L’embuscade Uzbin (18 août 2008)- 2 Un col trop loin
Par Michel Goya – La Voie de l’épée – vendredi 17 août 2018
https://lavoiedelepee.blogspot.com/2018/08/lembuscade-uzbin-18-aout-2008-2-un-col.html
A l’été 2008, la France prenait simultanément en compte la province de Kapisa ainsi que le commandement de la région de Kaboul (Regional command capital, RCC) et donc également le district de Surobi.
Le 8e Régiment parachutiste d’infanterie de marine (RPIMa) était l’instrument premier de cette double-opération. Selon les mots de son chef, il se préparait avec la « souplesse d’un gymnaste ». La structure de son groupement ne cessait de fluctuer au gré des incertitudes politiques. A Bucarest en avril, on annonçait bien les fameux « 1 000 soldats de renfort » mais en réalité ce n’était plus que 700 pour la nouvelle mission et 300 pour le RCC afin de remplacer le départ d’une unité allemande et d’occuper la base de Tora en Surobi. Le tout s’effectuait alors que l’on avait retiré les véhicules des régiments pour les grouper dans des parcs mais l’on entamait seulement les très rigidifiantes réformes issues de la RGPP. Louvois ne serait adopté que quelques mois plus tard et les marsouins-parachutistes pouvaient au moins être certains d’être soldés.
Laissés un peu à eux-mêmes, sans grande orientation opérative et tactique, le 8e RPIMa s’est quand même très bien préparé et ceux qui sont partis en Kapisa en juillet s’en sont finalement bien sortis. Jusqu’au mois de décembre, ils ont mené la première campagne de contre-insurrection française depuis le Tchad dans les années 1970 et ils l’ont bien fait, au prix de quinze soldats blessés. C’était un tournant majeur de notre engagement en Afghanistan et même de l’emploi de nos soldats depuis les années 1980 mais cela n’intéressait alors guère les médias. Cela se passait sans doute trop bien et puis cette Task Force Chimère n’avait eu « que » quinze soldats blessés. On aurait donc pu continuer à faire la guerre à bas bruit s’il n’y avait eu aussi le ré-engagement en Surobi.
Trois semaines après la relève des Américains en Kapisa, le BATFRA renforcé remplaçait les Italiens sur la base de Tora. On avait donc deux engagements français voisins mais qui auraient pu se dérouler aussi bien sur des planètes différentes tant le BATFRA restait lui dans son sentier. Alors même que la compagnie affectée à Tora était aussi du 8e RPIMa et se trouvait à quelques dizaines de kilomètres de ses camarades, les équipements ou les dotations en munitions étaient restées les mêmes que ceux du reste du BATFRA, qui lui-même avait peu évolué. Si on y ajoutait, à Tora, les certitudes d’un capitaine sur ses qualités propres et celles de son unité, on obtenait un cocktail habitudes-prétention au destin généralement funeste en temps de guerre. On m’a raconté encore récemment le dédain avec lequel un officier de l’armée de l’air, qui, elle, était désormais pleinement engagée, avait été reçu. Les appuis aériens ? Oui on verra ! Sous-entendant clairement qu’une unité d’élite qui n’en avait pas eu besoin en Afrique, n’en aurait pas plus besoin en Afghanistan.
Le district de Surobi est alors surtout une zone de passage pour les groupes armés et bandits locaux, dont le plus important est le Hezb i-Islami Gulbuddin (HiG) d’Hekmatyar, un ancien allié contre les Soviétiques. Les Italiens avant nous et les Turcs encore avant ne s’y sont jamais montré, disons, très agressifs. Un accrochage qui avait provoqué la mort d’un soldat italien en février 2008 avait suffi à calmer tout velléité de troubler l’activité locale.
Le nouveau commandement français décidait de son côté de reprendre pied dans tout le district. La méthode en serait la reconnaissance, c’est-à-dire concrètement des déplacements sur tous les axes afin de rencontrer les populations et de voir le terrain avant de rentrer à la base. La conjonction entre pouvoir mettre le pied quelque part pendant une heure ou deux et contrôler ce même quelque part était sans doute un peu hâtive (après l’embuscade, un très haut responsable des armées me parlera ironiquement de « promenade militaire » pour qualifier cette méthode) mais jusque-là cela paraissait fonctionner, en grande partie parce que personne ne s’y opposait. On pouvait circuler et, avec un peu de chances, discuter avec les chefs locaux, distribuer un peu d’aide, etc. et tout le monde était content avant de rentrer à la base sans avoir été vraiment inquiété.
