Pour fidéliser ses marins, la Marine nationale instaure une « prime de lien au service »

Pour fidéliser ses marins, la Marine nationale instaure une « prime de lien au service »

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Dans le cadre de son plan « Mercator », qu’elle vient de lancer, la Marine nationale veut pouvoir compter sur « chacun de ses marins ». Or, les ressources humaines constituent aujourd’hui l’une de ses plus importantes vulnérabilités.

Les réformes successives de ces dernières années ont réduit considérablement le format de la Marine nationale, qui a dû, en conséquence, revoir son organisation pour s’adapter.

 

 

 

 

 

« Aujourd’hui, notre organisation est faite pour perdre des effectifs. Quand je suis entré dans la marine, il y a bientôt quarante ans, il y avait 74.000 marins, dont 14.000 appelés. Aujourd’hui, nous sommes 40.000. En 40 ans, nous avons perdu en moyenne 500 marins tous les ans. Certes, nous avons gagné d’autres choses, par exemple en efficacité opérationnelle. Mais notre organisation en termes de ressources humaines a une ‘physiologie de fakir’. Nous sommes organisés pour diminuer nos effectifs », a ainsi expliqué l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], lors d’une audition à l’Assemblée nationale et dont le compte-rendu vient d’être rendu public.

Mais avec la « remontée en puissance » que prévoit la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, la logique de déflation est désormais terminée. Et, « pour la première fois depuis très longtemps, nous allons […] augmenter » nos effectifs, a ajouté le CEMM. « Là où nous devions perdre 500 marins tous les ans, être ‘stable’ signifie en recruter ou en conserver 500 de plus », a-il précisé.

En 2019, la Marine nationale pourrait recruter 71 marins de plus, ce qui lui permettra d’armer le nouveau patrouilleur léger guyanais (PLG) « La Combattante », destiné aux Antilles, et de créer un peloton de sécurité maritime et portuaire de gendarmerie maritime à Calais. Et, selon la LPM, l’augmentation de ses effectifs représentera au total 1.000 postes d’ici 2025.

« Je serais ravi que les effectifs tombent sur la marine comme à Gravelotte! Néanmoins, je dois avant tout réorganiser la marine. Et cette réorganisation me permettra de dégager des marges de manœuvre », a indiqué l’amiral Prazuck. Cette réorganisation passe, par exemple, par l’instauration d’un double équipage pour les frégates, ce qui permettra de rationaliser la formation et la préparation opérationnelle des marins.

Cela étant, il ne suffit pas de pouvoir recruter davantage. En effet, il s’agit également d’éviter les départs de marins vers le civil, notamment ceux qui ont des spécialités recherchées par le secteur privé car très « pointues ».

« La compétition pour les talents est intense, qu’il s’agisse de leur recrutement ou de leur fidélisation. Après quelques années, lorsqu’on les a formés et qu’ils ont suivi leurs différents niveaux de cours, les marins sont démarchés et débauchés par les grandes entreprises civiles de l’aéronautique, de l’énergie et du transport et, plus généralement, par tous les métiers de spécialité technique. Je dois donc me battre pour conserver les marins qualifiés dans la marine », a ainsi fait valoir l’amiral Prazuck.

Le passage à deux équipages pour certains bâtiment fait partie des mesures de « fidélisation » prises par la Marine. « Mon objectif est de donner de la prévisibilité sur l’activité des bateaux pour permettre aux marins de mieux concilier vie professionnelle et vie privée, afin de les fidéliser », a expliqué le CEMM.

Ce doublement des équipages se fera par le rédeploiement d’effectifs au sein de la Marine. Pour l’amiral Prazuck, cette mesure aura des effets bénéfiques « en termes d’entraînement –l’équipage qui ne sera pas à la mer s’entraînera sur des simulateurs –, d’entretien des bateaux – car les deux équipages à bord pourront contribuer aux travaux – et d’opérations. » L’objectif est que les frégates multimissions [FREMM] puissent passer 180 jours en mer, contre 110 actuellement. Ce qui compensera (en partie) le manque de frégates de 1er rang (qui seront 15 alors que le CEMM en aurait voulu 18).

La fidélisation passe aussi par l’amélioration du soutien des unités de la Marine, lequel a été chamboulé par la Révision générale des politiques publiques [RGPP], conduite entre 2008 et 2012.

« On a éloigné le soutien des unités soutenues, au détriment de celles-ci », a déploré l’amiral Prazuck. « Quand je lis les rapports sur le moral des bateaux, […] j’observe que le leitmotiv est leur difficulté quotidienne à être soutenus – à obtenir un camion pour transporter une pièce détachée, par exemple. Il existe tout un maquis de système d’information et de commandes. Il faut redonner de la simplicité et de la proximité à toutes ces organisations du soutien », a-t-il détaillé.

Enfin, un autre levier concernant la fidélisation se traduira par l’instauration, en 2019, d’une « prime de lien au service » qui, en réalité, rationalisera et rendra « plus lisibles » les « différentes primes qui existaient pour fidéliser les marins ».

« Pour ce qui est des primes de fidélisation, je recherche avant tout de la souplesse, car les métiers changent. […] Il faut que je puisse déplacer les moyens en fonction des besoins de la marine, à enveloppe constante bien sûr », a justifié l’amiral Prazuck.

« Avant la prime de lien au service, il existait une prime que nous avions réussi à appeler, dans notre jargon inimitable, la prime réversible de compétences à fidéliser [PRCF] […], en échange de laquelle les marins devaient s’engager à rester dans la marine 4 ans de plus. En général, ils préféraient – en tout cas les plus pointus d’entre eux – garder leur liberté et saisir l’occasion d’autres propositions qui se présenteraient de toute façon », a rappelé le CEMM.

Et d’ajouter : « J’avais alors suggéré qu’à enveloppe constante et dans une fourchette que l’on m’aurait imposée, je puisse choisir le niveau de PRCF. Cela m’avait été refusé. »

Reste, pour l’amiral Prazuck, gagner en souplesse, notamment sur le plan des rémunérations, est essentiel. « C’est aussi ce que demandent les entreprises qui disposent de ressources rares et de compétences dans lesquelles elles ont investi durant des années », a-t-il estimé. « S’adapter à la concurrence en conservant mes ressources, c’est ce que je recherche », a-t-il conclu.