L’artillerie française – « Aux résultats ! » en Irak 2/3
Mars attaque – mardi 10 juillet 2018
Après avoir présenté le cadre général du mandat du 11ème régiment d’Artillerie de Marine (RAMa) de février à juin 2017 en appui de la reprise de l’Ouest de Mossoul, quel bilan ? Que retenir ? Et quelles évolutions depuis ?
« Le feu (indirect) tue«
Au cours de son mandat de 5 mois, le Groupement Tactique d’Artillerie (GTA) de l’Orient a conduit pas moins de 889 missions de feu avec ses 4 canons Caesar, soit une activité intense comparée au mandat précédent, et au début du suivant (cf. le schéma ici). Sans, pour rappel, tirer un seul obus dans Mossoul même, mais seulement en périphérie. Nous y reviendrons. Il ne peut être strictement discriminé entre actions des artilleurs américains et artilleurs français, mais 29% des feux de la coalition sur la période considérée (février à juin 2017) ont été réalisés par l’artillerie (dont 11,5% par les M142 HIMARS américains, capacités d’appui-feu de niveau division), le reste l’étant par les drones et l’aviation, dont notamment 4% en Close Combat Attack (CCA) par des hélicoptères américains AH-64 Apache particulièrement appréciés pour des tirs au plus près des forces amies avec leurs roquettes de 70 mm et leurs missiles Hellfire précis. Plus que les chiffres bruts ou la répartition, il s’agit, selon les militaires concernés, de relever l’importance des feux combinés, notamment quand des munitions aériennes visaient des structures (avec des effets plus puissants que l’artillerie), et que l’artillerie ensuite permettait de traiter avec précision les objectifs alors mis à portée (personnels, armements, infrastructures, etc.). Ou que l’artillerie ne subissait que peu les aléas météorologiques (d’où l’importance de la récente station météo type SEPHIRA), parfois compliqués durant le mandat (tempêtes de sable notamment) assurant la permanence des feux alors que la couverture aérienne était contrainte par le plafond nuageux. De leur côté, au rang des avantages comparés, les tirs depuis des appareils en vol peuvent permettre de gagner du temps, lorsque les appareils sont bien positionnés, ou qu’ils ont la possibilité de rapidement se rapprocher des cibles, fugaces, pour réduire la distance de la trajectoire de la munition tirée, ou qu’ils peuvent rapidement se repositionner et atteindre des nouvelles zones déconflictées (Restricted Operating Zone).
Ce mandat du GTA de l’Orient a permis de fortement rappeler (en interarmes comme en interarmées) que, conformément à la mission demandée décrite précédemment (« détruire l’ennemi« ), « le feu indirect tue« . Pour ce qu’il est possible de dévoiler, des bilans indéniables ont été atteints, faisant du 11è RAMa : « le régiment le plus l’étal de l’armée de Terre en 2017« . Ainsi, avec certitude (et comme peuvent l’illustrer les raisons de l’attribution de la Croix de la Valeur militaire de ce bigor du 11è RAMa), ce n’est pas moins de 3 katibas ennemies (niveau compagnie) qui ont été détruites, 1 canon de 23 mm, 1 obusier D-30 de 122 mm, 8 mortiers lourds et moyens, 7 pick-up, et même, en « sol-fleuve« , 3 embarcations sur le fleuve Tigre (certaines étant détruites en mouvement, justifiant presque la dénomination d’Artillerie de Marine du régiment…).
Plus globalement, et conformément à l’adage, « le 1er ennemi de l’artilleur, c’est l’artilleur ennemi« , pour la partie Ouest de Mossoul, la coalition a dû mettre en œuvre une manœuvre des feux pour gagner la supériorité des feux, notamment via des cellules intégrées de renseignement orientées sur la destruction des moyens de l’artillerie adverse (tubes, stocks, postes de commandement, etc.), des feux anticipés sur les zones de passage de l’adversaire, des répétitions, ou rehearsals, pour les plans de feux lors des plus importantes phases tactiques, des embuscades de feux pour forcer l’adversaire à se dévoiler, etc. En effet, l’organisation EI était en mesure au début de la bataille de réaliser jusqu’à 200 tirs indirects par jour au plus fort des opérations. 50% des tirs de l’artillerie américaine sur la période furent donc tirés contre les artilleurs adverses, pour obtenir au bout de 3 mois une supériorité des feux non remise en cause. En effet, si l’adversaire réalisait des tirs considérés comme généralement artisanaux pour la précision, cela se faisait à l’échelle industrielle.
Pour le GTA de l’Orient, la majorité des tirs (environ 2/3) furent réalisés de nuit, nécessitant un entraînement particulier pour les hommes, pour tenir dans la durée. Toute la palette des effets des tirs fut mise en œuvre : neutralisation, aveuglement, destruction, ou éclairement. Avec des effets calculés à chaque fois au plus juste, comme par exemple lors de la demande décrite ici : « Le 4 juin, lors d’une demande d’appui formulée par une unité irakienne harcelée par un mortier, les officiers en charge de la vérification des tirs demandés ont opté, en concertation avec le commandant d’unité responsable du contrôle national, pour des tirs de semonce plutôt qu’un tir de destruction sur une pièce d’artillerie en raison de la présence de la population civile non loin du mortier visé. Sur le terrain, la solution a permis de faire cesser les tirs qui menaçaient les troupes irakiennes tout en protégeant les populations qui auraient pu être touchées par un tir à détruire« . Les obus de semonce ont offert des compromis intéressants pour effectuer une démonstration, soit en tirant sur des objectifs vides (situés à proximité des cibles réelles potentielles), notamment pour provoquer l’ennemi, soit en obtenant des effets à létalité réduite. Le GTA de l’Orient a tiré 60% d’obus explosifs, 27% d’éclairants, 13% de fumigènes et 2% d’obus de semonce. Et cela souvent à longue portée (au-delà de 25 km), nécessitant l’emploi de fortes charges (nous reviendrons sur cette question pour les conséquences sur l’usure des tubes) et de kits RTC (réduction de traînée de culot) sur les obus pour gagner en allonge.
Ce furent au total 189 tonnes de munitions transbordées manuellement, avec des obus pesant en moyenne 43 kg chacun. Quand il faut envoyer une salve de 72 obus via 3 systèmes Caesar en 3-4 minutes (avec une cadence de tirs à 6 obus / minute), cela demande de « taper dans le cardio« , comme se souviennent des artilleurs déployés. Surtout lorsque les canons Caesar ont une capacité d’emport vite atteinte (avec 18 casiers, mais en réalité 17 pour les obus et 1 pour un thermomètre pour vérifier la température des obus). Ainsi, pour de telles salves, il est nécessaire de recharger en cours de séquence de tirs et donc de faire la navette entre les pièces et, à l’écart pour des questions de sécurité, les camions d’accompagnement : des porteurs polyvalents terrestres logistiques avec des dispositifs de protection, dit PPL LOG DP, développés sur la base de camions Iveco, et fournis par l’arme du Train (l’artillerie n’ayant au quartier que des versions sans dispositifs de protection, non déployés du fait des niveaux de protection requis lors des convois logistiques). D’où rapidement, l’achat de ceintures lombaires pour protéger les dos des hommes, ainsi que des voiturettes robustes type « golfette » pour faire plus facilement les allers-retours. Ainsi, en 1 heure, 1 servant peut charger jusqu’à 1,2 tonnes. D’où une nécessaire endurance des équipes : « L’intensité de l’engagement justifiait pleinement les séances de CrossFit réalisées par les servants et munitionnaires en amont du déploiement !« , et pendant le déploiement.
(Fortes) impressions
En opérations au contact des alliés et des partenaires, l’artillerie française a été au cœur de toutes les attentions. Via de nombreuses visites d’autorités et démonstrations, l’ensemble de la chaîne de tir de l’artillerie française a été présentée et jaugée, de l’armée régulière irakienne aux unités américaines, en passant par les autres alliés de la coalition. D’abord, il y a eu les résultats opérationnels qui ne trompent pas (avec aujourd’hui quasi 1.900 missions de tirs menées par les canons français). La remise de décorations américaines, à plusieurs artilleurs de Marine, viendront souligner ce degré de satisfaction : Army Commendation Medal ou Army Achievement Medal, notamment.
Le général commandant la 36ème brigade blindée de la 9ème division blindée irakienne (unité appuyée pour la fermeture de la poche de Mossoul) a transmis en remerciement aux artilleurs français le trépied d’une mitrailleuse lourde criblé d’éclats d’obus français. Le GTA de l’Orient et les autres mandats ont reçu de nombreuses visites d’officiers irakiens qui avaient déjà l’expérience de l’armement français puisqu’ils en étaient partiellement équipés lors de guerre Iran-Irak (automoteurs AMX AuF1, par exemple). Les militaires américains ont noté de leurs côtés les capacités offertes par le Caesar, et le compromis qui a conduit au système : à la fois la cadence de tirs permise par le chargement semi-automatique (quand les artilleurs américains doivent charger à la main les canons M777), la mobilité (notamment lorsqu’il fallait mener avec des éléments de protection et de génie américains des raids d’artillerie notamment de nuit en bougeant les canons pour les mettre dans de meilleures positions ou à portée des objectifs adverses), la simplicité (équipes de pièces réduites à 4 ou 5, quand le M109 nécessite des équipages à 6, et au minimum à 5 pour le M777, voir plus pour tenir la cadence), la relative protection (avec l’adjonction des kits de sur-blindage sur la cabine), ainsi que la portée (supérieure d’une dizaine de kilomètres par rapport à celle des M109 qui est autour de 24-25 km, et encore plus par rapport à celle des M777). Alors même que l’US Army ou le Corps des Marines ont raté le tournant du passage du 155 mm de 39 calibres à 52 calibres. Sur l’avant-dernier mandat de la TF Wagram (avec le 40ème régiment d’Artillerie dans la zone d’Al Qaim face aux dernières poches de résistance constituées), sans aller jusqu’à la portée maximale autour de 38 km, plusieurs tirs ont atteint 34km, la majorité des tirs se situant entre 15 et 25 km, une portée qui surpasse bien souvent les capacités américaines dans le domaine des tirs indirects de l’artillerie.
Et cela, d’autant plus que les Caesar ont eu une disponibilité technique opérationnelle (DTO) proche de 100% durant le mandat du GTA de l’Orient, avec un énorme travail de nuit et de jour des éléments de soutien (DETSOUT). Le tout dans l’environnement rude de la plaine de Ninive : de -10°C durant les nuits de février à +50°C au mois de juin. Un élément léger d’intervention armement gros calibre (ELI AGC), détaché de la batterie de commandement et de logistique (BCL) du 11è RAMa, était en alerte, vivant au rythme de la section de tir pour pouvoir réagir en cas d’incident. Le haut niveau de dépôt de cuivre et l’encrassement des tubes observés étaient dus à l’utilisation d’anciennes munitions de 39 calibres (compatibles avec le Caesar), tirées pour finir les stocks, mais qui nécessitaient un important travail de remise en condition après les séquences de tirs.