La zone est montagneuse et difficile d’accès. Il fallut s’y reprendre à plusieurs fois pour aller jusqu’au col d’Uzbin dans une des vallées secondaires de Surobi. Une première visite avait déjà eu lieu quelques jours auparavant au village de Sper Kunday au pied du col. Les intentions françaises pouvaient alors difficilement échapper à quiconque prenait la peine de les observer. Le 18 aout, une colonne forcément peu discrète était donc partie le matin de Tora pour arriver vers 13h30 à Sper Kunday vingt kilomètres plus loin. Normalement, c’était à une section de l’armée nationale afghane (ANA) de poursuivre la progression vers le col. C’est finalement la section du 8e RPIMa (Carmin 2) qui était arrivée en premier à Sper Kunday qui a pris cette mission à son compte.
Un peu plus de deux heures plus tard, la crise, qui est souvent un révélateur de faiblesse cachées, éclatait.
La première de ces faiblesses cachées était celle de la mission. S’il est concevable de maintenir ouvert un axe de circulation essentiel, on ne voit pas très bien l’intérêt d’aller sur un col inaccessible en véhicules puis de redescendre et de revenir à Tora. S’agissait-il de prendre contact avec la population ? Il n’y en avait pas sur le col. Mesurer la viabilité de l’axe ? Il n’y avait pas besoin d’aller sur le col pour le constater. Servir d’appât ? Outre qu’on ne pratique plus guère ce procédé depuis Dien Bien Phu, il aurait fallu qu’il y ait par ailleurs un puissant et efficace dispositif de frappes pour compléter le piège, ce qui n’était pas le cas.
En résumé, la mission de la section du 8e RPIMa (Carmin 2) en charge de la reconnaissance jusqu’au col était simplement la continuation de ce qui se faisait auparavant. Elle aurait pu se faire très simplement avec des drones…si on avait disposé de drones. On jettera une voile pudique sur le retard pris par la France dans ce domaine, un beau ratage de notre politique industrielle de défense qui nous aura sans doute coûté quelques vies de soldats. Idéalement, si on avait fait un effort sur les « petits programmes », ceux qui ne sont pas les plus rentables pour les industriels mais intéressent le plus les combattants au ras du sol, le chef de CARMIN 2 aurait peut-être pu disposer d’un petit drone de reconnaissance (ceux-là même qui sont vendus actuellement 200 000 euros aux armées) qui lui aurait évité d’aller sur le col et peut-être même de déceler l’embuscade. A tout le moins, on aurait pu utiliser un SDTI (Système de drone tactique intérimaire), système déjà opérant mais jugé plus utile au Kosovo.
Au final, on peut peut-être justifier la montée sur le col par la volonté de montrer que les soldats français pouvaient aller là où ils voulaient. De toute façon, deuxième faiblesse, on n’imaginait pas, comme le lieutenant du reportage quelques jours plus tard, que cela puisse être vraiment dangereux. Dans les ordres donnés au chef de Carmin 2, il n’était question que d’une douzaine de combattants légèrement armés qui pouvaient mener une action de harcèlement et/ou poser un engin explosif. Rien qui ne soit à la portée d’une section d’infanterie. C’était une énorme erreur bien sûr, qui reprenait presque en copier-coller les paragraphes renseignement d’ordres d’opérations précédents, mais ce n’était pas la principale. La principale fut d’oublier que la guerre, qui suppose la confrontation violente entre êtres intelligents, est la plus incertaine des activités humaines et qu’il était possible que ce que l’on croyait ne fut pas vrai.
De là découlait, la troisième faiblesse, celle du dispositif. Celui-ci était partagé en deux échelons : celui de la reconnaissance avec Carmin 2 et de la section de l’ANA, puis celui des appuis avec, un kilomètre en arrière, une autre section afghane de police militaire cette fois (en fait spécialisée dans la protection de sites) et une section d’appui du Régiment de marche du Tchad (RMT, Rouge 4) placée sur la ligne de crête précédente avec son groupe de mortiers de 81 mm et son groupe de missiles Milan. Un groupe des Forces spéciales américaines dont une équipe de guidage aérien (Joint terminal attack controller, JTAC) complétait le dispositif, un peu étrangement dans ce secteur français mais il s’agissait alors de chapeauter et surveiller les Français dans leur mentoring des forces de sécurité afghanes. Leur présence sera finalement essentielle pour les munitions qu’ils portent avec eux, et qui s’avéreront précieuses, mais surtout pour leur capacité à faire appel à des appuis aériens (même imparfaitement car ils sont aussi en formation). Une autre équipe JTAC américaine viendra les renforcer.
