Quel avenir pour la 11e Brigade Parachutiste à l’horizon 2030?
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Le 27 septembre 2018, la force Barkhane lança une opération aéroportée [OAP] dans la région de Menaka, au Mali, afin de créer un « effet de surprise » chez les groupes armés terroristes [GAT] et démontrer aux populations qu’elle était en mesure d’intervenir rapidement.
Depuis l’affaire de Kolwezi [1978], les OAP françaises ont été rares. Il aura fallu en effet attendre 2013 et l’assaut donné à Tombouctou dans le cadre de l’opération Serval pour la 11e Brigade Parachutiste [BP] renouer avec ce mode d’action. Plusieurs ont suivi par la suite, dont trois pour surprendre les jihadistes dans la passe de Salvador, dans le nord du Niger.
Cela étant, seule grande unité européenne « dont l’ensemble des fonctions opérationnelles et la totalité des combattants sont équipés et entraînés au standard parachutiste », la 11e BP s’interroge sur l’avenir des OAP dans un contexte stratégique marqué par un compétition accrue entre les grandes puissances, ce qui se traduit par un retour de la menace dite de la force, doublée par une « guerre informationnelle et cybernétique permanente. »
« La guerre de demain pourrait mêler conflit interétatique et guerre civile ‘au cœur même des populations’ et se rapprocher de nos frontières. Les stratégies d’intimidation, de déni d’accès etd’influence, seraient au cœur de ces combats futurs », estime la 11e BP, dans sa revue « Béret Rouge« , laquelle revient sur une étude prospective visant à imaginer l’avenir de la brigade à l’horizon 2030.
S’ils sont nombreux, les enjeux se résument à une seule question pour la 11e BP : « être ou ne pas être de la partie qui se joue, c’est-à-dire à être prêt à prendre part aux défis de la numérisation et de la transformation capacitaire, à opérer au sein de la ‘bulle’ aéroterrestre, interarmées et/ou interalliées et à maîtriser la guerre de l’influence. »
Évidemment, l’avenir de la 11e BP passe par le programme SCORPION, lequel vise, au niveau matériel, à doter les régiments de l’armée de Terre de Véhicules blindé multirôles [VBMR] Griffon, d’Engins de reconnaissance et de combat [EBRC] Jaguar, de VBMR léger [VMBR-L] Serval et, plus tard, de Véhicules blindés d’aide à l’engagement [VBAE].
Ainsi, en 2030, en version « combat débarqué », la 11e BP devra être capable d’aligner 4 régiments, eux-même « en mesure d’armer chacun un état-major tactique de GTIA [*] et de mettre sur pied cinq S/GTIA en version Griffon ou VBMR-L [plus une compagnie d’appui sur Griffon ou VBMR-L/VBAE].
Pour cela, ces quatres régiments d’infanterie [1er RCP, 2e REP, 3e et 8e RPIMa] disposeront de « deux compagnies sur Griffon [15 Griffon et 2 VBAE par UE], de trois compagnies sur VBMR-L [15 VBMR et 2 VBAE par UE] et d’une compagnie d’appui [1 Griffon EPC et 22 VBMR-L ou VBAE].
S’agissant du combat embarqué, il s’agira de déployer le 1er Régiment de Hussards Parachutistes [RHP], avec cinq sous-groupements tactiques interarmes dotés de Jaguar ou de VBAE. « L’unité se composera de deux escadrons blindés sur Jaguar [32] et de trois escadrons de reconnaissance et d’intervention sur VBAE [128] », précise Béret Rouge.
Dans un cas comme dans l’autre, des modules « artillerie » du 35e Régiment d’artillerie parachutiste [RAP] « s’intègreront aux différents niveaux et appuieront par le renseignement et par le feu les unités de mêlée de la brigade ».
Et Béret Rouge d’ajouter que les artilleurs, déploieront des capacités d’acquisition jour/nuit aérolargable [système Sterna, ballons, capteurs passifs : flash ranging, capteur acoustique], une capacité radar étendue [du type GM 60 pour la détection et l’acquisition au MURIN], de drones, de moyens de lutte anti drones avec des canons antiaériens et un système laser, de modules sol-air [24 VBMR-L et 24 Mistral] et de, comme il va de soi, de « de modules sol/sol [24 VMBR-L et 24 caesar]. »
Enfin, le 17e Régiment du génie parachutiste [RGP] alignera un poste de commandement régimentaire ainsi que « 4 compagnies de combat du génie [à 12 VBMR], une compagnie d’appui équipée de 6 tracto-niveleur aérolargables [TNA] auxquels « s’ajouteront des engins de travaux, les capacités de production d’énergie », 2 ateliers de campagne, 4 équipes EOD [déminage, ndlr] et 1 section de fouille opérationnelle spécialisée.
