Guerre en Ukraine : quel est le pouvoir de l’AIEA face au risque nucléaire ?

Guerre en Ukraine : quel est le pouvoir de l’AIEA face au risque nucléaire ?

Explication

Depuis le début de la guerre en Ukraine, premier conflit à se dérouler dans un État nucléarisé, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) alerte sur le risque grave d’un accident, sans toutefois pouvoir influer concrètement.

par Esther Serrajordia – La Croix – publié le

https://www.la-croix.com/Monde/Guerre-Ukraine-quel-pouvoir-lAIEA-face-risque-nucleaire-2022-03-07-1201203643


En s’emparant du site de Zaporijjia dans la nuit du jeudi 3 au vendredi 4 mars, la Russie est devenue le premier pays à prendre possession d’une installation nucléaire civile ennemie. La guerre en Ukraine est le premier conflit à se dérouler dans un État nucléarisé. L’Ukraine dispose en effet de quinze réacteurs dans quatre centrales. Celle de Tchernobyl, lieu de la pire catastrophe nucléaire de l’histoire, en 1986, est tombée aux mains des troupes russes la semaine dernière.

Face à cette situation inédite, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) multiplie les prises de parole et alerte sur le risque d’un grave accident nucléaire. « Il faut comprendre que nous faisons face à une situation inédite. Habituellement, en diplomatie, il convient de regarder dans le passé pour y trouver des solutions. Ici, nous évoluons en eaux troubles », a déclaré le directeur général, Rafael Mariano Grossi.

Un réel pouvoir ?

Le conseil des gouverneurs de l’AIEA a ainsi adopté jeudi 3 mars une résolution appelant la Russie à « cesser immédiatement les actions contre les sites nucléaires ukrainiens ». Le lendemain, lors d’une conférence de presse organisée en urgence à Vienne, Rafael Mariano Grossi s’est dit prêt à se rendre en Ukraine « dès que possible » afin de négocier une solution pour garantir la sécurité des sites mis en danger par la guerre, notamment à Tchernobyl.

Dernière déclaration en date, dimanche 6 mars, le gendarme onusien du nucléaire a exprimé sa « profonde inquiétude » à la suite d’informations concernant l’interruption des communications avec la centrale de Zaporijjia et a rappelé les sept piliers indispensables à la sûreté nucléaire. Parmi eux, garantir le maintien de l’intégrité physique des installations, mais aussi faire en sorte que le personnel qui y travaille ne soit pas sous stress.

L’AIEA a été créée en 1957 au sein des Nations unies. « Après Hiroshima et Nagasaki, il y a eu une prise de conscience de l’ensemble des politiques et des pays qu’il fallait des gendarmes du nucléaire au niveau international », explique Emmanuelle Galichet, enseignante-chercheuse au Conservatoire national des arts et métiers et spécialiste de la physique nucléaire. Le principal objectif de l’AIEA est donc de promouvoir les usages pacifiques de l’énergie nucléaire et de limiter ses implications militaires.

Peu d’influence concrète

Mais quel est le réel impact de cette organisation ? Comme l’ONU, l’AIEA n’a pas de pouvoir de contrainte, ce qui ne l’empêche pas d’avoir une influence importante en temps de guerre. « L’AIEA a raison de faire tout ce qu’il est en son pouvoir pour essayer de calmer le jeu, mais si la Russie veut prendre les centrales d’Ukraine, elle ne peut rien y faire », analyse Emmanuelle Galichet.

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Même si l’AIEA ne peut donner que des recommandations, sa fonction « est vraiment importante pour montrer aux Russes que le monde est conscient de la gravité, des enjeux de cette guerre, et que les centrales nucléaires font partie des ouvrages et des installations auxquels on n’a pas le droit de toucher », explique l’enseignante-chercheuse, invoquant la convention de Genève de 1949.

« L’AIEA va avoir un rôle essentiel sur la transparence de l’information et la diplomatie pour contrôler que tout est en ordre dans l’exploitation des réacteurs. C’est inédit », ajoute Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting.