Le futur porte-avions français devrait être plus imposant et mieux protégé que le Charles-de-Gaulle
Lors du dernier salon Euronaval, en octobre 2018, la ministre des Armées, Florence Parly, a donné le coup d’envoi de la phase d’étude relative au futur porte-avions de la Marine nationale, qui succédera aux Charles-de-Gaulle dans les années 2035/40.
« Ne limitons ni notre horizon, ni notre imagination. Nous ne devons pas refaire à l’identique, mais chercher les capacités les plus ingénieuses, les plus utiles et les plus efficaces. Faisons de ce porte-avions, une véritable base avancée de notre marine », avait alors affirmé Mme Parly.
Évidemment, un tel exercice n’est pas simple, dans la mesure où, pour le moment, on n’a qu’une vage idée de ce que sera « l’état de l’art technologique » en 2030. Et il ne suffit pas d’imaginer l’intégration de nouvelles technologiques « révolutionnaires »… Encore faut-il qu’elles aient atteint un certain degré de maturité.
Cependant, et même si on navigue dans le brouillard, il est possible d’avancer quelques certitudes sur ce futur porte-avions. La première est que ce navire devrait être nettement plus imposant que l’actuel Charles-de-Gaulle. Et plusieurs raisons le suggèrent.
Déjà, le New Generation Fighter [NGF], c’est à dire l’avion de combat qui sera au centre du Système de combat aérien futur [SCAF], développé par la France, l’Allemagne et l’Espagne, devrait être plus imposant que le Rafale étant donné qu’il emportera ses munitions en soute. Ce qui suppose donc un pont d’envol et des hangars plus vastes. En outre, le futur porte-avions devrait être en mesure de mettre en oeuvre des drones, ce qui aura également des conséquences sur ses installations aériennes.
Qui plus est, d’après le hors-série de Science&Vie publié à l’occasion du salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, la Marine nationale souhaiterait que son futur porte-avions ait la capacité de « lancer et de ramasser » en même temps ses aéronefs, afin d’avoir davantage de latitudes pour ses opérations aériennes. « Des études sont en cours sur ce point », indique le périodique.
Évidemment, une taille plus importante signifie aussi une masse plus imposante. Ce qui pose la question du mode de propulsion. Étant donné qu’un porte-avions comme le Clemenceau consommait jusqu’à 800 tonnes de carburant par jour [pour un déplacement de 33.000 tonnes], la propulsion nucléaire s’impose.
Grâce à cette dernière, écrit l’amiral [2S] Édouard Guillaud, dans une note de la Fondation pour la recherche stratégique, le porte-avions Charles de Gaulle est ainsi libéré « des contraintes […] du ravitaillement à la mer tous les deux à trois jours. Celles-ci imposaient à chaque fois à ses prédécesseurs conventionnels une interruption de l’activité aérienne pendant plusieurs heures ainsi qu’une route de ravitaillement déterminée par les conditions météo du moment, ce qui était un renseignement de choix pour un adversaire potentiel. » Donc, l’intérêt est à la fois économique, opérationnel et technologique.
Actuellement, le porte-avions Charles de Gaulle compte deux chaufferies nucléaires K-15 développant chacune une puissance de 150 MW [contre 700 MW pour chacun des deux réacteurs A1B des porte-avions américains de la classe Gerald Ford…]. Donc, on peut supposer qu’un effort particulier sera fait dans ce domaine, surtout si le choix de doter ce futur navire de catapultes électromagnétiques, très gourmandes en électricité, est confirmé. Et tout laisse à penser qu’il le sera…
« Nous pourrions développer notre propre filière de catapulte à vapeur. C’est surtout un choix d’investissement et du lien que l’on veut avoir avec les États-Unis », estime cependant Olivier de Saint-Julien, directeur du programme « Porte-avions de nouvelle génération » chez Naval Group, dans les colonnes de Science&Vie.
Car, pour le moment, la France n’a pas les compétences en matière de catapultes à vapeur, celles qu’utilisent le porte-avions Charles de Gaulle, de type C 13-3, étant d’origine américaine.
Le principe des catapultes électromagnétiques [ou EMALS, pour Electromagnetic Aircraft Launch System], qui équiperont les porte-avions de la classe Gerald Ford, repose un moteur à induction linéaire utilisant des courants électriques, lesquels générent des champs magnétiques. Et ce système présente plusieurs avantages : il permet de lancer des aéronefs emportant une quantité plus importante de carburant et de munitions, d’augmenter le rythme des opérations aériennes et de limiter les contraintes mécaniques que subissent les structures des appareils à chaque catapultage.
Cependant, la mise au point des EMALS ne se fait pas sans mal outre-Atlantique. D’où une possible réticence à y avoir recours pour le futur porte-avions français. « L’électromagnétique est une voie d’avenir qui ouvre le champ des possibles. La France n’en aura d’ailleurs pas besoin avant une dizaine d’années et d’ici-là, la technologie sera pleinement opérationnelle », note toutefois M. de Saint-Julien.
Enfin, et cela peut aussi jouer sur ses besoins énergétiques, ce futur porte-avions pourrait être beaucoup plus fortement armé que l’actuel Charles-de-Gaulle, qui dispose, pour parer aux menaces, de 32 missiles surface-air Aster 15, de 12 missiles MISTRAL [à courte-portée], de 8 canons F2 de 20 mm et de 4 mitrailleuses de 12,7 mm. En réalité, sa protection dépend surtout de son escorte. D’après Science&Vie, des réflexions sont en cours sur ce point, en « tirant parti de l’expérience du porte-avions tricolore, avec ses bons et ses mauvais points. »
Quoi qu’il en soit, l’étude lancée par Mme Parly au sujet de ce futur porte-avions devant durer 18 mois, on aura donc une idée plus précise de l’allure qu’il aura d’ici la fin du premier semestre 2020.
Photo : Naval Group / Thales