Guerre en Ukraine : l’Allemagne bientôt co-belligérant avec ses missiles Taurus ?

Guerre en Ukraine : l’Allemagne bientôt co-belligérant avec ses missiles Taurus ?

Une décision de l’Allemagne pourrait rebattre les cartes d’un conflit déjà explosif : la guerre en Ukraine. À Berlin comme à Moscou, les lignes bougent, et pas toujours dans la discrétion.

par Grégoire Hernandez – Secret défense – Publié le
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Guerre en Ukraine : l’Allemagne bientôt co-belligérant avec ses missiles Taurus ? | Armees.com

Une décision de l’Allemagne pourrait rebattre les cartes d’un conflit déjà explosif : la guerre en Ukraine. À Berlin comme à Moscou, les lignes bougent, et pas toujours dans la discrétion.

Le mot « Taurus » n’a jamais autant pesé. Derrière ce missile de croisière, c’est toute la position stratégique de l’Allemagne qui vacille.

Une menace explicite qui ne laisse plus de place au doute

Le 17 avril 2025, la diplomatie russe a dégainé un message sans ambiguïté : « Une frappe avec ces missiles contre des installations russes (…) sera considérée comme une participation directe de l’Allemagne aux hostilités au côté du régime de Kiev, avec toutes les conséquences que cela implique ». Pour Moscou, l’envoi de Taurus à Kiev ne serait pas qu’un soutien matériel, mais une entrée officielle de l’Allemagne dans la guerre en Ukraine.
À ses yeux, ce type d’armement ne peut être utilisé sans « l’assistance directe des militaires de la Bundeswehr ». Une manière claire de désigner Berlin comme co-belligérant potentiel. Cette rhétorique n’est pas nouvelle : la Russie avait déjà menacé les Occidentaux lors de la livraison des missiles américains ATACMS et britanniques Storm Shadow. Mais ici, la mise en garde est plus frontale. Et pour cause : les Taurus ont une portée d’au moins 500 km, bien supérieure à celle de leurs homologues.

Le chancelier et son futur successeur ont des avis qui divergent. Tandis que le probable futur chancelier Friedrich Merz (CDU) s’est dit ouvert à cette livraison, à condition d’un « accord avec les partenaires européens », son prédécesseur Olaf Scholz (SPD) a toujours refusé cette option, arguant du risque d’escalade.
Le secrétaire général du SPDMatthias Miersch, a tranché : « Nous avons toujours été contre » la livraison, refusant de « devenir une partie au conflit ». Il estime que ces « raisons (…) ont conduit au fait que nous n’avons pas livré les Taurus. Et je suppose que cela restera ainsi. »
Même prudence du côté du ministre sortant de la DéfenseBoris Pistorius : « Il y a de bons arguments pour la livraison et l’utilisation de Taurus. Et il y a beaucoup d’arguments, de bons arguments, contre ». Il précise que cette décision « délicate » se heurte à une réalité : « Aucun partenaire européen n’a un tel système. »

Allemagne : des capacités qui inquiètent jusqu’au Kremlin

Pourquoi ces missiles obsèdent-ils tant ? Le Taurus, missile de croisière germano-suédois, peut atteindre avec précision une cible à plus de 500 kilomètres. Une portée qui permettrait à l’Ukraine de viser en profondeur sur le territoire russe. Des officiers allemands, dans des conversations confidentielles relayées par des médias pro-russes, ont même évoqué la capacité de ces armes à détruire le pont de Kertch. Un symbole pour la Russie, il relit le pays à la Crimée annexée en 2014.
Déjà, après l’usage d’ATACMS et Storm Shadow par Kiev, la riposte russe n’avait pas tardé : le Kremlin avait tiré un missile hypersonique expérimental Orechnik contre une usine militaire ukrainienne. Un avertissement grandeur nature, que Moscou promet de renouveler en cas d’extension des frappes.

En arrière-plan, l’accord de coalition CDU-SPD, tout juste signé, prévoit un soutien « complet » à l’Ukraine. Mais ce consensus cache mal des lignes de fracture persistantes. Le missile Taurus, par sa portée comme par sa symbolique, cristallise cette ambivalence stratégique : aider sans intervenir, frapper sans apparaître, dissuader sans provoquer.
Face à une Russie qui hausse le ton et une opinion publique allemande toujours plus divisée, la livraison du Taurus ne serait pas qu’un simple envoi de munitions. Ce serait un changement d’échelle, peut-être un nouveau point de bascule dans cette interminable guerre en Ukraine.