Une poussée parlementaire en faveur du char de combat
Rehausse de la cible et des capacités du Leclerc, remplacement anticipé, abandon du développement d’un char en franco-allemand (MGCS), etc. : une vingtaine d’amendements au projet de loi de programmation militaire 2024-2030 ont été déposés avec pour enjeu commun de « muscler » le parc de chars de l’armée de Terre.
Quel avenir pour le parc de chars français ? Les combats en Ukraine et le réarmement généralisé constaté en Europe ont rebattu certaines cartes, à tel point que de nombreux parlementaires militent pour modifier un projet de LPM qui, dans ce segment, mise sur la continuité des efforts engagés. En l’état, la rénovation du Leclerc sera poursuivie mais étalée jusqu’en 2035, choix assumé par le chef d’état-major de l’Armée de Terre, le général Pierre Schill, pour garantir le renforcement de capacités longtemps délaissées. De même, MGCS restera la voie poursuivie pour « préparer l’avenir du combat terrestre », insiste le rapport annexé.
Ce statu-quo ne convainc pas, tant dans les rangs de l’opposition que parmi certains députés de la majorité. Sur les 1741 amendements déposés à ce jour, au moins 24 traitent du sujet. Pour la LFI-NUPES et le Rassemblement national, la France doit dès à présent se désolidariser de l’Allemagne. Dans plusieurs amendements, chacun exhorte à s’écarter du partenaire en mettant un terme au programme MGCS, « ce programme voué à l’échec » selon le groupe LFI-NUPES.
Tant pour les deux « extrêmes » que pour quelques élus républicains et socialistes, il conviendrait désormais de privilégier d’autres pistes pour trouver un successeur au Leclerc, jusqu’à proposer une voie souveraine plus longue et plus coûteuse. Pour certains, le meilleur candidat se résume à quatre mots : Enhanced Main Battle Tank (EMBT). Présenté l’an dernier sous la forme d’un démonstrateur par KNDS (Nexter + KMW), ce char « de génération intermédiaire » serait le plan B à envisager pour un remplacement progressif du Leclerc.
Ce scénario est d’ores et déjà bien pris en compte par l’industriel français concerné, le groupe Nexter. « D’une manière ou d’une autre, une solution intermédiaire devra être trouvée pour succéder au char Leclerc, solution qui s’impose petit à petit du fait du contexte ukrainien et de l’arrivée de chars avec de nouvelles capacités », expliquait son PDG, Nicolas Chamussy, le 3 mai en audition parlementaire.
Séduisante, l’option EMBT suppose néanmoins de se pencher sérieusement sur les questions de coûts, de calendrier, d’industrialisation et, surtout, de finalité opérationnelle. Un char de nouvelle génération, oui, mais pour faire quoi ? Et, bien qu’à une échelle moindre, un tel choix amènera de toute façon à devoir compiler avec l’Allemagne, ce partenaire « loin d’être fiable » selon l’alliance LFI-NUPES. Autant de questions qui semblent aujourd’hui échapper à beaucoup, mais sur lesquelles députés socialistes, républicains et d’extrême droite demandent au gouvernement de se prononcer, pour les premiers, « dans un délai de 24 mois ». « Un rapport permettrait de déterminer la nécessité d’un tel investissement et, si tel était le cas, les solutions pertinentes », notent des députés RN.
Faute de solution de remplacement, le groupe LFI-NUPES exhorte à rehausser la cible de Leclerc XLR à horizon 2030, qui passerait de 160 à 180 exemplaires livrés sur les 200 attendus. « En attendant l’arrivée d’un hypothétique char européen, la France dispose de ses chars Leclerc, qu’il convient de rénover », commente-t-elle.
Le député RN Laurent Jacobelli entreprend quant à lui de sanctuariser une capacité pour l’instant non prise en compte dans l’opération de rénovation du Leclerc. L’amendement déposé vise ici « à garantir l’inclusion d’un module de protection active sur au moins une partie de nos chars Leclerc, sans fixer de cible contraignante ». Un effort supplémentaire annoncé auparavant par le CEMAT et sur lequel la Direction générale l’armement et les industriels progressent dans le cadre du PTD Prometeus.
Si le retard de MGCS est « quelque peu préoccupant » pour le ministre des Armées Sébastien Lecornu, le délégué général pour l’armement, Emmanuel Chiva, confirmait cette volonté commune consistant « à poursuivre la feuille de route de notre char de combat ». « Nous sommes en train d’accélérer à ce sujet, en étant conscients des différents points de passage, afin de conserver notre capacité opérationnelle en matière de char de combat », déclarait-il le 2 mai.