Un an après les accidents mortels, les motos MT09 de retour chez les forces de l’ordre
Par Nicolas Goinard| Le Parisien – 27 juillet 2018
Fontainebleau, mai 2016. Les nouvelles motos de la gendarmerie, la Yamaha MT09 Tracer 900 cm3 avaient été présentées au Centre national de formation à la sécurité routière. LP/Pascal Villebeuf
Après le rappel de 16 000 exemplaires par Yahama en 2017 et l’arrêt de leur utilisation par la gendarmerie et la police, suite à deux accidents mortels, les motos 450 MT09 sont retournées dans les escadrons de sécurité routière.
La gendarmerie nationale a édité une infographie toute en couleurs pour jouer la carte de la transparence et apaiser les craintes. Ce document que Le Parisien/Aujourd’hui en France a en sa possession, revient chronologiquement sur la gestion de la crise « MT09 », du nom de cette moto construite par Yamaha et qui équipait les Escadrons départementaux de sécurité routière (EDSR) depuis mai 2016. Le 7 juillet 2017, la direction de la gendarmerie avait décidé de ne plus exploiter cette moto jugée potentiellement dangereuse. Même mesure dans les rangs de la police nationale. Depuis la semaine dernière, après des mois de tests et de formations, ce deux-roues revient dans les garages des unités. Non sans crainte.
Et pour cause. En deux mois, en 2017, au moins deux accidents mortels inexpliqués impliquant des forces de l’ordre ont été recensés sur cette moto. D’abord à Tours (Indre-et-Loire), le 18 avril 2017. Florent Laverdure, un jeune policier municipal de 29 ans originaire de l’Aisne, perd, pour une raison indéterminée, le contrôle de sa moto alors qu’il circule sur l’autoroute A10 pour partir en intervention. Il percute le terre-plein central.
Triste coïncidence, dans les jours qui suivent, Yamaha adresse un courrier à 16 000 clients, propriétaires de cette gamme de moto (MT09, Tracer 900 et XSR 900) pour préconiser le remplacement des supports inférieurs de guidon. Dans une lettre adressée aux services de police et de gendarmerie, le constructeur écrit : « Du fait des vibrations du moteur, les goujons (NDLR : des supports inférieurs du guidon) peuvent se desserrer légèrement. Dans les cas extrêmes, ils pourraient se desserrer complètement […] ce qui pourrait entraîner une perte de contrôle de la direction. »
Yamaha a adressé en avril 2017 16 000 lettres de rappel à ses clients. DR
Pour les parents de Florent Laverdure, l’attente est aujourd’hui longue. « Nous espérons avoir le résultat de l’enquête prochainement » explique sa mère. « Nous avons déposé plainte et l’enquête est toujours en cours, d’après un courrier du procureur que nous avons reçu au mois de mars », annonce Olivier Lebreton, porte-parole de la mairie de Tours et adjoint à la sécurité au moment du drame. Il reprend : « Cette moto complétait notre parc, elle était récente. Aujourd’hui, il est hors de question qu’on se rééquipe en MT09 ».
Matériel lourd et utilisation « extrême »
Un nouveau drame survient le 7 juin 2017 sur l’A77, dans la Nièvre. Le major Frédéric Prouteau, 34 ans, gendarme au sein de la Brigade motorisée (BMO) de Château-Chinon (Nièvre) percute, là encore pour une raison indéterminée, un rail de sécurité. Il décède sur le coup. « L’enquête préliminaire est toujours en cours, précise le parquet de Nevers (Nièvre). Les constatations du département véhicule de l’IRCGN (NDLR : Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale) n’ont pas permis de déterminer s’il y avait eu une défaillance de la moto. Nous sommes toujours dans l’attente du rapport d’un cabinet d’audit qui a travaillé avec le constructeur. Les témoins ont expliqué qu’ils avaient vu la moto chasser par l’arrière. »
Cet accident pousse la gendarmerie à retirer la MT09 de ses unités. La direction de la police lui emboîte le pas. « Cette moto n’était pas faite pour être équipée par tout le matériel, les radios, les sacoches », avance un gendarme du rang en poste dans un EDSR.
C’est également l’analyse faite par Jean-Pierre Bleuzet, vice-président de l’association Gend XXI, également motard de la gendarmerie : « Nos machines sont modifiées et n’ont rien à voir avec les motos qu’on trouve dans le civil. Les modifications apportées ont pu jouer sur la tenue de route. Des réglages ont depuis été réalisés sur la fourche et le problème a été identifié ».
Des améliorations ont été apportées sur les pneus, la fourche et les amortisseurs. Mais le choix sera laissé aux motards de ne pas partir en intervention sur une MT09. « Le motocycliste a besoin de faire confiance à sa machine », résume Jean-Pierre Bleuzet de Gend XXI.
« Nous ne souhaitons faire prendre aucun risque aux motards de la police, explique de son côté Christophe Coumel, délégué national motocyclistes du syndicat UNSA Police. Nous leur demandons de faire remonter tous les soucis qu’ils pourraient rencontrer. »