« Ne pas subir » : Lettre ASAF du mois de décembre 2021


Après 40 années de réduction drastique des ressources indispensables au maintien à long terme de forces armées modernes et efficaces, malgré une très timide remontée des budgets depuis 5 ans, les armées sont encore bien loin de pouvoir combler leurs insuffisances les plus criantes.

« Ne pas subir » : Lettre ASAF du mois de décembre 2021

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Restaurer notre souveraineté, réduire notre dépendance

 

Une récente prise de conscience malgré des exemples passés

Les ruptures d’approvisionnements en médicaments constatées il y a déjà plusieurs années et la crise de la Covid depuis 2 ans ont révélé aux Français notre extrême dépendance vis-à-vis de l’étranger. Déjà, dans les années 70, la crise pétrolière avait conduit la France à développer une filière complète de production d’électricité d’origine nucléaire afin de réduire sa dépendance énergétique. C’est cette filière d’excellence qui fournit encore aujourd’hui les trois-quarts de notre électricité.

Dès 1945 et malgré les ravages des 5 années de guerre, la France avait déjà compris que pour rester indépendante elle devait maîtriser l’espace et l’atome. Malgré des moyens limités, les remarquables résultats obtenus permettent à notre pays de disposer aujourd’hui de capacités indispensables à son indépendance stratégique. Ils ont aussi conforté chez les Français le goût de la grandeur et de l’excellence. Les réussites de la France, troisième puissance spatiale en 1963 et première puissance militaire nucléaire indépendante en Europe dès 1964, effaçaient dans l’esprit des Français le traumatisme de la défaite de 1940.

Notre pays bénéficie aujourd’hui des choix effectués et des efforts consentis il y a plus de 60 ans d’autant que ceux-là ont été poursuivis sans solution de continuité. La mise en orbite récente de satellites de la nouvelle génération de « la composante spatiale optique » (CSO 1 et 2) et de renseignement électromagnétique (CERES) démontre la pertinence du choix de l’accès à l’espace dès 1945.Rappelons tout de même que la part de la richesse nationale consacrée à la Défense s’établissait encore à plus de 4 % du PIB en 1967. Elle n’était plus que de 3 % en 1980 en raison des 2 chocs pétroliers des années 70. Après être descendue à 1,6 % en 2015, elle atteindra à peine 1,8 % en 2022 et devrait s’établir à 2 % en 2025 si les engagements pris dans la LPM de 2019 sont tenus…

Des défis à relever avec détermination

Après 40 années de réduction drastique des ressources indispensables au maintien à long terme de forces armées modernes et efficaces, malgré une très timide remontée des budgets depuis 5 ans, les armées sont encore bien loin de pouvoir combler leurs insuffisances les plus criantes.

Parallèlement de nouveaux champs de confrontation s’ouvrent dans des domaines de hautes technologies exigeant des ressources financières et humaines importantes dont la maîtrise est essentielle pour les armées. Il s’agit par exemple :

  • de bases de données nationales dont le stockage et les logiciels d’exploitation soient français afin de garantir la protection, l’intégrité des données et leur utilisation à des fins strictement nationales ; ce n’est pas le cas aujourd’hui avec Microsoft et Google
  • de capacités de recherche, d’exploration et d’exploitation des fonds sous-marins. La France dispose, grâce à ses DROM-COM de la 2plus grande zone économique exclusive (ZEE) avec plus de 11 millions de km2. Elle se doit également d’assurer la surveillance de certains câbles sous-marins qui assurent 95 % des échanges de données. Elle doit enfin absolument maîtriser ce milieu sous la mer où évoluent les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la force de dissuasion et les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) qui, pour leur part, contribuent avec discrétion à la dissuasion conventionnelle et au recueil du renseignement.

Il faudrait y ajouter de nombreux autres domaines déterminants dont la puissance de calcul, l’intelligence artificielle, la cyberguerre, la défense de nos satellites… sans oublier naturellement la fabrication des microprocesseurs dont la production est assurée à ce jour à  70 % par Taïwan.

On voit, comme ce fut le cas en 1945 pour l’espace et le nucléaire, que ces investissements exigent une farouche volonté du pouvoir politique et non de simples déclarations d’intention. Il y faut également une grande continuité dans l’action afin que le successeur ne remette pas en question ce qui a été fait par le prédécesseur, comme ce fut le cas dans le domaine du nucléaire civil avec l’arrêt du surgénérateur Superphénix en 1997 qui nous a fait perdre des années de recherche et d’avance technique.

Urgence signalée

Il est évident qu’un effort visant à renforcer notre souveraineté dans les domaines tant civil que militaire doit être entrepris au plus tôt. Nos armées, qui font face à des menaces hybrides mêlant matériels de pointe opérant dans l’espace matériel à des actions dans les espaces immatériels ou opaques, doivent disposer des moyens de vaincre.

Il convient de rappeler sans fausse pudeur que l’industrie de Défense, domaine où la France possède un savoir-faire d’excellence reconnu, est une industrie de haute technologie dans de nombreux domaines (lasers, optique, métallurgie hautes performances, radars, transmissions de données…), peu délocalisée, et dont les exportations contribuent à réduire le déficit de notre balance commerciale.

Mais il est certain que, face aux défis nombreux, les coopérations entre États visant des objectifs convergents sont indispensables. En effet, les investissements financiers et humains nécessaires sont tels qu’il est illusoire de croire que nous pouvons tout faire tout seuls. En revanche nous pouvons, et devons, y associer des partenaires comme Dassault a su le faire avec des industriels pour réaliser le démonstrateur de drone de combat Neuron dont l’exemple est à méditer.

C’est avec une équipe de France civilo-militaire que la France relèvera ou pas le défi de la souveraineté. Elle doit absolument rassembler ses talents, sélectionner les secteurs stratégiques qu’elle juge essentiels et nouer des coopérations avec des partenaires fiables sans a priori comme elle le fait déjà avec la Russie à Kourou en Guyane. Encore faut-il que les moyens financiers disponibles soient à la hauteur des enjeux.

La RÉDACTION de L’ASAF