Ce qui a été surtout noté, ce fût la bonne tenue de l’intégralité de la chaîne de tir française, avec peu de restrictions : respecter les règles de contrôle national, et être force de proposition pour trouver des solutions et traiter les objectifs (transmission de données, calcul des éléments de tirs, tirs en cible, réactivité, etc.). Au bout d’une semaine d’arrivée du GTA de l’Orient sur la zone, les premiers obus explosifs sont tirés, en cible, permettant de gagner la confiance des autorités hiérarchiques américaines, qui remettent, comme pour les unités américaines d’ailleurs, les compteurs à zéro (par rapport au mandat précédent, celui du 68ème régiment d’Artillerie d’Afrique), et jaugent la qualité des unités mises à disposition. Lors du mandat d’octobre 2017 et février 2018, pour le GTA Igman (autour du 40ème régiment d’Artillerie), moins de 10% des missions de feu réalisées (sur 91 au total) nécessiteront une correction de tir. Cette intégration au sein de la coalition est chaque fois à gagner, et très rapidement ce fût le cas, conduisant à une intégration avancée, au-delà de la colocalisation de tous les décideurs de la chaîne artillerie alliée. Néanmoins, par exemple, les militaires français ne sont pas dans les « Five Eyes » (cercle restreint pour le partage du renseignement : Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et Etats-Unis). Ils n’ont donc pas accès à certaines réunions de planification ou à certains tchats (et cela oblige à des transferts, chronophages, de documents via clés USB, entre des réseaux de niveaux de classification différents). Selon plusieurs militaires, les plus embêtés sont les militaires américains, qui utilisent l’expression « Fucking Five Eyes » pour montrer leur agacement. Il est donc utilisé de plus en plus un niveau de classification ad hoc : « 5 Eyes + France« .
Il s’agissait alors d’attaquer « by, with and through » les forces de sécurité irakiennes, en s’adaptant avec agilité et sur court pré-avis, comme pour certaines bascules d’efforts (racontées dans un retour d’expérience américain consacré à l’artillerie, pages 36 et suivantes). Dans cet environnement opérationnel, le rôle de la Strike Cell basée à Erbil durant le mandat du GTA de l’Orient est jugé comme particulièrement essentiel pour la bonne complémentarité avec les autres moyens employés, en favorisant l’intégration des moyens de tirs et d’observation. Le patron du GTA y était dans un environnement interarmées de commandement et de contrôle regroupant : artillerie, renseignement, hélicoptères, gestion 3D, appui aérien, etc. Tous sur les mêmes réseaux, avec pas moins de 17 écrans TV présents dans le PC (recopies images des drones en permanence, avions, observateurs, situation tactique, etc.). 90% des tirs effectués furent faits sous l’observation de drones américains, avec à chaque tir, une check list à dérouler en moins de 10 minutes pour arriver ou non à l’autorisation de tir. Néanmoins, en cas d’absence de drone, comme pour les salves à 72 obus déjà narrées, elles se sont faites suite à l’envoi de coordonnées par un observateur avancé irakien. Il a donc fallu l’accord du niveau stratégique français, le CPCO, qui l’a accordé, un des critères étant que l’observateur en question avait été préalablement formé par les forces spéciales américaines, « à un certain standard« . Il fallait également se faire confiance entre alliés, certaines capacités étant non prises en compte par les militaires français, comme la contre-batterie assurée via des radars Q50 et les nouveaux AN/TPQ53, similaires aux radars Cobra français, ou les radars Sentinel et les moyens type LPWS (Land-Based Phalanx Weapon) pour la défense type C-RAM (Counter-Rocket, Artillery, and Mortar). Une des exigences du CPCO, qui agissait surtout en planification (avec obligation de faire valider en conseil de défense restreint l’autorisation pour que les canons français changent de positions entre les bases…) plus qu’en conduite, était que les militaires français insérés aient le même niveau de protection que les artilleurs américains. Ce qui a été fait à l’époque avec des unités de l’US Arm, et s’est poursuivi avec des unités de Marines auprès desquels les TF Wagram successives furent insérées, au sein de la Task Force Lion à partir d’octobre 2017 pour les opérations dans la MERV (acronyme pour Middle Euphrates River Valley) de la province d’Al Anbar.
