La CIA a financé douze bases ukrainiennes à proximité de la frontière russe, révèle le New York Times

La CIA a financé douze bases ukrainiennes à proximité de la frontière russe, révèle le New York Times


William Burns, à la tête de la CIA depuis 2021.

William Burns, à la tête de la CIA depuis 2021. ANNA MONEYMAKER / AFP

 

Le quotidien américain publie un long article très documenté sur le rôle de l’agence d’espionnage américaine en Ukraine depuis 2014.

Depuis dix ans, la Russie mène une guerre en Ukraine. Ses «petits hommes verts» ont d’abord conquis la Crimée, puis financé, armé et entraîné les séparatistes du Donbass. C’est dans la foulée de cette ingérence russe que la CIA – la «Central intelligence agency» américain – a commencé de financer des bases militaires ukrainiennes de renseignement, révèle le New York Times dans une enquête extrêmement fouillée. Ces bases seraient au total au nombre de douze, établies le long de la frontière russe et seraient toujours en activité malgré les bombardements russes.

Le 24 février 2014, quatre jours après l’invasion de la Crimée, Valentyn Nalyvaichenko nommé à la tête du SBU, le renseignement ukrainien, contacte les chefs d’antennes de la CIA et du MI6, l’espionnage britannique. «C’est ainsi que tout a commencé», explique-t-il à nos confrères américains. Les Américains posent des conditions : les Ukrainiens seront aidés et financés, mais ne doivent pas donner des informations qui conduiraient à des morts. Mais le SBU va s’avérer extrêmement efficace. En 2015, le général Valeriy Kondratiuk, alors chef du renseignement militaire ukrainien, le GUR, apporte au chef-adjoint de la CIA une pile de document contenant des informations détaillées sur la conception des sous-marins nucléaires russes.

En 2016, les Ukrainiens lancent une campagne d’assassinats ciblés, malgré les réticences américaines. Ces derniers râlent, mais devant l’efficacité du renseignement ukrainien poursuivent leur soutien. Cette même année, le chef du GUR, Valeriy Kondratiuk, reçoit l’aide américaine pour moderniser ses «antennes», ses capacités d’écoute en échange d’un partage d’informations. La CIA a lancé un programme pour former des agents ukrainiens appelé «opération Goldenfish». Les officiers ainsi entraînés sont déployés dans les bases militaires le long de la frontière russe.

Une collaboration fructueuse

Ce partenariat entre les deux pays comportent un seul défaut : les États-Unis sont formels, ils n’encourageront pas les Ukrainiens à mener des opérations clandestines en Russie. Après avoir essuyé un refus pour une opération sur le territoire russe à Rostov, le général Kondratiuk envoie en Crimée occupée l’unité 2245, une force commando déguisée avec des uniformes russes et entraînée par la CIA. Ils sont repérés, le fiasco est total. «C’est notre guerre et nous devons nous battre», répond le général Kondratiuk après les récriminations de Washington.

Sous la présidence de Donald Trump, et malgré son ambition de renouer avec Vladimir Poutine, les agents ukrainiens passent de 80 à 800 dans les bases financées par la CIA. En 2020, au cours d’une réunion à la Haye, la CIA, le MI6 et les renseignements néerlandais et ukrainiens scellent une entente pour mettre en commun leurs renseignements sur la Russie. Les services britanniques et américains annoncent dès novembre 2021 que la Russie va envahir l’Ukraine. Les dirigeants politiques des deux pays le diront, d’ailleurs, publiquement. Cependant, le gouvernement de Kiev semble ne pas y croire.

Après l’invasion à grande échelle du 24 février 2022, Washington autorise ses agences d’espionnage à aider l’Ukraine dans ses opérations commandos et secrètes. Les localisations de bases militaires russes ou encore des listes de noms sont échangées. La CIA et le GUR ont, preuve de la force des échanges de renseignements, construit deux nouvelles bases.