Selon l’amiral Prazuck, il « faudra des mois » pour tirer les conséquences de l’incendie du SNA Perle
par Laurent Lagneau – Zone militaire -Publié le 17 juin 2020
Il aura donc fallu 14 heures aux marins-pompiers de Toulon et de Marseille, aux pompiers du SDIS 83 ainsi qu’aux marins de l’Escadrille des sous-marins nucléaires d’attaque [ESNA] et de l’École de navigation sous-marine et des bâtiments à propulsion nucléaire [ENSM-BPN] pour venir à bout de l’incendie qui s’était déclaré à bord du sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] « Perle », lors de sa dernière Interruption pour entretien et réparations [IPER], le 12 juin.
Une telle intervention aura été des plus délicates, étant donné qu’il a fallu aux marins-pompiers progresser dans des espaces confinés malgré une intense chaleur, tout en veillant à éviter la propagation de l’incendie vers le compartiment abritant le réacteur nucléaire du sous-marin, qui, heureusement, avait été débarrassé de tout combustible.
Depuis, une enquête judiciaire a été ouverte et l’Inspection générale des armées a été saisie. Et des expertises seront menées afin de déterminer l’origine de l’incendie, qui a pris au niveau d’un compartiment situé à la proue du navire. Leurs résultats seront déterminants pour l’avenir de la Perle, pour lequel on peut nourrir quelques craintes, la forte chaleur produite ayant très probablement affecté l’acier de sa coque épaisse.
À Toulon, le 13 juin, la ministre des Armées, Florence Parly, a assuré que tout serait fait pour réparer le SNA si les analyses permettent de penser que cela est envisageable. Seulement, ces dernières risquent de prendre du temps. C’est, en tout cas, ce qu’a déclaré l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], dans un message diffusé via les réseaux sociaux.
Après avoir salué le courage des marins-pompiers, l’amiral Prazuck a en effet affirmé qu’il « faudra maintenant des semaines d’expertise(s) technique(s) pour comprendre l’ampleur des dégâts et probablement des mois pour en tirer les conséquences. »
« Donc, pas de jugement à l’emporte-pièce, pas de désarroi », a demandé le CEMM. « Nous avons connu d’autres incendies et d’autres coups durs. Nous les avons toujours surmontés et nous surmonterons celui-là. Il nous faut de la compétence, de l’expertise, de la détermination et du courage comme celui qui a animé les pompiers et les marins qui sont intervenus sur la Perle », a-t-il conclu.
Si la coque épaisse a « travaillé » sous l’effet de la forte chaleur, alors il sera compliqué d’envisager un retour du SNA « Perle » en opération, alors qu’il était prévu de le désarmer en 2030. En revanche, et c’est le scénario le plus optimiste, il se pourrait qu’il n’y ait à remplacer que ce qui a brûlé… Soit, tout de même, des kilomètres de câbles et autres équipements. Mais ce ne sera pas une mince affaire…
Le SNA Saphir ayant été désarmé et le premier SNA de la classe Barracuda, le Suffren, étant encore en période d’essais, la Marine nationale aura à revoir quelques priorités. « L’impact sur 2020 est nul. Mais en 2021, cela va créer un trou de capacité opérationnel sur un parc de sous-marin déjà contraint », a admis le capitaine de vaisseau Éric Levault, le porte-parole de la Marine, cité par l’AFP.
Le format de la Force océanique stratégique [FOST] est de 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE, sur lesquels repose une partie de la dissuasion] et de 6 SNA. Soit, pour ces derniers, un « costume taillé au plus juste » sachant que, initialement, il était prévu de construire 8 sous-marins de la classe Rubis, celle à laquelle appartient La Perle.
Or, si ils contribuent à la dissuasion nucléaire, les SNA assurent d’autres missions également importante, comme la protection du groupe aéronaval [GAN], la projection de forces ou encore le renseignement. « Tout le travail de planification va débuter pour faire rentrer l’édredon dans la valise », a commenté le capitaine de vaisseau Éric Levault.
Cela étant, par le passé, la disponibilité des six SNA de la classe Rubis n’a pas toujours été optimale. Depuis 2017, ce type d’information n’est plus communiquée ouvertement. Mais, selon les derniers chiffres connus, cette disponibilité était de 46,20% en 2014. Ce qui marquait une nette amélioration par rapport à d’autres années.
En effet, un rapport du Sénat, publié dix ans plus tôt, avait en effet déploré qu’un seul était alors opérationnel et que « la situation atteignait parfois de telles extrémités que les équipements étaient réaffectés d’un bâtiment à un autre, en fonction des besoins, afin d’assurer au mieux l’exécution du contrat opérationnel de la Marine nationale. »
Seulement, le contexte international a évolué depuis… avec une remise en cause des équilibres stratégiques, politiques, économiques, technologiques, énergétiques et militaires, laquelle va de pair une compétition entre puissances plus exacerbée. Ce qui ne fait qu’augmenter les risques d’incidents et les menaces. Aussi, mieux vaut ne pas avoir un bouton de guêtres qui manque.
Illustration : C.NORMAND/Marine nationale