Défense : au cœur des fêtes, célébrer nos soldats, c’est faire nation

Défense : au cœur des fêtes, célébrer nos soldats, c’est faire nation

Les fêtes sont un moment où nous devons penser aux militaires qui protègent les Français et célébrer la singularité militaire. Pour Thomas Gassilloud, « nous devons réapprendre à faire de la défense l’affaire de tous ». C’est ainsi que « nous renforcerons la communauté nationale », estime-t-il. Par Thomas Gassilloud, président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

« En République, il n'y a pas d'usage de la force sans consentement démocratique. Même notre dissuasion nucléaire n'est pleinement crédible et durable que si les citoyens en comprennent les enjeux et adhèrent à ses exigences, pour soutenir la détermination du président de la République à défendre les intérêts vitaux de la Nation » (Thomas Gassilloud, président de la commission de la défense nationale et des forces armées)
« En République, il n’y a pas d’usage de la force sans consentement démocratique. Même notre dissuasion nucléaire n’est pleinement crédible et durable que si les citoyens en comprennent les enjeux et adhèrent à ses exigences, pour soutenir la détermination du président de la République à défendre les intérêts vitaux de la Nation » (Thomas Gassilloud, président de la commission de la défense nationale et des forces armées) (Crédits : DR)

 

Quelles que soient nos croyances, les fêtes de fin d’année sont le moment de dire nos attachements, de manifester notre joie, d’être ensemble et de former des vœux pour l’avenir. Elles sont aussi un événement national car, de familles en cercles d’amis, c’est toute la France qui se met à l’unisson. C’est d’ailleurs le sens profond des vœux traditionnels du Président de la République : en s’adressant à toute la nation le 31 décembre, il souligne que toute fête a une dimension politique et qu’elle est l’écho d’une espérance collective.

Deux leçons pour 2024

La fin de l’année 2023 pourrait nous en faire douter, alors que la guerre se déchaîne en Ukraine et à Gaza comme dans bien d’autres endroits du monde, et que notre société apparaît plus fracturée que jamais. Président de la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale, je penche pourtant pour l’espérance. Le déplacement que je viens de faire en Jordanie auprès de nos militaires, en accompagnant le président de la République et le ministre des Armées, m’y invite. J’en ai retenu deux leçons.

D’abord, celle que nos armées sont la démonstration vivante et sans cesse renouvelée que notre communauté nationale est attractive et qu’elle mérite d’être défendue. C’est le témoignage des 20.000 Français qui, reflétant toutes nos diversités, les rejoignent chaque année malgré les duretés de l’état militaire. Car il faut le rappeler, leur engagement peut exiger d’eux d’être prêts à tuer, d’ordonner de tuer, de mourir peut-être. La loi veille à ce qu’ils ne se soustraient pas au risque car il n’y a pas de droit de retrait pour un soldat qui exécute une mission et dont la mort peut être un prix légitime.

Leurs droits politiques et sociaux sont en outre restreints pour qu’ils ne forment jamais une faction. Des procédures opérationnelles, des normes juridiques, un état d’esprit, le sens du sacrifice : voilà ce qu’est la singularité militaire qui n’est ni une identité ni le cumul d’avantages catégoriels mais l’engagement total de certains pour la sécurité de tous les autres. C’est une responsabilité pour nous tous que de veiller à ce que cette singularité ne soit pas dénaturée et qu’elle permette toujours de disposer d’une force prête aux plus grands périls.

La seconde leçon a ravivé une conviction de longue date : nos armées ne peuvent rien sans l’adhésion ni la participation de l’ensemble des citoyens. Pour résister à l’ensauvagement du monde, dans une société malheureusement chaque jour davantage archipélisée et matérialiste, où donner sa vie pour une cause supérieure devient un impensé, chacun de nos concitoyens doit se sentir concerné par notre défense.

Consentement démocratique

D’abord parce qu’en République, il n’y a pas d’usage de la force sans consentement démocratique. Même notre dissuasion nucléaire n’est pleinement crédible et durable que si les citoyens en comprennent les enjeux et adhèrent à ses exigences, pour soutenir la détermination du président de la République à défendre les intérêts vitaux de la nation.

Ensuite, et surtout, parce que chaque citoyen a un rôle à jouer, même si, depuis la fin de la guerre froide et de la conscription, nous en avons été déshabitués. Comment ? En s’attachant à comprendre le monde et les opérations militaires que la France peut y conduire ; en transmettant le sens du collectif à ses proches comme à ses enfants ; en étant présent lorsque la nation est célébrée ; en s’engageant par exemple dans le monde associatif ou comme réserviste ; en n’oubliant pas que notre résilience nationale repose sur les résiliences individuelles. Chaque citoyen doit donc se sentir acteur de notre défense et même avoir conscience qu’il est une cible potentielle de nos compétiteurs stratégiques, dès à présent dans les champs immatériels (cyberespace, champ informationnel, etc).

Doublement du budget de la défense

Au-delà du doublement exceptionnel du budget de nos armées sur la période 2017-2030, prévu par deux lois de programmation militaire, cette implication de tous est indispensable pour que notre défense soit réellement nationale et que nos armées professionnalisées puissent nous protéger en s’appuyant sur la nation toute entière. Autrement dit, la défense nationale ne doit pas être la seule affaire des militaires, qui ne représentent que 1% de la population active, réservistes compris. Ainsi nous pourrons renouer avec ce qu’appelait de ses vœux dès 1901, Adolphe Messimy, qui fut officier, député, ministre de la guerre puis sénateur, en promouvant « la naissance d’un esprit nouveau […], qui pénètre chaque citoyen, conscient désormais qu’il est personnellement responsable de la défense ».

Célébrer nos militaires lors des fêtes de fin d’années c’est promouvoir tout cela. C’est aussi se rappeler que, même si notre société ne manque pas d’imperfections à corriger, notre projet collectif mérite qu’on le défende et que sa pérennité dépend de l’engagement personnel de chacun d’entre nous. C’est ainsi, davantage encore que par les promesses de l’État providence, que l’on fera pleinement nation. Mes chers compatriotes, hissons-nous, individuellement et collectivement, à la hauteur du moment.

Très belle fin d’année à chacun d’entre vous.