La France célèbre vendredi à Cherbourg en présence d’Emmanuel Macron la naissance d’un « chasseur » en lançant le Suffren, premier d’une série de six nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), plus discrets et polyvalents.

Premier sous-marin français lancé depuis plus de 10 ans, le Suffren est la tête de série des sous-marins de classe Barracuda, dont 12 exemplaires à propulsion conventionnelle diesel-électrique ont été vendus à l’Australie.

Le chef de l’Etat doit visiter le navire puis effectuer un « geste inaugural » avant de rencontrer des personnels de Naval Group et l’équipage. Plus de 700 personnes, dont des délégations étrangères et l’ancien Premier ministre et maire de Cherbourg Bernard Cazeneuve sont annoncés.

« Ce sont les meilleurs sous-marins du monde, à des prix extrêmement attractifs et des capacités opérationnelles tout à fait exceptionnelles », a assuré Hervé Guillou, PDG de Naval Group, qui a construit le monstre d’acier de 99 mètres de long pendant plus de 10 ans. « Ça nous classe en toute première division » au niveau mondial.

Le coût du programme (développement et construction), qui accuse trois ans de retard, s’élève à 9,1 milliards d’euros, soit « à peu près 1 milliard par navire, 30 à 40% moins cher que ceux de nos partenaires européens », assure-t-il.

Cocarde bleu-blanc-rouge sur l’étrave, le sous-marin ne sera mis à l’eau que fin juillet avant des essais à quai, puis en mer, et sa livraison à la Marine nationale à Toulon avant l’été 2020.

Les Barracuda visent à remplacer les six sous-marins de classe Rubis entrés en service à partir du début des années 1980.

« Ce qui naît aujourd’hui avec le Suffren, c’est un chasseur, pas un bateau qui va se cacher au fond de l’océan, c’est un bateau qui est taillé pour le combat » pour « rencontrer des adversaires », les « frôler » et « mener des missions de combat« , a expliqué à la presse l’amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major de la Marine.

La mission du SNA consiste à protéger les bâtiments précieux comme les porte-avions et sous-marins lanceurs d’engins (SNLE) porteurs des missiles nucléaires, à traquer les sous-marins ennemis et à recueillir du renseignement.

S’ajoutent deux autres missions: être « un tireur d’élite, capable de toucher à l’intérieur des terres des cibles à des centaines de kilomètres grâce à ses missiles de croisière » et devenir « un opérateur de forces spéciales étant capable (…) de mettre à terre des équipes de commandos pour conduire des opérations de renseignement ou des opérations offensives », selon l’amiral Prazuck.

– 10 fois plus silencieux –

Le Suffren dispose pour cela d’un hangar de pont amovible, à l’intérieur duquel un propulseur sous-marin pour nageurs de combat est embarqué.

Par rapport aux Rubis, le Suffren « est plus gros, donc il est plus silencieux, 10 fois plus silencieux », selon l’amiral Prazuck. Il est aussi « plus endurant, peut rester 70 jours à la mer (contre 45 pour les Rubis) et il est plus redoutable », avec missiles de croisière navals, missiles antinavires Exocet et torpilles lourdes.

Particularité: il n’a pas de périscope, élément emblématique de la guerre sous la mer. Pour voir ce qu’il se passe à la surface, plus de tube coulissant traversant la coque, ce qui en faisait un point de vulnérabilité, mais des caméras placées en haut d’un mât qui retransmettent les images.

Selon la ministre des Armées Florence Parly, qui s’exprimait sur France Info, il sera aussi « plus écologique puisqu’il ne rejettera aucun déchet en mer » et permettra d’accueillir dans son équipage des personnels féminins. La précédente génération était trop exiguë et ne permettait pas d’aménager des espaces de vie séparés ».

Son lancement intervient dans un contexte d’augmentation mondiale du nombre de sous-marins (+6% en 5 ans). Il y en aujourd’hui plus de 450. Si les Etats-Unis, la Russie, la Chine et le Royaume-Uni sont les seuls avec la France à être dotés de SNA, de nombreux pays renouvellent leur flotte conventionnelle (Inde, Australie) et d’autres s’en dotent pour la première fois (Malaisie, Bangladesh, Vietnam), notamment dans une stratégie visant à interdire à la puissance chinoise de se déployer à proximité de leurs côtes.