L’incursion ukrainienne en Russie: entre raid audacieux et percée à l’avenir incertain
L’incursion ukrainienne en cours au nord de Sumy, dans la région russe de Koursk (sud-ouest de la Russie), suscite bien des questions dont les réponses tardent tant la discrétion (voire la confusion) règne dans les deux camps.
Les autorités de Kiev observent, pour leur part, un mutisme inhabituel : personne ne reconnait officiellement l’existence de cette opération et les hauts responsables se refusent à tout commentaire, même sous couvert de l’anonymat.
Du côté russe, d’où sont venus les premiers rapports faisant état d’une incursion ennemie, les informations précises sont rares. Selon Moscou, des forces armées venant d’Ukraine ont lancé mardi matin, une attaque dans la région de Koursk dans le sud-ouest de la Russie; l’Ukraine aurait engagé un millier d’hommes et quelques dizaines de chars et autres véhicules blindés, soutenus par des avions de combat et de l’artillerie.
Cette attaque est jugée sérieuse puisque les autorités russes ont déclaré l’état d’urgence et que la Garde nationale russe a déclaré avoir renforcé la sécurité autour de la centrale nucléaire de Koursk, située à environ 60 km au nord-est de Soudja, une ville de 5 500 habitants à huit kilomètres de la frontière ukrainienne. Soudja abrite le dernier point de transbordement opérationnel du gaz naturel russe vers l’Europe via l’Ukraine.
Un air de remake
Le scénario rappelle de précédentes incursions en territoire russe. Effectivement, des combattants en provenance d’Ukraine ont déjà effectué plusieurs brèves incursions en Russie, revendiquées par des unités prétendant être composées de Russes combattant du côté ukrainien, à savoir le « Corps des volontaires russes » et la « Légion pour la liberté de la Russie ». Ainsi, à la mi-mars, pendant les élections russes, des groupes d’assaut ukrainiens ont tenté à plusieurs reprises de s’emparer de territoires dans la région voisine de Belgorod,
Une ampleur inédite
Toutefois, l’attaque en cours paraît inhabituelle en raison de son ampleur supposée et parce qu’elle semble impliquer des troupes régulières ukrainiennes.
Analyste militaire basé à Kiev, Serguiï Zgourets a déclaré à l’AFP que « les photos montrant la destruction d’équipements russes et ukrainiens, des hélicoptères, le recours à l’aviation, l’utilisation d’artillerie des deux côtés » étaient les signes d’une opération militaire d’ampleur.
Selon l’Institute for the Study of War (ISW), les troupes ukrainiennes ont avancé jusqu’à dix kilomètres à l’intérieur du territoire russe. Cette poussée s’est concentrée sur le hub logistique de Soudja.
Quels motifs, quelles motivations?
Les objectifs de cette opération ne sont pas encore clairs. L’intérêt d’une telle manœuvre est même parfois mis en doute par des commentateurs
Une telle incursion pourrait avoir un effet psychologique et remonter le moral des Ukrainiens qui voient leur armée à la peine dans le Donbass.
Certains observateurs affirment que si l’Ukraine parvenait à conserver ces pas du territoire ruse, elle pourrait en faire une carte à jouer face à Moscou dans le cadre d’hypothétiques négociations de paix.
Pour d’autres experts (et ce sont les plus nombreux), l’incursion pourrait servir à attirer des réserves russes et éloigner celles-ci de la région ukrainienne de Kharkiv (nord-est), où la Russie a lancé une offensive en mai. « A en juger par l’échelle et l’intensité de l’opération ukrainienne, tôt ou tard, l’ennemi sera forcé de retirer des troupes d’autres théâtres d’opérations », note ainsi Kostiantyn Machovets cité par l’AFP.