Et si Berlin rejouait la carte du service militaire?

Et si Berlin rejouait la carte du service militaire?

Nathan Gain – Forces Opérations Blog – 6 août 2018

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Ce n’est plus qu’un secret de polichinelle : la Bundeswehr peine à remplir ses rangs. Après l’évocation récente de la création d’une « Légion étrangère » allemande, le parti allemand au pouvoir, la CDU, relance aujourd’hui l’épineux débat du service militaire obligatoire, révélait hier le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ).

En 2011, l’Allemagne tournait le dos au service militaire obligatoire afin de professionnaliser son armée et, au passage, diminuer les dépenses. L’initiative, alors initiée par la chancelière Angela Merkel (CDU), visait également à lutter contre un certain « conservatisme ». Sauf que… depuis lors, le nombre d’engagés volontaires a diminué drastiquement, laissant un trou béant de 21 000 postes vacants en 2017. Face au péril annoncé, la secrétaire générale de la CDU et potentiel dauphin de Merkel, Annegret Kramp-Karrenbauer, s’est donc engagée à discuter de manière « très intensive » du service militaire et de la conscription, annonçait FAZ vendredi dernier.

Reste que, pour l’instant, Kramp-Karrenbauer n’a que très peu délimité les contours de sa proposition : un service obligatoire d’un an pour les hommes et femmes de plus de 18 ans, aussi bien parmi les forces armées qu’au sein des structures médicales et autres services d’intervention d’urgence. Rien de révolutionnaire en soi, mais l’idée fait directement écho à l’un des credos défendu par la CDU : qu’elle soit de nature civile ou militaire, elle ne peut que contribuer à la cohésion sociale et à l’élaboration d’un sentiment de communauté. « Nous vivons dans un pays magnifique et riche », a ainsi déclaré Paul Ziemak, leader des jeunes CDU, à l’hebdomadaire allemand Bild am Sonntag. « Une année communautaire donnerait l’occasion d’offrir quelque chose en retour et, en même temps, de renforcer l’unité du pays », défendait-il.

Sans grande surprise, l’idée a été applaudie par le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), grand vainqueur des élections législatives de septembre 2017. L’AfD avait alors surfé sur la montée du populisme et la crise migratoire pour grappiller des millions d’électeurs à la CDU. De là à avancer que la sortie de Kramp-Karrenbauer a aussi pour objectif de récupérer de l’électorat, il n’y a qu’un pas (que nous ne nous risquerons pas à franchir). Car, justement, l’idée semble faire son bout de chemin du côté de l’électorat. D’après un récent sondage mené par le centre d’études Civey, près de 55,6% des Allemands s’annoncent favorables au retour de la conscription.

Si elle plait aux « moutons noirs » du paysage politique allemand, l’idée s’est néanmoins heurtée au scepticisme des partis d’opposition. Tant les libéraux du FDP que la gauche et les écologistes ont d’ores et déjà dénoncé une proposition « absurde » et susceptible de déboucher sur un « affreux gaspillage d’argent ».

Alors, simple coup électoral ou pragmatisme désespéré ? A défaut d’attirer les candidats « naturellement », la Bundeswehr devra-t-elle faire marche arrière et forcer les vocations ? S’il survit au débat acharné qui s’annonce, le plan défendu par Kramp-Karrenbauer devrait être discuté lors du prochain meeting de la CDU, en décembre prochain, en vue de son intégration au programme pour 2020.