Le business du terrorisme (2/5), des marchands d’armes comblés
Par Francis Sahel – Mondafrique – Publié le 22 août 2018
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Le développement du terrorisme en Afrique provoque quelques heureux, notamment les marchands d’armes qui se frottent les mains
Barack Obama l’avait refusé en son temps, mais Donald Trump, son successeur à la tête des Etats-Unis, n’y a trouvé aucun inconvénient : le Nigeria a acheté aux Etats-Unis 12 avions de combats Tucano A-29 pour un montant total de 450 millions de dollars.
Des avions de combat, pourquoi faire?
Ces avions d’attaques au sol, dont la livraison est attendue en 2020, devraient officiellement servir à la lutte contre la menace terroriste portée depuis 2002 par le groupe extrémiste Boko Haram. Il n’est nul besoin d’être stratège militaire pour savoir que la lutte contre Boko Haram, ennemi invisible, n’a pas besoin d’avions de combats, ni de chars à chenilles. En fait, comme d’autres pays africains, le Nigeria s’est lancé dans une course aux armements, sous couvert de la menace terroriste.
Sans avancer de chiffres exacts, le autorités nigériennes affirment que depuis 2016, elles consacrent 15% du produit intérieur brut (PIB) aux dépenses de sécurité afin de faire face à la menace terroriste sur les frontières nord-ouest (groupes djihadistes maliens), sud-est ( la secte nigériane Boko Haram) et nord (La Libye). Le pays a ainsi acheté au Brésil des hélicoptères de combats, sans en dévoiler le montant ni la date de livraison.
Le Tchad, bon élève
A ce jeu-là, même des pays, a priori moins nantis, n’hésitent pas à sortir leurs chéquiers, en espérant plaire à la communauté internationale. Au palmarès des dépenses affectées à la sécurité, le Tchad affiche une très nette longueur d’avance par aux autres États touchés par le terrorisme. En 2015, le pays avait tiré près de 750 milliards de franc CFA de la vente de son pétrole. A peine deux années plus tard, les caisses de l’Etat sont totalement vides. Par calculs, Idriss Déby a dépensé à tours de bras les deniers publics de son pays, tantôt pour acheter des armes, tantôt pour envoyer des troupes combattre le terrorisme au Mali, au Cameroun, au Niger et même au Nigeria.
Si elle se fait au détriment des dépenses dans les secteurs sociaux (éducation, santé, bourses d’études) et de développement (agriculture, infrastructures), la course aux armements, sous couvert de la lutte contre le terrorisme, profite d’abord aux entreprises occidentales. Les attachés de défense des pays européens et des Etats-Unis dans les États confrontés à la menace terroriste encouragent les gouvernements à acheter chez eux le matériel.
Les perdants, les gagnants et les dividendes politiques
Très souvent, leurs conseils sont reçus comme des ordres. Ainsi, des commandes locales de véhicules 4X4 sont passées au groupe CFAO (anciennement société française), des blindés, des transports de troupes, du matériel de transmissions sont commandés à des entreprises françaises telles que Thales, Renault Truck, Nexter alors que les entreprises du bâtiment et travaux publics (BTP) comme SOGEA-SATOM, Colas et Eiffage engrangent des marchés de construction de casernes, de routes et de ponts. Mais les marchands d’armes et les multinationales ne sont pas les seuls à profiter de l’aubaine créée par la lutte contre le terrorisme. Le Malien Ibrahim Boubacar Keita, le Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, le Nigérien Mahamadou Issoufou et le Tchadien Idriss Déby ont tous compris qu’avec leur brevet « de bon élève » de la lutte contre le terrorisme, ils peuvent se permettre de bafouer les droits de l’homme, d’attenter à la liberté de la presse, de museler leur opposition et procéder à des réformes constitutionnelles sans que la communauté internationale trouve à redire.
Par un simple vote de députés d’un parlement largement dominé par le Mouvement patriotique du Salut (MPS, au pouvoir), Déby a pu faire passer, sans aucune réaction hostile de la communauté internationale, une réforme constitutionnelle qui lui permet de représenter en 2021, après avoir déjà accompli cinq mandats à la tête du Tchad. La nouvelle Constitution tchadienne supprime le poste de Premier ministre et la Cour constitutionnelle, tout en portant la durée du mandat parlementaire de cinq ans actuellement à six ans.
Le silence international
Au Niger, voisin du Tchad, des figures emblématiques de la société civile (Moussa Tchangai, Ali Idrissa et Nouhou Arzika) ont été jetées en prison pendant près de 4 mois pour certains alors que d’autres croupissent encore dans les geôles. Là aussi sans que la communauté internationale lève le petit doigt. Le Mauritanien Aziz aura fait pire : aux Nations unies qui lui demandaient de libérer le sénateur Mohamed Ould Ghadde, détenu arbitrairement depuis plusieurs mois, le président mauritanien a déclaré sans ambages qu’il n’a que « foutre » de l’avis du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire.
Déby, Issoufou, Aziz comme IBK perçoivent leur statut « de bon élève » et « fidèle allié » de la lutte le terrorisme comme un feu vert pour tout se permettre dans leur pays, y compris la mauvaise gouvernance et les violations des libertés individuelles et politiques.