Les écoles d’officiers invitée à faire preuve de plus « d’ouverture sociale » par la ministre des Armées
Fils d’un esclave antillais, Camille Mortenol fut remarqué par Victor Schoelcher [qui fit adopter l’abolition de l’esclavage, ndlr] pour ses facilités intellectuelles, notamment en mathématiques. L’homme politique fit alors jouer ses relations pour lui obtenir une bourse, ce qui lui permit d’étudier au lycée Montaigne, à Bordeaux. Son baccalauréat ès-Sciences en poche, le jeune homme fut reçu à l’École polytechnique [X] en 1880. Il en sortira 18e sur 205, avant d’entamer une carrière prometteuse d’officier de marine, malgré les préjugés de son temps.
L’histoire de Camille Mortenol montre que l’on peut très bien réussir sans forcément être issu d’un milieu favorisé. Or, et alors que, à sa création, l’École polytechnique se proposait d’aller « chercher les meilleurs partout en France », une étude réalisée par Nicolas Berkouk et Pierre François a montré que 80% des élèves ont des parents cadres ou exerçant une profession libérale. Dans le même temps, ceux issus d’un milieu ouvrier [29,2% de la population] ne représentaient que seulement 1,1% des classes. Et cela, malgré les initiatives prises ces dernières années en faveur de l’égalité des chances.
La ministre des Armées, Florence Parly, a-t-elle pensé à Camille Mortenol, lors de la remise de rapports sur l’ouverture sociale dans les grandes écoles? Peut-être. En tout cas, elle a fait observer que ce n’est pas parce qu’un élève est boursier qu’il réussira moins bien que ceux qui ne le sont pas… D’où son intention de doubler, d’ici 5 ans, la proportion d’élèves boursiers présents sur les bancs de l’École polytechnique. Proportion qui est actuellement de 12%.
« Le classement de sortie de l’X montre que les élèves boursiers admis à l’école réussissent aussi bien que les autres », a ainsi relevé Mme Parly, le 14 octobre, à l’occasion de la remise de rapports sur l’ouverture sociale dans les grandes écoles.
Pour autant, et suivant les recommandations d’Éric Labayle, le président de l’X, il n’est nullement question d’instaurer un système de quotas. En revanche, tous les élèves des classes préparatoires ne sont pas forcément égaux face au concours… D’où des mesures qui devront permettre de rétablir une certaine équité. Certaines sont simples, comme celle consistant à donner un accès aux annales des épreuves écrites et orales à tous.
« Les annales en open data, cela ne coûte rien, et c’est si précieux lorsqu’on prépare un concours, d’autant plus quand on étudie dans une prépa qui ne dispose pas de sa propre base de données », a expliqué Mme Parly. Il est également prévu des efforts pour détecter les élèves les plus méritants ainsi que pour améliorer la préparation et l’accompagnement des candidats boursiers.
Cela pourrait passer par l’installation, sur le plateau de Saclay [où est implantée l’École polytechnique, ndlr], d’une classe préparatoire ouverte aux élèves boursiers les plus prometteurs. « Les élèves de l’X seraient directement impliqués pour apporter du soutien et du tutorat », a précisé la ministre, pour qui « mettre le pied à l’étrier de ces jeunes est un devoir. » Et d’ajouter : « Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ce n’est pas la diversité contre l’excellence. C’est, au contraire, l’excellence par la diversité. »
Cela étant, Mme Parly n’a pas l’intention de s’arrêter à l’École polytechnique. Même si les armées mettent en avant « l’escalier social », il n’en reste pas moins que les écoles d’officier auront également à s’ouvrir d’avantange.
« Nous avons la ferme intention de prolonger cette recherche d’ouverture sociale en demandant à nos grandes écoles d’officiers, et je pense à Saint-Cyr, l’École Navale et l’École de l’Air, de nous faire des propositions concrètes en ce sens dans les mois prochains », a en effet déclaré Mme Parly.
Cependant, le problème ne se pose sans doute pas dans les mêmes termes. La Marine nationale avait tenté d’élargir sa base de recrutement en réformant les modalités d’accès à l’École navale, ce dernier s’appuyant sur la banque d’épreuves du concours de l’École centrale. Mais cela fut sans effet sur la sociologie des élèves de la « baille ». En ira-t-il autrement si la main est tendue aux élèves boursiers?