Publication de la revue trimestrielle Défense (Avril 2024)
Mon éditorial
Ce numéro est plus particulièrement consacré à la partie Est de l’Union européenne. Le comité de rédaction s’est posé la question suivante : le centre de gravité politique de l’Europe ne se serait-il pas déplacé vers l’Est ? Certes le poids de la Pologne en particulier, la place de la Roumanie bordant la mer Noire, la guerre en Ukraine bien sûr et cette menace potentielle de la Russie plus à l’Est remettent en cause la place privilégiée des membres fondateurs de l’Union européenne.
Ce glissement vers un centre de gravité plus oriental est une réalité qui n’est pas que militaire. Elle est économique et notamment agricole, géopolitique avec une conscience collective historique, démographique si l’on y associe au moins temporairement l’Allemagne à la natalité certes fortement en baisse. L’adhésion de l’Ukraine posera sans aucun doute des difficultés même si elle ne se concrétisera pas avant un certain nombre d’années. Un sondage IFOP du 20 février 2024 montrait que 51% des Français y étaient opposés et négliger les opinions publiques ne serait pas sage.
En outre, le poids anglo-saxon reste prégnant : le Royaume-Uni contourne son départ de l’Union européenne par une forte présence en Ukraine. Les États-Unis paraissent toujours incontournables et renforcent leur présence par la mise sous dépendance des Etats européens notamment par leurs livraisons d’armes qui mettent l’Union européenne en situation de vassalité dans le domaine de leur sécurité extérieure. En tout état de cause, la défense de l’Europe ne se conçoit aujourd’hui que dans le cadre de l’OTAN – qui commémore cette année le 75e anniversaire de sa création – et avec l’assistance « bienveillante » des Etats-Unis… jusqu’à un changement éventuel de politique étrangère avec l’élection possible de Donald Trump en novembre 2024. Cela impose de fait une capacité européenne militaire autonome capable d’assurer sa sécurité extérieure.
Ce premier trimestre 2024 a fait cependant émerger deux sujets de réflexion à travers les déclarations présidentielles d’Emmanuel Macron et de leurs interprétations. Ces sujets mettent en avant la liberté de décision certes constitutionnelle du président de la République et le rôle du parlement dans le domaine de la défense nationale.
- Le président de la République peut-il décider seul du partage de la dissuasion nucléaire pour protéger l’Union européenne et si oui sous quelles conditions ? Dans le contexte sécuritaire actuel, cette question souvent évoquée en filigrane depuis plusieurs années s’avère d’une réelle actualité face aux menaces de la Russie.
- Malgré la Constitution, le président de la République peut-il décider seul, sans un débat parlementaire avant toute prise de décision, d’engager des forces armées par exemple sur le territoire ukrainien dans une guerre de haute intensité, situation bien éloignée des OPEX connues jusqu’à présent ?
Clarifier ces questions permettrait de sortir d’ambiguïtés stratégiques bien entretenues mais qui nuisent à la compréhension des enjeux pour nos concitoyens et donc à la résilience de notre société.
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