Paris et Berlin entérinent l’accord pour la mise au point d’un démonstrateur de l’avion de combat du futur
Une semaine après que les députés allemands ont débloqué, avec quelques réserves, les crédits nécessaires à la poursuite du programme relatif au Système de combat aérien du futur [SCAF], Paris et Berlin doivent entériner, ce 20 février, l’accord permettant de lancer la phase 1A, c’est à dire celle ouvrant la voie à la mise au point d’un démonstrateur visant à valider la faisabilité de ce projet ambitieux.
Cet accord, qui aurait dû entrer dans les faits à l’occasion du dernier salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget et qui était attendu avec impatience par Dassault Aviation et Airbus Defence & Space, a en effet été signé à l’occasion d’une visite à Paris d’Annegret Kramp-Karrenbauer, la ministre allemande de la Défense. Étant donné que la France assure la maîtrise d’œuvre de ce projet, le Délégué général pour l’armement [DGA], Joël Barre doit notifir ensuite les contrats aux industriels concernés. Enfin, une lettre d’intention sera également signée avec l’Espagne, qui doit intégrer le programme d’ici quelques mois.
Pour rappel, le SCAF est un « système de systèmes » qui vise à mettre en réseau différents types d’aéronefs et d’effecteurs autor d’un nouvel avion de combat, appelé pour le moment « New Generation Fighter » [NGF], dont le développement a été confié à Dassault Aviation, avec Airbus DS comme partenaire principal.
La phase 1A nécessite un investissement de 150 millions d’euros, assumé à 50-50 par la France et l’Allemagne. Dans le détail, 91 millions d’euros seront destinés au NGF. Les études portant sur les moteurs de cet appareils, confiées à Safran et à MTU Aero Engines bénéficieront d’une enveloppe de 18 millions d’euros.
Confiée à Airbus et à MBDA, la mise au point des effecteurs connectés [ou « remote-carriers »], c’est à dire des drones qui accompagneront le NGF pour désigner les cibles, réaliser des missions de reconnaissance et/ou de guerre électronique ou encore pour saturer les défenses adverses, disposera d’une enveloppe de 19,5 millions d’euros.
En outre, 14,5 millions d’euros seront flêchés vers le système de combat collaboratif, qui permettra de connecter l’ensemble des aéronefs [et satellites] et les centres de commandement entre-eux. Ce travail doit être assuré par Airbus et Thales. Enfin, 6 millions d’euros seront destinés à financer les travaux relatifs à la cohésion globale du programme.
Pour le moment, l’Espagne a déjà engagé 2 millions d’euros dans les études amont du programme. Sa participation devrait s’élever à 45 millions d’euros dans le courant de l’année 2020. Cette somme viendra s’ajouter aux 150 millions investis par la France et l’Allemagne.
Au total, le programme SCAF devrait exiger 4 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2025. Et 8 milliards d’ici à 2030. Ce qui le mettra à la merci d’un mouvement d’humeur des députés allemands, ces derniers ayant un droit de regard dès lors que le montant d’une enveloppe budgétaire dépasse les 25 millions d’euros.
Or, pour débloquer la phase 1A, les parlementaires d’outre-Rhin ont exprimé plusieurs exigences, dont une lie le sort du SCAF au projet de char de combat du futur [MGCS], pour lequel l’Allemagne assure la conduite. Pour eux, les deux programmes doivent avancer au « même rythme », ce qui n’a pas vraiment de sens étant donné que leur nature, leur complexité et leurs enjeux sont différents. Et ils ont aussi exigé des garanties pour préserver les intérêts de l’industrie allemande face à son homologue française tout en s’interrogeant sur le rôle que tiendra l’Espagne.
Sur ce point, Airbus conteste toujours la décision de Madrid de faire du groupe Indra le maître d’œuvre national du programme SCAF. La semaine passée, lors de la présentation des résultats du groupe qu’il dirige, Guillaume Faury a parlé d’une « erreur qui doit être corrigée ».
Mais il n’en est pas question pour le gouvernement espagnol, pour qui sa décision est « définitive et bonne pour l’intérêt national ». Ce que confirme évidemment Fernando Abril-Martorell, le Pdg d’Indra, qui a défendu un choix « très logique », allant dans « l’intérêt général » dans les colonnes du quotidien El Espanol, le 19 février.
Quoi qu’il en soit, la route sera encore longue. Mais comme le disait Sénèque, « ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, mais parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles. »