Edouard Elias, photoreporter et parrain de l’expo photos sur les 40 ans du deuxième REI à Nîmes : « La Légion a aidé à ma reconstruction »
Le photoreporter Édouard Elias, ex-otage en Syrie originaire du Gard,
parcourt le monde pour témoigner par l’image des situations de crise. Né à Nîmes, celui qui a grandi à Uzès est le parrain de l’exposition sur les 40 ans du deuxième REI à Nîmes. Une exposition d’une quarantaine de clichés qui s’ouvre ce mardi 23 mai dans la cour d’honneur de l’hôtel de ville.
Edouard Elias, vous parrainez à Nîmes une exposition sur la Légion étrangère où seront exposés quelques-uns de vos clichés ? Que vont pouvoir admirer les visiteurs ?
Le 2e REI célèbre cette année ses 40 ans de présence dans la ville qui m’a vu naître. A côté du travail d’autres photographes et de l’ECPAD (Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense), les visiteurs vont pouvoir découvrir près d’une dizaine de photographies issues de mon premier reportage avec la Légion étrangère.
C’était en 2014, en République Centrafricaine lors de l’opération SANGARIS et précisément aux côtés des légionnaires du 2e REI de Nîmes !
Comment s’est passée cette expérience immersive aux côtés des militaires? A-t-elle été renouvelée par la suite ?
Ce mois quasi complet passé avec les légionnaires nîmois en opération extérieure a constitué ma toute première expérience en immersion avec l’armée française. Jouissant d’une immense liberté dans mon travail (par comparaison avec les reportages que je peux réaliser dans l’armée aujourd’hui), j’y ai découvert la »vraie » vie du soldat français en guerre : au combat et dans son quotidien, sans fard. Je n’ai donc pas hésité à les dévoiler sous tous les aspects. Parfois fatigués, usés ou même en pleurs lors de situations de très haute intensité. Avec pour seule limite, que je m’étais moi-même fixée : le respect de leur dignité d’être humain.
Concluante, cette expérience a été réitérée l’année suivante à Nîmes. Où, là aussi, durant un mois, pour le Nouvel Observateur, j’ai pu suivre les légionnaires du 2e REI cette fois-ci en entraînement, au régiment et au camp des garrigues.
Qu’avez-vous retenu de ces expériences successives en immersion dans la Légion étrangère ?
Je suis la pire chose pour un militaire : je suis journaliste ! (rires). Et malgré ça, j’ai été intégré de suite au sein de ce corps soudé, uni et mû par des valeurs fortes dont la camaraderie. En tant qu’orphelin, cette solidarité indéfectible entre frères d’armes me touche énormément. Et ce d’autant plus que je me trouvais en immersion avec la Légion, lorsque j’ai appris l’exécution de mon ami le journaliste américain James Foley à Raqqa en Syrie par l’Etat Islamique (le 19 août 2014).
Être réconforté par des hommes qui vivent au quotidien avec le risque de mort et le deuil de leurs compagnons d’armes, a vraiment aidé à ma reconstruction. Aujourd’hui, la Légion étrangère est donc naturellement une institution à laquelle je porte à la fois beaucoup de respect et d’affection.
Comment expliquez-vous votre appétence pour la couverture des situations de crises, et plus particulièrement pour les conflits armés ?
Disons plus tôt que je souhaite être là où se passe l’histoire. Y participer en tant que témoin et observateur c’est déjà très fort ! Surtout lorsque votre métier vous permet de montrer au monde les visages – anonymes ou non – de ceux qui la construisent cette « grande » histoire.
De mi 2013 au printemps 2014, vous avez passé 10 mois en captivité à Alep après avoir été pris en otage avec votre confrère Didier François. Comment se remet-on d’une telle expérience ?
En le décidant ! Dès mon retour en France, j’ai repris mon appareil et continué à faire mon travail, notamment en allant sur les terrains de guerre. D’abord par envie, mais aussi par choix. Je ne voulais pas me dire que l’Etat islamique avait gagné et m’avait retiré cette passion immodérée que je voue à mon travail.