moyenne portée, et à moyenne ou basse altitude, verra cependant sa portée étendue à plus de 60 km (contre 40 km pour l’Aster 15), et son autodirecteur amélioré pour davantage de précision contre les cibles petites ou discrètes.
Ensemble, ces deux missiles assureront une bulle de défense de 5 à 150 km de portée, et de 500 à 25 000 km d’altitude, contre l’immense majorité des cibles aérodynamiques de plus de 500 kg existantes aujourd’hui.
Bulle SHORAD : MICA VL, CAMM-ER et systèmes C-RAM / V-SHORAD (Mistral, Artillerie…)
Reste que, jusqu’à présent, la bulle SHORAD (SHOrt Air Defense), et V-SHORAD (Very SHOrt Air Defense), et l’interception des cibles de petites tailles, comme les drones FPV, les roquettes, voire les obus d’artillerie, ou C-RAM (Counter-Rocket Artillery Mortar), devait être déléguée à d’autres systèmes indépendants, alors même que, bien souvent, le nouveau radar du SAMP/T NG sera en capacité de les détecter, de les suivre et les engager.
C’est précisément là, qu’intervient la petite révolution annoncée par Eurosam à Eurosatory. En effet, le SAMP/T NG, et plus spécialement son Module d’Engagement, pourra contrôler, en plus des six modules de lancement Aster, six autres modules SHORAD, armés de missiles à courte portée, comme le MICA VL ou le CAMM-ER, conçus et fabriqués par MBDA, comme l’Aster.
Mieux encore, l’architecture scalaire ouverte du SAMP/T NG permettra d’ajouter au système d’autres radars de tirs, voire d’autres systèmes secondaires dédiés à l’interception C-RAM ou V-SHORAD, comme avec les missiles Mistral, ou des systèmes d’artillerie antiaérienne.
Bien que ce ne soit pas évoqué dans la communication d’Eurosam, cette architecture devrait permettre, à termes, de mettre en œuvre des procédures de détection et d’engagements multistatiques, améliorant significativement l’efficacité de la défense aérienne contre les avions furtifs, voire d’y ajouter des systèmes de radars passifs, là encore, pour traquer et détruire, les appareils discrets ou furtifs.
Un système prometteur et évolutif, qui doit entrer en service dans l’Armée de l’air et de l’Espace dès 2025.
On le voit, les annonces faites dans le cadre du salon Eurosatory, au sujet de l’évolution du SAMP/T NG, ouvrent de nombreuses opportunités. En effet, ainsi paré, le système disposera d’une enveloppe d’interception unique en occident, et qui nécessite, en Russie et en Chine, plusieurs systèmes interconnectés (S-500 + S-400 + S-350/Buk + Pantsir) pour obtenir la même efficacité de couverture.
Un tel système pourrait, par exemple, assurer une défense très efficace d’un espace entourant une ville, pour peu qu’il existe un emplacement approprié pour son radar, ou qu’il intègre des radars secondaires, comme évoqué plus haut.
Reste à voir comment, et surtout sous quels délais, ces annonces se transformeront en capacités opérationnelles effectives, et surtout, si les armées françaises et italiennes, s’en doteront effectivement.
En effet, il est fréquent que Paris face l’impasse sur certaines capacités pourtant essentielles d’un système d’arme, pour en réduire les couts. Malheureusement, les exemples, à ce sujet, ne manquent pas, et touchent tous les gouvernements, depuis plus de 40 ans.
Article du 28 juin en version originale jusqu’au 11 aout 2024.