Le président Trump laisse entendre que les États-Unis disposent d’un missile à propulsion nucléaire
Le 8 août, la mairie de Sererodinvsk fit savoir que ses capteurs avaient enregistré une « brève hausse de la radioactivité » après une explosion ayant eu lieu à la base de Nyonoksa, où la marine russe développe et teste ses missiles.
Seulement, dans un communiqué annonçant un « accident » lors de l’essai d’un « moteur-fusée à ergols liquides », le ministère russe de la Défense assura qu’il n’y avait pas eu de « contamination radioactive » après l’explosion… Ce que contesta, deux jours plus tard, l’agence nucléaire russe Rosatom.
En effet, via un communiqué publié le 10 août, Rosatom annonça que cinq de ses experts avaient été tués dans l’explosion en question. Et d’expliquer qu’ils « fournissaient de « l’ingénierie et du support technique pour la source d’énergie isotopique d’un moteur de missile. » Et l’agence alla jusqu’à préciser que l’accident s’était produit sur une « plate-forme maritime ».
Le communiqué de Rosatom alla dans le sens de l’une des hypothèses que l’on pouvait avancer après l’annonce de l’accident, à savoir que l’explosion était liée au programme russe de missile de croisière à propulsion nucléaire appelé « Burevestnik 9M730 » [code Otan : SSC-X-9 Skyfall].
Figurant parmi les six nouvelles armes « stratégiques » officiellement dévoilées le 1er mars 2018 par le président russe, Vladimir Poutine, ce missile, d’une portée illimitée, serait capable de déjouer les systèmes de défense antimissile. Selon les informations disponibles [mais non vérifiées], il mesurerait 12 mètres de longueur au moment de son tir [puis 9 mètres en vol]. Sa propulsion serait assurée par un « statoréacteur nucléaire », qui combinerait un moteur-fusée à ergols liquides pour la phase de lancement et un réacteur nucléaire.
Selon le renseignement américain, la Russie aurait procédé à quatre essais du « Burevestnik 9M730 » entre novembre 2017 et février 2018. Tous se soldèrent, a priori, par un échec. Cependant, les tests de l’unité de propulsion nucléaire se seraient achevés avec succès en janvier 2019… Mais là encore, il est difficile d’avancer des certitudes.
En revanche, le président américain, Donald Trump, semble en avoir quelques unes. « Les États-Unis en ont appris beaucoup sur l’explosion d’un missile défectueux en Russie », a-t-il en effet assuré, via Twitter, au sujet du missile « Skyfall ». Puis il a fait une annonce surprenante. « Nous avons une technologie similaire, mais plus avancée », a-t-il lâché…
Or, l’arsenal américain est dépourvu d’une telle arme. Du moins officiellement. Aussi, soit le président Trump a fait le fanfaron, soit les États-Unis ont développé en secret un missile similaire au Burevestnik, c’est à dire dans le cadre d’un « black project » du Pentagone. Ce dernier affecte en effet des ressources relativement importantes pour financer des programmes hautement classifiés [on parle alors de « Special access program » [Programme d’accès spécial]. L’avion furtif F-117 en est issu, de même que le drone RQ-170 Sentinel.
Dans les années 1950, dans le cadre du programme « Pluton », le Pentagone avait conduit un projet visant mettre au point un missile à propulsion nucléaire. Appelé SLAM [Supersonic Low Altitude Missile], il devait utiliser un statoréacteur ayant recours à la fission nuclaire. Deux prototypes furent construits et testés dans le désert du Nevada : les Tory-IIA et Tory-IIC [voir photo de une]. Finalement, ce projet fut officiellement abandonné en 1964 après avoir coûté plus de 2 milliards de dollars [actuels].
En outre, dès 1946, le Pentagone avait aussi lancé le projet « Nuclear Energy for the Propulsion of Aircraft » [NEPA], auquel succèda celui appelé Aircraft Nuclear Propulsion [ANP], avec l’idée de mettre au point un moteur à propulsion nuclaire pour les avions. Deux B-36 furent modifiés à cette fin par Convair afin de tester les moteurs Direct Air Cycle de General Electric et l’Indirect Air Cycle de Pratt & Whitney. Mais là encore, ces programmes furent annulés.
Enfin, la Nasa a aussi conduit des études relatives à la propulsion nucléaire thermique appliquée à la propulsion spatiale [programme NERVA, pour Nuclear Engine for Rocket Vehicle Application]. Mais il fut lui aussi arrêté en 1972, après avoir coûté 7,7 milliards de dollars [de 2012]. Les recherches reprirent entre 1983 et 1991 sous le nom de code « Project Timber Wind », dans le cadre d’un « Special access program » [.pdf] faisant partie de « l’Initiative de défense stratégique » [IDS ou « guerre des étoiles »] lancée par le président Reagan.
En 2019, l’administration américaine a accordé une enveloppe de 125 millions de dollars à la Nasa pour mener des études sur la propulsion nucléaire thermique, afin de préparer les missions vers Mars.