Formation, conseil… et SOUTEX amont
Le GTA autour du 35ème RAP (régiment d’Artillerie parachutiste de Tarbes), nouvellement arrivé au Levant, est déployé durant le 2ème quadritrimestre 2018 dans un format un peu diffèrent des autres unités jusque-là, reposant sur une centaine d’artilleurs. Il est le 6ème régiment d’Artillerie équipé de Caesar déployé, le dernier a ne pas l’avoir été jusque là. Il y a d’abord la réduction du nombre de Caesar : passage de 4 Caesar – sans compter les 1 à 2 systèmes qui étaient déployés en remplacement et stockés sur le théâtre (en spares) – à 3 pièces, et potentiellement 2 pièces relativement prochainement, selon l’évolution de la situation dans la vallée de l’Euphrate (opération Round Up). La TF Wagram est maintenant composée d’un état-major tactique (situé non plus à Erbil mais sur la base aérienne d’Al Asad pour le Combined Joint Operations Center), d’une section de tir à 3 pièces, des éléments de soutien et d’un détachement d’assistance militaire opérationnelle (AMO) artillerie en charge de participer à la formation des artilleurs des divisions de l’armée irakienne régulière. Cela vient marquer la poursuite de l’effort d’AMO menée jusque-là, prenant en compte : la quasi fin des opérations de reconquête du territoire irakien face à l’organisation EI (avec les dernières poches de résistance situées de l’autre côté de la frontière irako-syrienne, traitées sans passer de l’autre côté de la frontière irako-syrienne, notamment grâce à l’allonge des Caesar), et la nécessaire poursuite en parallèle de la montée en puissance des forces irakiennes. Cet effort s’inscrit dans le cadre de l’offre française sur le continuum de la diplomatie de défense : de la formation au conseil, en passant par l’assistance au combat, la fourniture de matériels, etc.
Il s’agit de remettre sur pied un système autonome de formation, en formant en priorité les formateurs (développer le savoir-faire-faire) qui pourront à leur tour former leurs compatriotes. Depuis que le rythme des opérations s’est réduit, les unités françaises en charge de ce volet formation, notamment la Task Force Monsabert auprès de la 6ème division irakienne, à l’ouest de Bagdad, peuvent se concentrer sur les écoles de formation, notamment dans 2 domaines où les militaires français offrent une plus-value : le déminage et l’artillerie. Cela passe par l’envoi d’artilleurs dans les écoles pour organiser des formations, des campagnes de tirs pratiques, des sessions de conseils, etc. Cette TF Monsabert qui compte environ 60 militaires a en effet une double mission : conseiller et appuyer l’état-major de la 6e division qui est chargée de la sécurisation de l’ouest du Grand Bagdad, et former les unités de la 6e division en topographie (principalement au profit des unités d’artillerie), en combat en localité et en maintenance et emploi des armes et des canons. Ainsi, par exemple, fin avril 2018, venant couronner 3 semaines de formation, les artilleurs irakiens du 106e bataillon d’artillerie, appartenant à la 6e division irakienne, ont mené une campagne de tir au canon de 155mm de type M198 sur le camp de Besmayah, en liaison avec des artilleurs français mais aussi des formateurs espagnols de la Légion espagnole. Il s’agissait de se réapproprier certains savoir-faire. Le tout en présence de hautes autorités militaires irakiennes (commandant du centre opérationnel du Grand Bagdad, patron de la 6ème division, directeur des écoles de formation, etc.). En mars, il en avait été de même avec un autre bataillon d’artillerie (le 107ème à Al-Asad Air Base) sur les compétences en tirs de barrage. Ou encore, via des équipes d’instruction mobiles, auprès de la 7ème division irakienne, avec des d’instructeurs norvégiens de la Norwegian Task Unit, chargés de la mission « Advise, Assist & Enable » (A2E) au profit de la 7e division. En parallèle, un séminaire de haut niveau a été organisé en avril sur l’avenir de l’artillerie irakienne, présidé par le général commandant l’école d’artillerie. Des missions de conseil sur la réorganisation de l’artillerie sont également menées, à la demande des militaires irakiens, entre régénération et préparation aux opérations les plus probables. Des partenariats devant déboucher à terme sur la formation d’officiers et de sous-officiers.
