Le ministère des Armées passe à la vitesse supérieure en matière d’intelligence artificielle
« Le traitement massif des données, c’est le nouveau nerf de la guerre. C’est ce qui nous permettra de prendre la bonne décision. Aussi, nous ne pouvons donc dépendre de personne », avait ainsi résumé Florence Parly, alors ministre des Armées.
Après une première phase compétitive et la mise en place un « écosystème » constitué de PME, de jeunes entreprises innovantes et de laboratoires spécialisés dans le traitement des données et l’intelligence artificielle, la Direction générale de l’armement [DGA] confia ce programme au tandem Thales et Atos, via leur co-entreprise Athea, avec Cap Gemini et Sopra Steria comme sous-traitants.
Cette seconde phase devait permettre de développer des « démonstrateurs » pour les six cas d’usage prévus par ARTEMIS.IA.
Pour rappel, intitulé « aide à l’exploitation des données massives, hétérogènes », le premier doit aboutir à un « outil d’exploitation permettant le croisement de données structurées et non structurées » permettant d’effectuer des « analyses multidimensionnelles sur la base de critères géographiques, temporels, relationnels ou statistiques ». Le second concerne la cybersécurité, avec la capacté de détecter des anomalies dans de « grands volumes d’évènements journalisés » tandis que le troisième s’intéresse au suivi de la santé des militaires.
Le quatrième cas d’usage, appelé « intelligence technique et économique », vise à faciliter la recherche d’informations dans de grandes masses de données et d’en faire la synthèse. Dans le même ordre d’idée, il est également question de mettre au point un « outil d’élaboration de la situation maritime, tirant parti du croisement de différentes sources de données » pour avoir la capacité de repérer et d’identifier des « modèles de comportement y compris anormaux et dans la prédiction de la situation maritime future ». Enfin, le sixième domaine couvert par ARTEMIS.IA est celui du Maintien en condition opérationnelle [MCO], avec l’élaboration d’un système d’analyse prévisionnelle et de gestion des flottes [véhicules, aéronefs].
A priori, les démonstrateurs mis à l’épreuve par des « utilisateurs opérationnels » au cours de ces derniers mois ont donné pleinement satisfaction. Ce qui a motivé le ministère des Armées à passer la vitesse supérieure.
En effet, via un communiqué publié dans la soirée du 10 juillet,la DGA a indiqué que le projet ARTEMIS.IA venait d’entrer dans une phase d’industrialisation, avec le déploiement prévu d’une première plateforme opérationnelle de traitement massif de données, la réalisation de standards successifs, la formation et le soutien pour une durée de trois ans.
Plus précisément, cette première application concernera l’exploitation d’information multi-sources à des fins de renseignement. Elle sera livrée en 2023. « Le marché prévoit également le déploiement de futures capacités qui répondront aux spécificités d’autres domaines métiers, élargissant ainsi l’emploi d’ARTEMIS.IA à toutes les entités du ministère des Armées », a détaillé la DGA, pour qui ce programme « constituera plus largement un socle technique de référence, hautement sécurisé et souverain, susceptible d’irriguer à terme d’autres projets étatiques dans le domaine de l’intelligence artificielle. »
Effectivement, un tel projet doit répondre à des impératifs de sécurité… Comme l’avait souligné l’ex-député Fabien Gouttefarde, dans un avis budgétaire publié en octobre 2021, il doit « prendre en compte les nombreuses spécificités du monde de la Défense que sont la protection des données, la multiplicité des réseaux et des niveaux de classification, la gestion du besoin d’en connaître, l’accès aux algorithmes et aux données, tout en répondant aux problématiques de distribution géographique des données et des utilisateurs raccordés au travers de moyens de télécommunications militaires souvent contraints en termes de bande passante et de débit ».
Dans cet avis, M. Gouttefarde s’inquiétait du fait que le ministère des Armées était « en train de concevoir un super système d’analyse des données qui ne fonctionnera que dans 3 ans au plus tôt, c’est-à-dire à un moment où quasiment toutes les technologies impliquées auront évolué ».
Sur ce point, la DGA fait justement valoir qu’ARTEMIS.IA a été conçu « comme une plateforme modulaire », ce qui lui permettra de « bénéficier des avancées technologiques à venir dans le domaine du big data et de l’intelligence artificielle » afin de toujours « mieux répondre à l’évolution des besoins du ministère ».