Mme Parly a des « réserves » sur l’opération Sentinel, qui vise à protéger le trafic maritime dans le Golfe
Le président Macron s’est-il servi, lors du dernier sommet du G7, des incendies de forêt en Amazonie, et plus particulièrement au Brésil, pour régler quelques comptes? Certes, il est vrai que les départs de feu dans cette partie du monde ont été en forte augmentation cette année et qu’ils ont retrouvé le niveau qui était le leur dans les années 2000… Mais la situation était beaucoup plus grave en Bolivie et surtout en Afrique centrale, qui, à en croire l’imagerie satellitaire de la Nasa, représentait alors 70% de la surface forestière partie en fumée!
Pour autant, peu de choses ont été dites à Biarritz sur ce sujet, le Brésil ayant été le seul à avoir été pointé du doigt… avec la diffusion, par M. Macron, d’un « tweet » à charge accompagné d’une photographie… montrant un feu de forêt en Amazonie ayant eu lieu au moins 17 ans plus tôt. Et, aucune aide n’a été proposée aux pays d’Afrique centrale, alors qu’une enveloppe de 20 millions de dollars a été débloquée pour Brasilia. Quoi qu’il en soit, cette affaire d’incendies a justifié la décision de Paris de ne pas ratifier l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur parce que le président brésilien, Jair Bolsonaro, aurait « menti » sur ses engagements en matière d’environnement.
Le sommet du G7 aura aussi été l’occasion de tenter un autre incendie, en faisant « coup diplomatique » avec la visite « surprise » de Javad Zarif, le ministre iranien des Affaires étrangères. « Pari audacieux » pour les uns, « coup de poker », pour les autres… Toujours est-il qu’il s’agissait, selon M. Macron, de créer les « conditions d’une rencontre et donc d’un accord » entre les responsables américains et iraniens, à couteaux tirés depuis le retrait des États-Unis du JCPOA, c’est à dire l’accord sur les activités nucléaires de l’Iran signé à Vienne en juillet 2015.
« À un moment donné, il faut qu’il y ait une rencontre » entre le président américain, Donald Trump, et son homologue iranien, Hassan Rohani, a estimé M. Macron. Et « je souhaite que, dans les prochaines semaines, une telle rencontre » ait lieu, a-t-il ajouté.
Toujours selon Emmanuel Macron, le président iranien se serait montré « ouvert » à cette éventualité. Toutefois, a-t-il prévenu, « rien n’est fait, les choses sont éminemment fragiles ».
Effectivement, les conditions pour qu’une telle rencontre ait lieu sont encore loin d’être réunies. En outre, ce serait plutôt avec l’ayatollah Ali Khamenei, le guide « suprême » de la révolution islamique iranienne, et donc le chef de l’État iranien, qu’il conviendrait sans doute de traiter…
Ainsi, M. Trump a assuré qu’il accepterait de rencontrer M. Rohani, si les « circonstances étaient réunies ». Et, au lendemain du G7, le président iranien a lui aussi posé ses conditions en demandant aux États-Unis de faire le « premier pas » en levant toutes les sanctions qu’ils ont imposées à son pays. En clair, « l’ouverture » de ce dernier évoquée par M. Macron n’en est pas vraiment une…
Le souci est qu’il n’y a pas que la question du nucléaire qui fâche… Il y a aussi les activités balistiques iraniennes, le soutien de Téhéran aux milices chiites au Moyen-Orient et la sécurité de la navigation dans le détroit d’Ormuz [ce sujet étant cependant lié aux sanctions américaines].
Sur ce dernier point, le président iranien a fait une déclaration ambigüe, le 21 août. « Les puissances mondiales savent que, si le secteur du pétrole est totalement sanctionné et que les exportations de l’Iran sont réduites à zéro, les voies navigables internationales ne pourront plus bénéficier de la même sécurité qu’avant », a-t-il dit, à l’issue d’un entretien avec l’ayatollah Khamenei. « Des pressions unilatérales contre l’Iran ne peuvent donc être à leur avantage et ne garantiront pas leur sécurité dans la région ni dans le monde », a-t-il ajouté. Faut-il y voir de nouvelles menaces contre le trafic maritime?
D’autant plus que, dans le même temps, M. Zarif a affirmé que l’Iran pouvait « agir de manière imprévisible » en réponse à la politique « imprévisible » des États-Unis.
Reste que, après plusieurs incidents dans le détroits d’Ormuz [arraisonnement de pétroliers, dont un battant pavillon britannique, sabotages, etc] qui laissaient supposer un été particulièrement « chaud » en matière de sécurité maritime, le chef du Pentagone, Mark Esper, a donné le coup d’envoi, le 28 août, de l’opération « Sentinel », laquelle vise à protéger la navigation commerciale dans les eaux du golfe arabo-persique [GAP].
« Je suis heureux d’annoncer que la mission Sentinel est opérationnelle et que le Royaume-Uni, l’Australie et Bahreïn se joignent à nous dans cet effort », a en effet affirmé M. Esper, lors d’une conférence de presse donnée au Pentagone. « Entre notre présence et la présence de nos alliés et partenaires dans la région, je pense jusqu’à présent, nous avons dissuadé tout nouveau comportement provocateur, » a-t-il ajouté, après avoir insisté sur la volonté américaine de nouer un dialogue « diplomatique » avec Téhéran.
Reste que, selon Florence Parly, la ministre française des Armées, cette opération Sentinel suscite des « réserves » parmi les membres de l’Union européenne [UE].
« Nous ne voulons pas être dans un dispositif d’escorte des navires, mais nous voulons assurer une présence dissuasive », a expliqué la ministre lors d’un entretien accordé à AFP, peu avant une rencontre avec ses homologues européens, à Helsinki.
En revanche, d’après l’AFP, Mme Parly a implicitement confirmé u soutien français à une éventuelle mission européenne d’observation dans le golfe arabo-persique. Mission dont le principe avait été énoncé durant l’été, avec la participation du Royaume-Uni et de la France, l’Allemagne ayant affiché quelques hésitations.
Seulement, les pays volontaires ne se bousculent pas au portillon. Ils se comptent « sur les doigts d’une main », a confié Mme Parly. « Nous allons essayer de passer à la deuxième main » au cours de la réunion d’Helsinki, a-t-elle espéré. « Mais le dispositif se fera avec les moyens existants dont il faudra tirer le meilleur parti », a-t-elle précisé. La Marine nationale ne compte actuellement qu’un seul navire dans la région, à savoir la frégate anti-aérienne Jean Bart.
« L’objectif est de garantir la libre navigation et la sécurité des navires dans cette région vitale pour le transport des hydrocarbures. […] Il serait malencontreux de donner le sentiment que nous nous inscrivons dans l’initiative américaine de sanctions maximales », a expliqué la ministre française.
« Le président Emmanuel Macron recherche la désescalade des tensions dans la région. Or nous sommes loin de l’objectif recherché. […] Ce n’est pas parce que le président Donald Trump a laissé le président Macron pousser son initiative avec l’Iran que l’administration américaine a changé de position vis à vis de Téhéran », a estimé Mme Parly.
Photo : Le destroyer HMS Defender, en route vers le Moyen-Orient et l’opération Sentinel (c) Royal Navy