Difficile de faire plus hétérogène donc mais là aussi on avait pris l’habitude de ces bricolages au mépris de tous les principes de cohésion, de pratique en commun, de confiance mutuelle, etc. Encore une fois peu importait puisque cela se passait toujours bien (ou presque) et que de toute façon l’ennemi était faible. Comble de la légèreté, ce dispositif était « piloté » de loin depuis Tora. Il est vrai que l’activité principale ce jour-là, celle qui polarisait les esprits (et les hélicoptères), était la visite du général McKiernan, le commandant de l’ISAF. Le commandant d’unité était pris par cette activité et son adjoint n’était, paraît-il, pas intéressé par la mission. A Uzbin, les chefs de section étaient censés se coordonner entre eux.
Cette colonne blindée d’une centaine d’hommes pouvait être encore imposante et résister à tout tant qu’elle restait groupée. La faille, et quatrième faiblesse, est intervenue lorsque, conformément aux ordres reçus, la section Carmin 2 s’est dissociée du reste du groupement pour entamer la montée du col à pied, pratiquement deux kilomètres de lacet à fort dénivelé et par 30 degrés de chaleur.
A 15h45, alors qu’elle arrivait sur le col après une marche difficile, la section se retrouvait en partie coupée de ses appuis directs, les mitrailleuses 12,7 de ses trois VAB restés à Sper Kunday (avec le 4e en arrière), alors en limite de portée. Restaient les mortiers de Rouge 4 et surtout les éventuels aéronefs demandés par les Américains…aux Américains (les deux hélicoptères Caracal français étaient alors pris par une autre mission). Tout cela représentait une puissance de feu considérable, à condition de garder l’ennemi à distance de façon à ne pas être frappé soi-même. A 15h45 environ, le premier coup de feu claquait.
Les « combattants en haillons », pour reprendre l’expression postérieure d’un général français, avaient su mettre en place une embuscade très sophistiquée. Contrairement à ce qu’on imaginait, différentes factions locales s’étaient entendues pour réunir bien plus que la douzaine attendus et avec suffisamment de munitions stockées dans des caches pour combattre toute une journée. Cette force, parfaitement dissimulée dans le terrain, a bénéficié d’une surprise complète. Par la suite, à l’afghane, la première force a été rejointe par les bandes d’autres chefs de guerre qui voulaient leur part de gloire.
Carmin 2 a tout de suite été durement frappée, des snipers rebelles prenant en plus pour cibles son encadrement. Rapidement blessé au bras, l’adjudant Evrard est parvenu néanmoins à continuer à commander et à assurer la liaison avec ses équipages de VAB et tous les appuis. Après la surprise initiale, le sergent Cazzaro qui était presque arrivé au col parvenait à se replier avec la plupart de ses hommes. Toute la section se trouvait alors postée derrière les quelques rochers aux alentours de la piste. Les risques diminuaient d’un coup mais au prix de la fragmentation et de la quasi-immobilisation.
Dès lors que les rebelles étaient imbriqués autour de Carmin 2 les appuis disponibles étaient presque totalement inopérants. Les mitrailleurs des VAB, rapidement accrochés eux-aussi, ont fait ce qu’ils ont pu sur des ennemis qu’ils voyaient peu mais le groupe mortiers de Rouge 4 n’a pas pu tirer sans risquer de frapper autant les Français que les rebelles. Son chef a donc annoncé à la radio une « impossibilité technique de tir », ce qui sera à l’origine de la légende stupide de l’oubli des percuteurs et d’une brouille, tout aussi stupide, entre le RMT et le 8e RPIMa.
Le chef de Rouge 4 a fait alors embarquer sa petite section dans les VAB et tenté de venir au secours de Carmin 2 par Sper Kundaï. Il s’y est trouvé tout de suite pris à son tour sous le feu d’armes légères et de dizaines de roquettes RPG utilisés comme artillerie légère d’une autre force rebelle. Comme la section de l’ANA qu’elle rejoignait, il fut impossible à Rouge 4 de manœuvrer au-delà du village. Tout au plus, le groupe antichars réussit-il à tirer quatre missiles. Ces quatre missiles à charge creuse n’ont sans doute pas changé grand-chose. Ils ont même freiné beaucoup plus tard la progression de nuit de renforts, les fils des missiles qui traînaient faisant croire que la zone était piégée. Les chasseurs-bombardiers américains qui sont arrivés au bout d’une demi-heure de combat ont fait le même constat de l’impossibilité d’agir du fait de l’imbrication.
