Menacé de perdre la moitié de sa dotation, le Fonds européen de défense jouera son avenir le 20 février prochain
Devant se substituer au plan de développement industriel dans le domaine de la défense [PEDID], le Fonds européen de défense [FEDef] qui, proposé par la Commission de Bruxelles afin de renforcer l’autonomie stratégique de l’Union européenne, doit être doté de 13 milliards d’euros pour la période 2021-27, est déjà menacé…
En effet, pour le premier budget post-Brexit de l’Union européenne [UE], les dirigeants des 27 États membres peinent à se mettre d’accord sur les priorités à financer ainsi que sur les sommes à engager.
Ainsi, la Commission a proposé un budget de 1.134 milliards d’euros sur 6 ans. Seulement, plusieurs pays, dont l’Allemagne et les Pays-Bas, actuellement contributeurs nets, entendent réduire leur participation financière.
« Augmenter ce budget de 1% sans la contribution du Royaume-Uni ferait porter à Berlin une charge excessive. C’est pourquoi nous devons discuter d’une répartition équitable des charges financières et d’une réduction pour l’Allemagne », a déjà prévenu Angela Merkel, la chancelière allemande.
D’où la proposition faite par la Finlande, à l’époque où elle tenait les rênes de l’UE, de réduire ce budget à 1.087 milliards d’euros, afin de financer la Politique agricole commune [PAC] ainsi que les politiques liées à l’environnement. Et, dans ce schéma, les 16 milliards d’euros devant financer la politique spatiale seraient réduits de 10% [ce qui supposerait des coupes de 20% pour les programmes Galileo et Copernicus] et le FEDef verrait sa dotation réduite de moitié.
Or, pour la Commission et le Parlement européens, de telles coupes sont « inacceptables ». Et, pour Paris, réduire les ambitions en matière d’espace et de défense constitue une « ligne rouge ».
« Je ne soutiendrai pas un projet de budget qui ne soit pas à la hauteur de notre ambition sur ce point », avait lancé le président Macron à l’issue du dernier sommet de l’Otan, en décembre dernier. « Sur ces nouvelles politiques de défense, de recherche, d’intelligence artificielle […], nous avons besoin d’un budget ambitieux, sinon nous ne sommes pas cohérents », avait-il ajouté.
Cette semaine, Christian Cambon, le président de la commission sénatariale des Affaires étrangères et des Forces armées, a fait part de sa « vive inquiétude » au sujet de l’avenir du FEDef.
« Alors qu’on commençait à imaginer une industrie de défense européenne, la présidence finlandaise a fait une proposition à 6 milliards d’euros pour le fonds européen de défense, contre 13 milliards prévus par la précédente Commission européenne. C’est une ligne rouge absolue pour la France, d’autant que les sommes économisées, réputées devoir être consacrées à la politique agricole commune, ne profiteraient pas à la France, n’étant pas sur le bon ‘pilier’ de la PAC », a expliqué M. Cambon, qui n’a pas hésité à parler de « coup de poignard dans le dos ».
Quoi qu’il en soit, le sort des ambitions européennes dans les domaines de la défense et de l’espace se jouera le 20 février prochain, lors d’un sommet exceptionnel des dirigeants européens convoqué par Charles Michel, le président du Conseil européen.
« Le temps est venu de trouver un accord sur le cadre financier pluriannuel », a fait valoir M. Michel, via un communiqué publié le 25 janvier. « Tout report engendrerait de graves problèmes pratiques et politiques et compromettrait la poursuite des programmes et politiques actuels et le lancement des nouveaux », a-t-il fait valoir.
« Je suis pleinement conscient que ces négociations sont parmi les plus difficiles auxquelles nous ayons à faire face. Mais je suis également convaincu qu’avec du bon sens et de la détermination, nous pouvons parvenir à un accord qui profitera à tous les Européens », a continué l’ex-Premier ministre belge, en appelant « chacun à faire preuve d’un esprit de compromis ».
Pour rappel, le FEDef doit permettre de favoriser les projets menés en coopération, c’est à dire impliquant au moins trois industriels de trois États membres. Ce qui est critiqué par les États-Unis, qui y voient une forme de protectionnisme, leurs groupes d’armement ne pouvant prétendre à y avoir accès.
Quant aux politiques spatiales, elles sont déterminantes pour l’autonomie stratégique européenne. Outre Galileo, il est aussi question du programme GovSatCom, qui doit offrir aux 27 des communications gouvernementales sécurisées par satellite.
Enfin, l’accès à l’espace est également crucial. « Nous n’aurons pas de politique spatiale crédible sans lanceurs pour avoir un accès indépendant à l’espace et nous devons préparer la nouvelle génération de lanceurs », a en effet souligné Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur. Et d’assurer qu’il sera « impitoyable lors des négociations budgétaires. »
Photo : Projet européen de défense antimissile « Twitster », porté par la France