Rennes : « Le contexte a changé »… L’armée ne veut plus se séparer de son foncier
LOGEMENT Les besoins de recrutement, notamment dans le secteur de la cyberdéfense, se heurtent à des problèmes de logement des militaires
par Camille Allain – 20 minutes – publié le 2 janvier 2023
- La guerre en Ukraine et les recrutements liés à la cyberdéfense ont fait grimper les effectifs de l’armée française ces dernières années.
- Mais l’institution militaire a des difficultés à loger ses nouveaux arrivants.
- A Rennes, les projets de ventes de foncier à la ville ont tous été abandonnés.
Le panneau imaginaire « à vendre » a été décroché. A Rennes, l’imposante caserne Foch semblait promise à un rachat par la métropole, qui rêvait de récupérer les sept hectares et 50.000 m² de bâtiments construits pour en faire un nouveau quartier résidentiel. Il n’en sera rien. « Nous ne sommes plus vendeurs », assure l’état-major de l’armée rennaise. Si le site militaire suscitait tant de convoitises, c’est qu’il présente de sérieux atouts.
Implanté à quelques minutes de marche du centre-ville, il fait partie des dernières grandes réserves de foncier de la capitale bretonne. Depuis la transformation des quartiers champignons de la Courrouze, de Baud-Chardonnet et de Beauregard, Rennes ne possède plus de grandes friches pour se développer. Elle doit se reconstruire sur elle-même et a l’habitude de solliciter les « grands propriétaires » pour négocier. Alors que la guerre est aux portes de l’Europe, l’armée n’est plus intéressée pour vendre.
A l’image de la SNCF ou de l’Eglise, l’armée est pourtant bien dotée en foncier avec ses multiples implantations. De la Direction générale de l’armement (DGA) à Bruz, au site de la Maltière à Saint-Jacques-de-la-Lande en passant par les casernes Foch et Margueritte, l’institution militaire dispose d’un important vivier pour faire travailler environ 6.000 personnes, dont deux tiers de civils. Mais contrairement à ce qu’elle envisageait il y a dix ans, elle n’est plus disposée à s’en séparer. « Le contexte a changé depuis 2010. Nous avons dû reconsidérer toute notre implantation à Rennes et autour. Aujourd’hui, nous avons besoin de foncier et nous devons le conserver », assure le général Laurent Michon, qui commande la zone de défense et de sécurité ouest.
« Nouveau contexte »
Dans ce « nouveau contexte », il y a bien sûr la guerre en Ukraine, qui met l’ensemble des armées européennes en alerte et nécessite une pleine mobilisation de ses effectifs. Spécialisée dans l’information et la cyberdéfense, Rennes est au premier plan de cette mission de surveillance. Mais, si l’armée ne souhaite plus céder son foncier, c’est avant tout pour un problème que bon nombre d’habitants de la métropole subissent aussi : la difficulté à se loger. « Nous avons besoin de logements pour nos soldats et leurs familles. C’est un réel problème pour nous, notamment pour recruter. Dans l’armée de terre, 70 % des gens sont en CDD. Ils ne trouvent pas où se loger ou doivent s’éloigner à 30, 40 ou 50 kilomètres de leur lieu de travail », poursuit le général Michon.
D’après lui, cet éloignement a des conséquences financières sur le pouvoir d’achat des militaires. Mais il peut aussi avoir un impact sur leur implication au travail. « Si un soldat sur le terrain sait que sa famille va bien, qu’elle est bien logée, que son ou sa partenaire a du travail, il sera mieux en opération », ajoute-t-il.
Le problème du logement des soldats n’attise pas non plus l’attractivité de l’armée, qui se doit de vite recruter, notamment dans le domaine de la cybersécurité. Depuis 2018 et jusqu’en 2025, 1.800 emplois auront été créés dans la cybersécurité au sein de la métropole rennaise, d’après une enquête de l’Insee dévoilée l’an dernier. « On construit déjà de nouveaux bâtiments pour les accueillir, mais il faut aussi les loger. Il y a une déconcentration de nos effectifs au niveau national, et Rennes doit y faire face », prévient le général.
« On ne manque pas de projets »
Face à cette nouvelle donne, la ville assure être en capacité de s’adapter. « On ne manque pas de projets. On discute avec la SNCF pour Solférino ou l’ancien technicentre. On doit aussi échanger avec les universités qui ont pas mal de foncier à Beaulieu », assure Marc Hervé, adjoint à l’urbanisme. Ce dernier n’a pas encore abandonné l’idée de récupérer un morceau de la caserne Foch. « Il faut voir comment le site peut muter », précise l’élu socialiste.