Les industriels en ordre de bataille pour offrir un successeur au LRU

Les industriels en ordre de bataille pour offrir un successeur au LRU


Priorité parmi d’autres de la prochaine loi de programmation militaire pour 2024-2030, le renforcement des feux dans la profondeur au profit de l’armée de Terre est d’ores et déjà dans le collimateur de l’industrie de défense française. Celle-ci a une carte à jouer, à condition d’être au rendez-vous fixé par les armées.

« Compte tenu des retours d’expérience que nous observons dans le contexte de l’Ukraine, cette modernisation de la capacité de frappe longue portée est évidemment indispensable », déclarait ce mardi le délégué général pour l’armement, Emmanuel Chiva, en audition parlementaire. L’enjeu est d’autant plus grand que le lance-roquettes unitaire (LRU) encore en service au 1er régiment d’artillerie arrive « dans les dernières étapes de son cycle de vie ». Une perspective d’obsolescence encore renforcée par des dons à l’Ukraine qui ont réduit le parc à neuf exemplaires.

« Nous avons des travaux en cours sur la détermination du réel besoin opérationnel », annonçait Emmanuel Chiva. Une enveloppe de 600 M€ est prévue sur la période de la LPM pour doter l’armée de Terre de 13 systèmes « dès 2028 » et garantir « une cible finale qui pourrait atteindre plusieurs dizaines [d’unités] ». 

Deux scénarios sont envisagés : soit acquérir une solution étrangère sur étagère, soit développer un système souverain. Le premier repose sur un système américain HIMARS « qui a l’avantage d’être une solution existante mais qui introduit un risque de dépendance ». Le second misera sur les compétences détenues par les industriels français et européens. « Dans tous les cas, il y a un choix à faire [en matières] de délais et de coûts », pointe le DGA. Le premier point de passage est fixé à 2027, date à laquelle il faudra statuer entre le traitement des obsolescences du LRU ou son retrait définitif au profit d’une nouvelle capacité. Dit autrement, il resterait moins de quatre ans pour construire l’argumentaire qui fera pencher la balance en faveur de la seconde option.

Message reçu dans les rangs industriels. Certains n’ont pas attendu l’expression de besoin pour lancer les travaux et s’assurer d’être force de proposition le moment venu. La DGA est déjà en discussion avec certains grands noms comme Safran, ArianeGroup et MBDA, détaille Emmanuel Chiva. À côté d’un axe de défense sol-air « bien documenté », MBDA a bien pris en compte celui de la frappe dans la profondeur, soulignait hier son PDG, Éric Béranger, lors d’une audition à l’Assemblée nationale conduite en compagnie d’autres grands patrons. « On voit qu’au niveau mondial, c’est le premier axe de développement des États-Unis », poursuit Éric Béranger. Sans nommer les potentielles déclinaisons terrestres, ce dernier estime néanmoins que « la France a vraiment raison d’investir sur cet axe ». 

Même son de cloche du côté de Nexter et Arquus. « Nous ferons, nous avons fait et nous continuerons à faire, avec nos partenaires industriels, des propositions cohérentes avec le besoin et les délais exprimés par les armées », déclarait le PDG du groupe Nexter, Nicolas Chamussy. À la tête d’Arquus, Emmanuel Levacher relève lui aussi « des perspectives intéressantes dans le domaine de l’artillerie ». « Nous sommes le fournisseur du châssis du CAESAR de Nexter et nous comptons aussi nous positionner, pourquoi pas, sur les porteurs pour de l’artillerie longue portée », indique-t-il.

« Le besoin de développement agile pourrait être le symbole du ‘faire autrement’ souhaité par le ministre [des Armées] », poursuit Nicolas Chamussy. Au vu de son calendrier et de sa complexité, la succession du LRU a en effet tout d’un premier test pour des industriels à qui il est demandé de prendre des risques et pour une DGA qui se transforme pour gagner en performance et en agilité.