De fait seuls, auraient été efficaces des appuis directs et précis comme des canons de 20 mm ou des canons de 9o/105 mm de Sagaïe ou d’AMX-10RC en admettant qu’ils aient pu accéder à la zone. Une paire d’hélicoptère Tigre aurait peut-être été aussi très utile mais l’appareil, alors en service au 5e Régiment d’hélicoptères de combat depuis la fin 2007 poursuit sa phase normale et réglementaire d’expérimentation tactique puis une, essentielle probablement, mise au standard naval. Il n’y en avait donc pas en Afghanistan.
Pendant ce temps à l’état-major du RCC, c’était stupeur, sidération et même colonels en pleurs selon un témoignage de première main. On envoyait néanmoins tous les renforts possibles. Deux sections d’infanterie et une section d’appui, étaient parties immédiatement de Tora pour arriver vers 17h00 dans la zone et se faire prendre à partie à leur tour par des rebelles qui eux-mêmes s’étaient renforcés. Le terrain à la fois vallonné et très découvert rendait très difficile toute manœuvre, à moins d’accepter des pertes importantes. La compagnie parvenait néanmoins à Sper Kunday à relever les VAB de Carmin 2 qui arrivaient en limite de munition et à tendre la main vers les premiers hommes qui étaient parvenus à s’extraire de l’embuscade. Une autre compagnie en provenance de Kaboul a également été envoyée mais elle ne pouvait arriver qu’à la tombée de la nuit.
La section de l’adjudant Evrard se trouvait donc isolée sans espoir de secours rapide avec, cinquième faiblesse, l’impossibilité de résister très longtemps. Là encore, Carmin 2 payait en bout de chaîne des années d’errements, de bidouillages et de petites économies qui avaient affaiblies les sections d’infanterie et que le courage seul ne pouvait entièrement compenser.
Cette section à terre était équipée exactement de la même façon que celle que j’avais commandée quinze ans plus tôt, époque où nous étions très heureux des nouveautés (gilets pare-balles, casque, Minimi, fusil mac Millan) incorporés en urgence après déjà un certain nombre de tués en Bosnie. Depuis il n’y avait pas eu grand-chose de nouveau pour les fantassins, ou pour être juste des choses qui arrivaient mais très lentement. Pas de mort pas d’urgence, pas d’urgence pas d’argent pour ce que les Britanniques appellent la « poor boody infantry ».
Au lieu d’une section à terre théorique de 30 hommes (structure déjà réduite par économie), il n’y en avait que 23, une habitude prise depuis longtemps dans les missions extérieures afin d’économiser quelque postes. On avait alors atteint un minimum historique depuis l’invention de la section d’infanterie en France. Cette section réduite était en revanche organisée comme le prévoyait le règlement, ce qui cette fois ne me paraissait pas judicieux. Passons sur les groupes à sept hommes (un chef et deux trinômes), les plus réduits des armées développées et donc aussi les plus rapidement déstructurés en cas de pertes. On se rendra bien compte un jour de cette faiblesse.
Constatons en revanche que toutes les armes d’appui, mitrailleuses légères Minimi, lance-grenades individuels, fusil de précision, étaient réparties dans les groupes. Alors que les combattants étaient collés à l’ennemi, ces armes d’appui n’avaient plus beaucoup d’utilité. A quelques dizaines de mètres de l’ennemi, on ne tire pas au FRF2 ou au LGI et la Minimi n’apporte pas de plus-value par rapport au Famas. Je prône pour ma part, une organisation en 3 + 1 avec trois groupes légers et un groupe rassemblant les armes d’appui. Placé en arrière, ce groupe peut utiliser ses armes plus facilement et même combiner ses effets (précision, saturation légère et tir indirect). A Uzbin, le tireur de précision placé un peu en arrière, Kevin Chassaing, a fait des ravages (peut-être huit ennemis) avant d’être mortellement frappé à son tour. Son camarade plus en avant et plus mal placé a également abattu avec certitude au moins un combattant ennemi. Les tireurs de précision sont de loin nos soldats les plus redoutables, c’est sans doute la raison pour laquelle, il n’y en plus que deux par section au lieu de trois comme au temps de la section à 42 hommes.