Cela étant, au regard du contexte stratégique déjà évoqué, une autre question se pose : les opérations aéroportées seront-elles toujours pertinentes? Ainsi, par exemple, l’exercice Noble Jump, conduit actuellement pour évaluer la capacité de réaction du fer de lance de l’Otan, n’a pas eu recours aux troupes aéroportées. Cependant, les unités parachutistes seront bientôt à la manoeuvre, avec Swift Response 2019, qui se déroulera en Roumanie, en Bulgarie et en Croatie.
Plusieurs facteurs sont susceptibles de menacer les OAP : le développement et la diffusion des capacités de déni d’accès et d’interdiction de zone, des défenses sol-air toujours plus performantes [les supprimer pourrait être « très consommateur en temps et en ressources »] et l’artillerie longue distance.
« Face à une capacité à contester le milieu aérien détenue par un nombre croissant d’États, il est donc probable que les TAP [troupes aéroportées], dans un conflit symétrique, doivent être larguées loin des zones les mieux défendues. En termes de capacités, cela impliquerait des moyens pour manœuvrer sur une longue distance et un niveau de protection et de puissance de feu approprié pour, éventuellement, combattre entre la zone de saut et l’objectif de l’opération. Une autonomie logistique accrue doit aussi être envisagée », estime la 11e BP.
Reste que, même si le risque d’un « affrontement d’État à État » persistera à l’horizon 2030, « y compris sur le continent européen », d’autres engagements pour les troupes aéroportées françaises sont envisagés.
« La guerre pourrait mêler conflit interétatique et guerre civile. Les bordures de la Méditerranée pourraient être le terrain d’un affrontement qui se rapprocherait de nos frontières. Dans les zones ouvertes, le combat serait très décentralisé et mobile tandis que les villes seraient les terrains d’affrontement les plus probables », est-il avancé dans les colonnes de Béret Rouge.
En outre, y est-il ajouté, d’ici 2030, « la stabilité des pays riverains au sud et sud-est de la Méditerranée ne sera pas acquise » et le « continent africain sera soumis à une pression démographique entraînant une émigration importante ». Aussi, la « protection des ressortissants français devra être assurée. » Enfin, les « conflits seront soit territoriaux soit des guerres civiles » et « la population sera un enjeu majeur, tout comme le contrôle des matières premières. »
Aussi, l’Afrique devrait rester le « théâtre principal de déploiement de l’armée de Terre ». Et pour ce type d’engagement, la 11e BP a élaboré trois piste d’évolution de ses modes d’action.
Le premier combine opérations héliportées et aéroportées ainsi que des raids motorisés, ce qui constituerait une « alternative efficace aux traditionnelles manœuvres de bouclage » face à un « ennemi discret et mobile. »
« Une fois l’ennemi localisé, les hélicoptères de manœuvre viennent mettre à terre des unités pour fermer un itinéraire de fuite. Les troupes aéroportées apportent ensuite un ‘complément de masse’ et établissent un plot logistique au profit des hélicoptères. Le détachement motorisé complète le dispositif en poursuivant l’ennemi et en apportant un soutien logistique et médical », explique la 11e BP.
La deuxième piste s’appuie sur opérations dites « distribuées ». En clair, il s’agirait de « répartir des sections ou des demi-sections autonomes et coordonnées de manière à occuper de plus
grandes étendues de terrain ». Ces dernières, « intégrées dans un réseau de renseignement et d’appuis feu », pourraient ensuite « converger vers l’ennemi et se regrouper temporairement si besoin. »
Enfin, le dernier mode envisage vise à créer des « sections mixtes, composées d’une demi-section autonome complétée par des forces locales », ce qui « contriburait à un engagement sur un front secondaire. » Ainsi, selon la 11e BP, une section française pourrait générer deux sections partenaires [même chose au niveau d’une compagnie]. « Pour ce faire, il est nécessaire d’associer la formation et l’entraînement à l’accompagnement au combat des unités alliées. Ces manœuvres communes permettent un apprentissage collectif et une interopérabilité optimale avec nos partenaires », souligne-t-elle.
[*] Groupement tactique interarmes – équivalent d’un bataillon.