Lille. Au cœur du CFOT, le « centre névralgique » des forces terrestres de l’armée de Terre
Que cachent ses murs épais ? Plongée au cœur du Commandement de la force et des opérations terrestres (CFOT) à Lille, véritable tour de contrôle de l’armée de Terre.

Nul peut se douter, en empruntant la rue du Pont Neuf, qui fait la jonction entre le Vieux-Lille et La Madeleine, de l’ampleur de ce qui se joue derrière les murs gris du très vaste n°35. Les panneaux indiquant un « terrain militaire », avec l’injonction de ne pas « photographier » les lieux, donnent toutefois un indice sur le sérieux des décisions qui s’y opèrent. Il s’agit du Commandement de la force et des opérations terrestres (CFOT), qui n’est autre que la « tour de contrôle » de l’armée de Terre. 80 000 militaires dépendent de cet état-major lillois (sur les 110 000 recensés), dont le chef, le général Barbry, a accepté de nous expliquer l’organisation et le fonctionnement. Immersion.
Au CFOT de Lille, des bâtiments de 1849 et 1984… dont Pierre Mauroy a posé la première pierre
Pour accéder au site, les formalités d’usage s’imposent : remise de badge contre présentation d’une pièce d’identité, et la visite peut commencer. Elle n’est malheureusement jamais autorisée au grand public, pas même lors des Journées européennes du patrimoine, alors que les lieux susciteraient à coup sûr la curiosité de beaucoup.

Le cheminement commence par les bâtiments les plus modernes, érigés à partir de 1984 – Pierre Mauroy en a posé la première pierre, une photo fait foi. Puis vient l’ensemble bâtimentaire historique, construit en 1849. C’est là que se trouve le bureau du général Barbry, chef d’état-major de ce commandement aux ordres du général de corps d’armée Toujouse.
Le CFOT compte 450 militaires, dont « une importante proportion d’encadrants ». C’est le « centre névralgique » de l’armée de Terre, comme le qualifie le général, où sont commandées les unités combattantes de France hexagonale et des Outre-mer. L’équivalent de 80 000 hommes et femmes – le taux de féminisation s’établit à 15%, ce qui contribue à faire de l’armée française « la 4e la plus féminisée au monde ».
« Former le système d’hommes et de femmes le plus cohérent pour aller combattre »
La gestion de ces effectifs d’envergure s’articule autour d’un « triptyque », qui se résume à « transformer, générer et opérer », renseigne le général Barbry.

Les missions, dans ce QG de Lille, vont de la répartition, sur le terrain, des nouveaux équipements, notamment des véhicules, à la mobilisation de forces militaires. « Nous nous appuyons sur les différentes brigades, divisions, pour constituer une offre militaire. Il faut former le système d’hommes et de femmes le plus cohérent pour aller combattre. » Puis, vient l’heure d’ »opérer ».
Nous pouvons commander sur le terrain les forces que nous avons générées. Le but, avec nos 450 camarades du CFOT, c’est d’être capable d’assurer le triptyque de ces opérations.
À titre d’exemples, le CFOT exerce une autorité sur les forces aux Outre-mer, celles impliquées à l’Est de l’Europe (en Estonie, Pologne, Roumanie) ou encore au Liban et en Irak. C’est là qu’a été générée la force qui a rejoint le conflit armé au Mali en 2013.
Le chef militaire de haut rang tient à ajouter que l’armée de Terre, « c’est plus qu’un système d’armes. C’est avant tout de la fraternité et de la cohésion« .


Une localisation à proximité des alliés européens et du siège de l’Otan
La garnison du Nord – entre Lille (le site de la rue du Pont Neuf et la Citadelle) et Douai – a tous les atouts pour être « hyper attractive ». Avec 3000 militaires dans le département, l’armée de Terre y est un acteur économique de premier plan. Les cantines sont notamment alimentées en denrées de producteurs locaux, quand des entreprises nordistes sont en charge de la conception de composants ou matériels indispensables au bon fonctionnement de l’armée, comme pour les chars ou les transmissions.
La localisation lilloise d’un tel commandement est adaptée, pour plusieurs raisons. « Nous sommes à proximité de nos alliés belges, allemands, néerlandais et des états-majors de l’OTAN à Bruxelles », dit pragmatiquement le général. Mais sur un autre plan, pas nécessairement moins important : « la région est attractive pour les familles », qui doivent suivre le rythme implacable induit par la vie de militaire.
Car le turnover, comme ailleurs, est important au CFOT. Au nom de « l’efficacité opérationnelle », les officiers sont amenés à bouger tous les 4 ans. Le général Barbry, en place depuis l’automne 2024, ne devrait pas, d’ailleurs, rester autant de temps dans la Capitale des Flandres.
« Le soleil ne se couche jamais, sur le CFOT »
En parallèle, il y a celles et ceux qui ont fait le choix de servir l’armée sans être « contraints » par ces changements de cadres de vie récurrents. Ce sont les réservistes ; l’armée de Terre en compte 27 000 (45 000 au total dans toute l’armée), ils sont 150 à l’état-major de Lille.

Ce sont des hommes et femmes aux activités professionnelles « classiques » (il y a des professeurs, des chefs d’entreprises…) qui ont fait le choix de s’engager pour des missions ponctuelles. Leur proportion, à l’échelle nationale, devrait passer de 45 000 à 80 000 en 2030, puis à 105 000 en 2035, conformément aux objectifs fixés par le président de la République.
Les réservistes ont leurs quartiers au sein du CFOT, contribuant ainsi à la plurifonctionnalité du site. « Nous sommes H24 sur le pont, et au cœur du cœur du fonctionnement de l’Armée de terre. Le soleil ne se couche jamais, sur le CFOT », conclut le général Barbry.