Le Service de santé des armées aura recours à plus de réservistes et de contractuels pour tenir son contrat opérationnel
Au cours de la Loi de programmation militaire [LPM] 2014-19 qui s’achève, le Service de santé des armées [SSA] aura vu fondre ses effectifs de 8% alors même qu’il a été confronté à une activité intense, liée à la remontée en puissance de la Force opérationnelle terrestre [FOT] et au niveau élevé de l’engagement des forces sur les théâtres extérieurs.
Le modèle du plan « SSA 2020 » est d’autant plus sous tension que le recrutement a du mal à suivre. « Le plafond d’emplois autorisés du SSA est passé de 16.529 effectifs en 2014 à 15.626 en 2018 [dont environ 5.000 civils, ndlr]. L’effectif moyen réalisé en cours d’année est inférieur de 600 unités au plafond d’emploi », ont relevé les sénateurs Jean-Marie Bockel et Christine Prunaud, co-rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2019 « Défense : Préparation et emploi des forces » [.pdf].
Actuellement, le SSA compte 700 médecins des forces : un niveau largement insuffisant puisqu’il lui en manque une centaine. Aussi, ce sont donc souvent les mêmes qui sont envoyés en opération extérieure. « Les personnels projetés effectuent 200 % du contrat opérationnel » du service, rappellent les deux sénateurs. Et cela ne peut avoir que des conséquences sur la fidélisation, d’autant plus que, et c’est une autre difficulté, certaines spécialités sont plus affectées que d’autres.
« Alors que les déficits de personnels sont déjà criants dans certaines spécialités telles que les chirurgiens orthopédistes, les dentistes, les infirmiers en soins spécialisés de bloc opératoire diplômés d’État et les masseurs kinésithérapeutes, la surprojection des mêmes personnels finit par les pousser à quitter le service. Leur fidélisation est un défi difficile à relever dans de telles conditions, et alors que la concurrence de la fonction publique hospitalière sur certaines spécialités est réelle. À ceci s’ajoute la longueur des formations pour nombre des métiers de la santé, générant des effets retardés sur les viviers », lit-on dans le rapport de M. Bockel et de Mme Prunaud.
Pour remédier à ces déficits dans ces spécialités, le SSA a recours de plus au plus à des contractuels. « Ces facteurs incitent à la civilianisation progressive des postes sans contrainte opérationnelle directe et au recours croissant aux praticiens contractuels », avance le rapport.
En 2016, les officiers contractuels représentaient 7% des effectifs des praticiens. Il est prévu de doubler cette part, avec une « cible établie à 16% d’ici 2021 », est-il indiqué dans le document.
Quant aux besoins liés aux engagements du SSA sur les théâtre extérieur (par exemple, 200 de ses personnels sont engagés au Sahel, au titre de l’opération Barkhane), le recours aux réservistes s’impose. Ce qui fait que, actuellement, 20% du contrat opérationnel du service est assuré par ces derniers, contre 10% l’an passé.
« À ce jour 2 900 réservistes participent aux missions du SSA, 50 % d’entre eux sont appelés à partir à la retraite à court terme. La directrice du SSA travaille activement à l’augmentation de leur nombre pour atteindre l’objectif de 3.500 réservistes », affirment les deux rapporteurs.
La LPM 2019-25 prévoit de stabiliser les effectifs du SSA jusqu’en 2023, avant de les augmenter « modérement » par la suite. « Cette nouvelle trajectoire positive se traduira par la mise en oeuvre du nouveau modèle hospitalier militaire, la poursuite de la remontée en puissance de la médecine des forces et la préparation de l’avenir avec la mise en formation de 15 élèves praticiens et 10 élèves infirmiers supplémentaires pour 2019 », fait valoir le rapport.
Toutefois, les sénateurs Bockel et Prunaud restent prudents car la situation du SSA restera fragile, avec trois points d’attention particuliers. « La féminisation du corps médical pose certains défis », estiment-ils. En outre, « le fonctionnement quotidien des centres médicaux des armées est également marqué par un accroissement des besoins en expertise médicale d’aptitude et une intensification des activités de soutien des activités à risque, du fait de l’augmentation de la force opérationnelle terrestre et du plan Réserve 2019 », ajoutent-ils. Enfin, « l’attractivité du secteur civil, particulièrement forte pour certaines spécialités hospitalières (radiologie, anesthésie-réanimation et chirurgie), favorise de nombreux départs de l’institution. »