Le général Bourillon, patron des gendarmes en Occitanie : « La gendarmerie doit s’adapter à l’arrivée de 500 000 habitants d’ici 2050«
Le général de division Charles Bourillon, 54 ans, quitte à la fin de la semaine son commandement de la région de gendarmerie d’Occitanie et du groupement de la Haute-Garonne. « Un marathon couru au rythme d’un 110 mètres » a dit cet officier supérieur à propos de ces trois années. Entretien.
Que retenez-vous de ces trois années ?
L’énormité et l’ampleur de la tâche, régionale et départementale. Mon prédécesseur m’avait prévenu mais ces missions ne connaissent aucun point mort. Vous avez le poids des responsabilités et un droit à l’échec inexistant. Et la réussite doit s’adapter à l’inexorable fuite du temps. On attaque le lundi matin et le vendredi arrive sans même s’en rendre compte.
Gérer la région, 12 000 gendarmes, et le groupement de la Haute-Garonne, sacré challenge.
L’événementiel de la Haute-Garonne constitue une course en avant sans aucun arrêt. Nous nous devons de garder notre lucidité et la hauteur de vue qui s’impose à nous. Dans le tumulte, il faut savoir s’arrêter, être capable d’effectuer un tour complet des difficultés pour trouver les bonnes solutions. Et de tout ça je retiens l’engagement des gendarmes, leur résilience, leur sens du service public. Les mauvaises surprises, les problèmes, les difficultés, ils passent outre pour assurer leurs missions. Rien ne les arrête.
50 % de délinquance de la région sur deux départements
Comment situer la région de gendarmerie d’Occitanie ?
12 000 gendarmes, 4 500 réservistes. Elle se place derrière l’Auvergne Rhône-Alpes en termes de délinquance. La deuxième région de gendarmerie en France avec des particularités puisque la Haute-Garonne, et l’Hérault, rassemblent 50 % de cette délinquance régionale.
Avec de fortes disparités ?
La compagnie de Toulouse Saint-Michel, une des cinq compagnies de la Haute-Garonne couvre le nord-est du département et compte 240 militaires. C’est une des plus grosses compagnies de France qui constate 12 000 crimes et délits par an. Le département de la Lozère compte 270 gendarmes pour 2 000 infractions. Bien sûr les problématiques sont différentes mais cette comparaison situe la particularité de la gendarmerie en Occitanie.
Et un emploi du temps que l’on imagine chargé ?
C’est du 7 jours sur 7, presque 24 heures sur 24. Avec d’un côté la gestion de la région qui s’organise sur des projets à moyens et longs termes pour les ressources humaines, les formations, le budget. En parallèle la gestion du groupement dont les événements s’imposent à vous. En Haute-Garonne, en moyenne, c’est un appel toutes les 2 minutes au centre opérationnel et une intervention toutes les 9 minutes.
Peut-on rester zen ?
Il ne faut pas être stressé (sourire). Il ne faut pas craindre les problèmes puisque, de toute manière, ils arrivent et que les journées, quoi qu’il se passe, durent toujours 24 heures !
Comment la gendarmerie s’adapte à une région en forte croissance démographique ?
D’ici 2050, en région d’Occitanie, selon les prévisions, c’est 500 000 habitants en plus, inégalement répartis et majoritairement en Haute-Garonne et dans l’Hérault. Il nous faut donc d’ores et déjà réfléchir à notre organisation, à notre maillage. Nous devons nous adapter et cela ne passera pas uniquement par toujours plus de personnel.
Quatre nouvelles unités en 2025 sur la Haute-Garonne
De nouvelles unités de terrain sont-elles attendues ?
D’ici 2027, 29 nouvelles unités sont programmées en Occitanie, huit ont été installées en 2024. Nous attendons les arbitrages pour l’année prochaine. En Haute-Garonne, quatre brigades sont normalement attendues pour 2025.
Où vont-elles s’installer ?
Une à Vigoulet-Auzil, au sud de Toulouse. Une autre à Montaigut-sur-Save. À Saint-Jory, il s’agira d’une brigade mobile qui devra surveiller les zones d’activités de plus en plus importantes au nord de Toulouse. Enfin la dernière à Pins-Justaret qui va permettre une réorganisation du secteur. Cela doit nous permettre de consacrer plus de temps, et de moyens, à Muret.
Où en est le projet d’implantation sur la commune de Balma ?
Ce futur bâtiment de la compagnie Saint-Michel est un projet important de 50 millions d’euros avec un calendrier ambitieux puisqu’il prévoit une livraison en 2027. Sept millions ont déjà été dépensés dans les études et un jury vient de sélectionner un projet.
La zone serait inondable ?
Cette difficulté a été écartée. L’Hers ne peut déborder à un tel niveau. À terme 140 personnels seront logés sur ce site de Balma avec, outre la compagnie de Toulouse Saint-Michel, le Psig, la brigade de Balma, la brigade des recherches mais également l’escadron départemental de sécurité routière et le peloton motorisé de Toulouse-Croix-Daurade. Plus et je suis content de l’avoir obtenu, le groupement interrégional cyno-technique qui accueillera 9 chiens (4 sont actuellement en fonction sur la Haute-Garonne).
La compagnie de Toulouse-Mirail va aussi déménager.
C’est programmé au printemps 2025 dans un bâtiment neuf qui se situe à cheval sur deux communes, Cugnaux et Villeneuve-Tolosane. Ce beau projet réunira 120 personnels avec, peut-être, un nouveau nom pour cette compagnie qui travaille sur le nord-ouest du département de la Haute-Garonne.
Après ces trois années que vous avez qualifiées de « marathon au rythme d’un 110 mètres haie », des regrets ?
Côté professionnel, je pense avoir rempli ma mission régionale avec le mariage des gendarmeries de Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées qui fonctionnent aujourd’hui ensemble. J’aurais aimé bénéficier d’une année supplémentaire pour mieux travailler au niveau du groupement de la Haute-Garonne dans la lutte contre la délinquance. Sur le plan personnel, je n’ai pas eu le temps de mieux découvrir la région mais elle nous a charmés, comme ses habitants. Nous reviendrons nous y installer avec mon épouse.
Quelles priorités dans la lutte contre la délinquance ?
Après la période du Covid, qui n’a pas été facile, j’ai rappelé l’importance des fondamentaux : la police technique et scientifique, les enquêtes de voisinage, la coordination des différentes brigades des recherches… La Haute-Garonne, c’est 42 000 crimes et délits par an. J’aurais aimé pouvoir m’investir davantage même si les résultats, et certaines belles affaires, m’ont satisfait. Il reste du travail notamment dans la lutte contre le trafic de stupéfiants. Cela demeure notre défi numéro 1 et, restons lucides, au quotidien, la drogue se trouve à l’origine de nos maux les plus importants.