Les guerres de demain ne se gagneront pas sans IA : pour l’armée française, tout se joue maintenant
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Défense. Le sommet de Paris sur l’intelligence artificielle marque le basculement des programmes militaires français vers cette technologie devenue indispensable.
La guerre en Ukraine n’est pas qu’une confrontation à base d’obus et de drones. C’est aussi une bataille d’IA. Pour détecter plus vite les cibles russes et les neutraliser, les Ukrainiens ont entraîné des IA sur ce qui s’est révélé être un gisement précieux d’informations : les millions d’heures de séquences filmées par leurs drones. De quoi repérer 12 000 équipements russes par semaine, a revendiqué le ministère ukrainien de la Défense, grâce à ce système baptisé « Avengers », comme les superhéros hollywoodiens de l’univers Marvel.
Les guerres actuelles ne se passent plus d’IA. Celles de demain ne se gagneront pas sans elle. C’est ce qu’il ressort du sommet de Paris sur l’IA, au cours duquel le ministre français des Armées a souligné que cette technologie était une « rupture dans la manière de faire la guerre ». Dans la compétition en cours, il serait donc dommageable pour la France d’accumuler du retard, face aux mastodontes américains et chinois. Les succès futurs se jouent maintenant. « Comme l’atome en son temps, la maîtrise de l’IA de défense est un outil indispensable de souveraineté », a insisté Sébastien Lecornu, à l’occasion de la conférence organisée à l’Ecole militaire, en marge de celles du Grand Palais. La même semaine, le ministère a donné accès à sa propre solution d’IA générative, GenIAI, accessible sur son réseau Intradef.
« Ecosystème très dynamique«
L’Agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense (Amiad), lancée en mai dernier, est à la pointe de cette ambition. Et, bonne nouvelle, elle est dirigée par un ingénieur mixant le meilleur des deux mondes, celui de l’armement et celui des grandes entreprises de tech. « On a un écosystème très dynamique, avec beaucoup d’entreprises, nous sommes dans les meilleurs mondiaux, affirme Bertrand Rondepierre, auparavant employé au laboratoire d’IA de Google, DeepMind. Tout l’enjeu pour nous c’est de transposer cela dans le domaine militaire« . Et de préciser : « Notre sujet, ce n’est pas la technologie, mais la mise en production et l’utilisation sur le terrain ».
Comme le montre l’exemple ukrainien, les données produites par les armements connectés et tous les capteurs, leur maîtrise et leur exploitation représente le principal défi. L’IA aide à les traiter « dans tout le processus d’état-major : un travail qui prend une journée peut se faire en une heure« , explique l’amiral Pierre Vandier, à la tête du commandement allié pour la transformation (ACT) de l’Otan. Mais l’ancien numéro deux des armées françaises prévient que le changement des usages doit partir d’en haut : « si les grands chefs ne l’adoptent pas, personne ne changera ses habitudes ». La révolution de l’IA n’est pas qu’une question de moyens.