D’une manière générale, la section d’infanterie française en opérations était devenue une petite unité porteuse d’armes légères en 5,56 mm et par ailleurs déjà vieilles de presque trente ans (en qu’en trente ans on ait toujours conservé les mêmes mauvais chargeurs reste pour moi un mystère). Rien là-dedans qui écrase, sature, tient en respect à distance. Pire, alors qu’au même moment, les sections françaises en Kapisa étaient surdotées en munitions, les hommes de Carmin 2 ne disposaient que de 200 cartouches, la dotation « habituelle ». C’est peu lorsqu’il faut tenir des centaines de minutes. Avec trente hommes à terre, un groupe d’appui et 300 voire 400 cartouches par soldat et sans autre innovation, la section pouvait peut-être tenir deux heures de plus et attendre l’arrivée des renforts sans avoir à tenter un périlleux décrochage.
Au lieu de cela, vers 18h, la situation était devenue très critique pour Carmin 2, qui commençait à manquer sérieusement de munitions, et même à Sper Kunday dont les rebelles s’approchaient dangereusement. La décision a alors été prise de faire tirer les avions A-10 et les hélicoptères OH-58 Kiowa puis les mortiers de 81 mm malgré l’imbrication, afin de couvrir autant que possible le décrochage individuel ou par petits groupes, des marsouins-parachutistes, effectué dans les plus mauvaises conditions (je ne me souviens plus pourquoi le décrochage ne s’est pas fait non plus dans un océan de fumigènes, peut-être parce qu’il n’y avait pas).
Le combat a encore duré longtemps. Il fallut attendre 20h et l’arrivée de renforts de Kaboul et des appuis américains, drone Predator, hélicoptères Kiowa, gunships AC-130 (frappant surtout le district voisin de Methar Lam base de l’attaque ennemie) mais aussi mortiers français de 120 mm pour commencer à faire basculer le rapport de forces. Les rebelles, lourdement frappés desserraient leur emprise et laissaient aux Français plus de liberté d’action. Les premiers blessés ont pu alors, enfin, être évacués et il faut souligner à cette occasion, le travail remarquable des pilotes d’hélicoptères Caracal une fois libérés de leur mission à Kaboul. Les rebelles ont décroché à partir de 21h30 mais des tirs intermittents ont continué pendant plusieurs heures. Le désordre était alors très grand dans les forces françaises qui s’étaient empilées dans la zone et la progression fut particulièrement prudente. Il fallut ainsi des heures pour sécuriser Sper Kunday et ses alentours avant que deux sections puissent remonter à nouveau la long de la piste jusqu’au col. Une équipe de Forces spéciales norvégiennes était également héliportée courageusement sur la crête. La zone a pu être fouillée jusqu’au matin du 19 août, les derniers soldats isolés récupérés et les corps évacués. C’est à ce moment-là qu’un accident de VAB a provoqué un décès et trois blessés supplémentaires.
Le 19 août, à l’aube, la nouvelle section du 8e RPIMa qui tenait le col était à son tour prise à partie par des tirs à distance des rebelles. Elle parvenait à guider sur eux un tir de mortiers lourds qui s’est avéré semble-t-il efficace. Les rebelles ont abandonné définitivement le combat vers midi, la crête a été définitivement conquise.
Dix de nos soldats sont morts, ainsi que l’interprète qui les accompagnait, et 21 autres ont été blessés. Les deux sections afghanes ont eu deux blessés au total. Plusieurs véhicules ont été très endommagés et nos adversaires ont capturé un certain nombre d’équipements avec lesquels ils ont pu parader devant des journalistes de Paris Match venus leur servir la soupe quelques jours plus tard. On ignore le nombre réel de rebelles qui ont été tués ou blessés en deux jours, les chiffres qui vont de 10, selon Hekmatyar lui-même, à 80. Un seul corps a été trouvé dans la zone des combats puis deux le lendemain sur la crête mais le drone Predator a permis de voir des dizaines de tués et blessés portés par les rebelles dans une vallée voisine. Par la suite, cela prendra du temps, mais la plupart des chefs de guerre et les bandes qui auront participé à l’embuscade seront frappés. Hekmatyar, lui, a été pardonné en 2016 et a fait la paix avec le gouvernement afghan.
La foudre était finalement tombée. Elle a servi de révélateur de faiblesses structurelles ou circonstancielles de notre armée. Elle a permis aussi de révéler le courage, la force et la compétence admirables de beaucoup de nos soldats. Retenons les deux.