La neutralité économique, concept phare de la stratégie de Viktor Orbán

La neutralité économique, concept phare de la stratégie de Viktor Orbán

par Géza Sebestyén* – Revue Conflits – publié le 4 février 2025

https://www.revueconflits.com/la-neutralite-economique-concept-phare-de-la-strategie-de-viktor-orban/


Le 20 janvier 2025, lors d’un discours faisant le bilan de la présidence hongroise de l’UE, Viktor Orbán a rappelé à quel point son gouvernement avait à cœur d’aborder les relations internationales en mettant en œuvre un concept en vogue en Hongrie : la neutralité économique. Explication d’une notion que les décideurs européens devraient méditer.

*Géza Sebestyén, économiste hongrois et directeur du Centre de politique économique du Mathias Corvinus Collegium de Budapest

Votre supérette préférée propose des prix incroyables, notamment un excellent café arabica importé du Viêt Nam, pour seulement vingt euros le kilo. Un matin, alors que vous savourez votre espresso, vous lisez dans le journal que l’Union européenne a décidé d’interdire tout commerce avec le Viêt Nam. La nouvelle vous échappe rapidement. Cependant, une semaine plus tard, tenant de vous réapprovisionner, vous constatez que ce café n’est plus disponible à la vente. Vous interrogez le propriétaire du magasin, qui vous explique qu’il ne vend plus que du café Geisha panaméen, car tous les produits en provenance du Viêt Nam sont dès à présent interdits à l’importation. Votre expresso du matin vous coûtera désormais dix fois plus cher.

Face au commerce mondial

L’exemple ci-dessus montre comment la restriction du libre-échange peut avoir un impact négatif sur les consommateurs. Lorsqu’un pays sélectionne ses fournisseurs, les consommateurs doivent souvent faire face à des prix plus élevés. Si ces restrictions deviennent fréquentes ou s’appliquent à une large gamme de produits, le pays en question s’expose à de l’inflation.

C’est précisément ce que l’Europe a vécu en 2022-23. La suspension de Nord Stream 2, les sanctions contre les compagnies gazières russes et le remplacement du gaz russe bon marché par des alternatives plus coûteuses ont presque décuplé le prix du gaz naturel sur la bourse néerlandaise en l’espace de douze mois. Il en a résulté une vague d’inflation sans précédent dans la zone euro.

Les restrictions commerciales sont problématiques non seulement parce qu’elles contribuent à l’inflation, mais aussi parce qu’elles ont un impact négatif sur la production, le PIB, l’emploi et la dynamique des salaires. Dans certains cas, les pays imposent des limites ou des interdictions à l’exportation de leurs propres produits. Dans d’autres cas, les restrictions à l’importation imposées par un pays donnent lieu à des mesures de rétorsion de la part de ses partenaires commerciaux, ce qui crée un cycle de préjudice économique mutuel.

L’Europe en guerre économique

L’Union européenne a par exemple imposé des sanctions à la Turquie en réponse à ses activités de forage dans les eaux revendiquées par Chypre. Ces sanctions comprenaient le gel d’avoirs et des interdictions de voyager visant certains responsables turcs impliqués dans les opérations. En représailles, la Turquie a introduit des contre-mesures qui ont eu un impact négatif sur les entreprises européennes opérant à l’intérieur de ses frontières. Les exportations, le PIB, la production et l’emploi des entreprises européennes s’en sont trouvés affectés.

En résumé, les restrictions commerciales entraînent généralement une croissance de l’inflation et une baisse de la croissance économique, qui ont toutes deux un impact négatif sur le niveau de vie des citoyens. Il ne s’agit pas là de simples possibilités théoriques. En 2022, la France a connu son taux d’inflation le plus élevé depuis près de quarante ans, tandis que le PIB français en 2024 est resté pratiquement inchangé par rapport à son niveau de 2008.

La Hongrie face à l’inflation

La Hongrie a été confrontée à un défi encore plus grand. La stratégie de découplage économique de l’UE a fait passer notre taux d’inflation au-dessus de 25 % en janvier 2023. Heureusement, les politiques économiques ciblées et efficaces de la Hongrie ont réussi à maintenir l’économie en mouvement. En conséquence, le PIB du pays en 2024 est supérieur de plus de 33 % à ce qu’il était en 2008.

La Hongrie a tiré les leçons des expériences passées et de la théorie économique. C’est pourquoi elle plaide en faveur de la neutralité économique. Selon elle, les pays européens devraient donner la priorité aux actions qui servent leurs propres intérêts, et non suivre aveuglément les objectifs abstraits de politiciens soi-disant « éclairés ».

Pendant des siècles, l’Europe a adopté cet état d’esprit, synonyme de prospérité sur le continent. L’Europe était le leader mondial dans les domaines de la science, de l’économie, du commerce et, surtout, du niveau de vie. Toutefois, ces dernières années, elle a perdu ces avantages. L’Europe doit retrouver sa grandeur en poursuivant ses propres objectifs, ses propres intérêts, un programme fondé sur la neutralité économique, la connectivité et la réussite.

Il suffit de jeter un œil aux chiffres pour s’en convaincre. Prenons les deux premiers pays sur la base de l’ouverture commerciale — un indicateur clé de la neutralité économique : le Luxembourg et Saint-Marin. Comparons-les maintenant aux pays les moins bien classés : le Soudan et l’Éthiopie. Où préféreriez-vous vivre ? Le taux d’inflation du Soudan, qui a constamment dépassé les 10 % au cours de la dernière décennie et a grimpé à plus de 400 % en 2021, alors que le PIB du Luxembourg est l’un des plus élevés au monde par habitant. La Hongrie choisit cette dernière voie, et préfère la défense du niveau de vie de ses habitants à des considérations idéologiques économiquement néfastes.

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