Le Royaume-Uni envisagerait de se doter à nouveau d’une composante nucléaire aéroportée
Au début des années 2010, quelques voix, dont celle d’un ancien ministre de la Défense, défendirent – vainement – l’idée que la dissuasion nucléaire française ne devait plus reposer que sur les quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de la Force océanique stratégique [FOST] et que, par conséquent, sa composante aéroportée était vouée à disparaître. Et de justifier leur raisonnement par les choix faits par le Royaume-Uni quelques années plus tôt.
En effet, à la fin des années 1990, les Britanniques renoncèrent à la composante aéroportée de leur dissuasion, avec le retrait des Blackburn Buccaneer [en 1995], puis de la bombe nucléaire tactique WE.177, pouvant être emportée par des Tornado GR1/1A de la Royal Air Force [RAF]. En revanche, ils conservèrent la composante océanique, laquelle repose actuellement sur quatre SNLE de type Vanguard, armés de missiles balistiques Trident D5 de conception américaine.
Seulement, s’il a lancé l’ambitieux programme « Dreadnought » pour remplacer les quatre SNLE de type Vanguard de la Royal Navy, le Royaume-Uni s’apprête, a priori, à revenir sur la décision qu’il avait prise il y a près de trente ans.
En effet, la nouvelle revue stratégique britannique, qui sera dévoilée le 2 juin, prévoit, selon l’édition dominicale du quotidien The Times, l’acquisition de F-35A, c’est-à-dire la version « classique » du chasseur-bombardier de Lockheed Martin, en vue de recréer une composante nucléaire aéroportée au sein de la RAF. Pour cela, Londres envisagerait d’acquérir des armes nucléaires tactiques B-61 auprès des États-Unis.
« Le Royaume-Uni cherche à acheter un avion de combat capable de lancer des armes nucléaires tactiques, dans le cadre d’une expansion significative de ses capacités de dissuasion, le tout dans le but de faire face à la menace croissante de la Russie », avance le journal. « Le secrétaire à la Défense, John Healey, et l’amiral Sir Tony Radakin, le chef des forces armées [britanniques], ont des discussions sur ce sujet avec le Pentagone », poursuit-il.
L’hypothèse d’un achat de F-35A par le Royaume-Uni a déjà été évoquée en mars dernier. Et cela alors que, selon les plans initiaux, le ministère britannique de la Défense [MoD] prévoyait d’acquérir un total de 138 F-35B, c’est-à-dire la version STOVL [short take off / vertical landing] de cet appareil. D’ici la fin de cette année, il devrait en compter quarante-neuf exemplaires.
Jusqu’en 2008, le Royaume-Uni a abrité des bombes B-61 sur son sol, précisément sur la base aérienne de Lakenheath. Mais, à la différence des pays impliqués dans le partage nucléaire de l’Otan, comme la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Italie, ces armes étaient destinées à être mises en œuvre, si nécessaire, par des F-15E de la 48e escadre de l’US Air Force.
A priori, ce devrait être à nouveau le cas bientôt dans la mesure où, selon des documents budgétaires du Pentagone, les dépôts ayant autrefois servi à stocker un total de 132 bombes B-61 font l’objet de travaux de rénovation depuis au moins trois ans. Au passage, les F-15E vont quitter Lakenheath, des F-35A devant les remplacer.
Dans un entretien accordé au Sunday Times, M. Healey n’a pas voulu faire de commentaires sur ce sujet. « Le Royaume-Uni doit faire face à une nouvelle ère de menaces. Le monde devient plus dangereux. Le risque nucléaire augmente », a-t-il seulement déclaré.