Chammal : Deux Rafale français ont dû réagir au comportement « non professionnel » d’un Su-35 russe
Ainsi, en 2018, alors qu’il était chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], l’amiral Christophe Prazuck révéla aux députés que des navires français avaient été survolés à au moins huit reprises par des avions de combat russes au cours des moins précédents.
Cela n’était pas vraiment surprenant, au regard du contexte qui prévalait à l’époque, avec notamment l’engagement militaire russe en Syrie et l’intervention menée par les forces françaises au Levant contre l’État islamique [EI ou Daesh], dans le cadre de la coalition internationale dirigée par les États-Unis [Inherent Resolve] et en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations unies.
Plus tôt, et devant les mêmes députés, le général André Lanata, alors chef d’état-major de l’armée de l’Air, avait expliqué que les avions de la coalition évoluaient « quotidiennement dans un mouchoir de poche à proximité des Sukhoï russes et des Mig syriens, tout cela au cœur des systèmes de défense sol-air des forces armées russes et syriennes ». Mais il ne fit pas état d’incidents en particulier [du moins selon le compte-rendu de son audition à huis clos], contrairement à ses homologues américains… Et cela alors que l’état-major russe et celui d’Inherent Resolve s’étaient mis d’accord sur des règles dites de « déconfliction » afin d’éviter les méprises.
« Alors que le contact est rugueux avec les Américains et les Britanniques […], [les Russes] restent très professionnels vis-à-vis des marins français. Ce respect a des conséquences très pratiques. En septembre 2018, la frégate Auvergne a été accusée d’avoir abattu un avion russe. Grâce à ce respect, à cette confiance et aux canaux de discussion directs, la vérité a pu être rétablie et la France disculpée », avança le député Michel-Kleisbauer, co-auteur d’un rapport sur les enjeux de défense en Méditerranée en février 2022.
Cependant, avec la guerre en Ukraine, le « climat » a changé. En juillet 2022, toujours lors d’une audition parlementaire, l’actuel CEMM, l’amiral Pierre Vandier, révéla que les Russes évoluaient désormais régulièrement à « moins de 2000 mètres » des navires français, avec « leurs systèmes d’armes actifs, comme ils nous le font régulièrement savoir en illuminant nos bâtiments avec leurs radars de conduite de tir ». Mais cela ne donna lieu à aucun commentaire officiel de la part des autorités françaises…
Et, en novembre 2022, ce fut l’Otan qui dénonça publiquement le survol dangereux de la frégate de défense aérienne « Chevalier Paul » par des avions russes en mer Baltique… et non Paris.
Cela étant, l’approche des autorités françaises face au comportement des forces russes va sans doute évoluer à l’avenir. En tout cas, c’est ce que suggère la communication de l’État-major des armées [EMA] qui, ce 6 juillet, a dénoncé le comportement d’un Su-35 « Flanker-E » à l’égard de Rafale de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] engagés dans l’opération Chammal [nom de la participation française à Inherent Resolve, ndlr].
« Le 06/07, deux Rafale français en mission de protection à la frontière irako-syrienne ont réagi à une interaction non-professionnelle de la part d’un Su-35 russe », a en effet affirmé l’EMA, via Twitter.
Et pour appuyer son propos, il a diffusé une photographie de l’avion de combat russe en question… Ce qui suggère qu’il s’est approché de [trop] près des deux Rafale.
Pour le moment, le ministère des Armées n’a fait aucun commentaire.
À noter que, durant le déploiement de quatre Rafale de la 30e Escadre de Chasse en Lituanie, entre décembre 2022 et mai 2023, aucun incident de cette nature ne fut rapporté… alors que les avions français assuèrent une quinzaine de décollages sur alertes réelles [Alpha Scramble] du Combined Air Operations Center [CAOC] pour intercepter et identifier plus de 25 aéronefs russes.
En tout cas, cet incident au Levant est survenu vingt-quatre heures à peine après que trois Su-35 russes ont « harcelé » trois drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] MQ-9 Reaper américains, qui étaient alors engagés en Syrie dans une mission contre Daesh.