Cette diplomatie militaire au contact des élites, militaires mais aussi politiques, permet de développer en amont son influence future sur différents points de vue, notamment sur les éventuels choix capacitaires. Ainsi, les échanges entre les forces étrangères et françaises conduisent à développer une culture opérationnelle partagée par la promotion d’un modèle de défense et l’application de normes communes (techniques, opérationnelles, etc.). Les industriels français peuvent bénéficier de ces connaissances, de ces choix et de ce capital sympathie des habitudes. Cela peut parfois faciliter, sans aucun lien d’automaticité, l’obtention de contrats dans un environnement marqué par la multiplication des concurrents. Ce SOUTEX (soutien à l’export) ciblé vise à soutenir notamment une capacité dite « combat proven« , qui a fait ses preuves en opérations, après les acquisitions, pour ce qui concerne le système utilisé (et qui pourrait ne pas être le plus à même de répondre aux besoins, l’offre étant large), « par les armées françaises, danoises, indonésiennes, thaïes, ainsi que d’un pays du Moyen Orient » (l’Arabie Saoudite). Cela se voit également par la présence de certains industriels lors de salons professionnels, comme le salon IQDEX qui a pour objectif de répondre aux demandes spécifiques du gouvernement irakien. Dans ce cadre, la France avait pour la première fois mis en place en 2018 un pavillon à Bagdad, lui permettant de promouvoir le savoir-faire industriel français dans le domaine de la sécurité, notamment avec des industriels comme Nexter, Rivolier, Azur Drone, Thales, etc. L’ambassade indiquant que « La stabilisation de l’Irak passant certes par la reconstruction des esprits mais également par la consolidation de son cadre sécuritaire« .
Cela s’inscrit dans la continuité des actions de SOUTEX menées (notamment pour le Caesar dans le Nord de l’Europe, au Danemark, ou encore au Royaume-Uni ou en Inde). Plus globalement pour l’armée de Terre, et comme décrit par l’officier général chargé des relations internationales à l’état-major de l’armée de Terre, « la participation au SOUTEX se concrétise par l’organisation de démonstrations de matériel, la réalisation de formations tactiques et d’interventions d’autorités ou d’experts. En effet, sollicitée par les industriels, l’armée de Terre est la seule à pouvoir, de façon crédible, assurer la promotion d’un équipement éprouvé au combat auprès d’armées étrangères. Ainsi, chaque année, 70 missions SOUTEX sont réalisées, qui mobilisent des effectifs pouvant atteindre le volume d’une compagnie et des autorités jusqu’au grade de général« . Une action, loin d’être principale pour les armées évidemment, au cœur d’actuelles réflexions sur la question du retour sur investissement pour les armées (débat non lié néanmoins à cet exemple précis). Notamment financiers, pour le remboursement sec des coûts des prestations, mais également dans le cadre des relations industries-armées, en termes de garantie du respect des priorités, en cas de contrats export obtenus qui ne doivent pas remettre en cause, malgré les éventuels volumes, les engagements pris vis à vis des armées françaises. Ou lors des négociations sur les programmes nationaux futurs, pour mieux prendre en compte les perspectives d’exportation : « C’est pourquoi je souhaite que nos programmes nationaux prennent mieux en compte, dès leur commencement, les perspectives d’exportation. Mais en contrepartie, il n’est pas normal que l’État ne bénéficie pas de prix plus avantageux, lorsque les hypothèses d’exportation deviennent réalité« , indiquait récemment la ministre des Armées.