Point de situation des opérations en Ukraine 7 avril 2022

Point de situation des opérations en Ukraine 7 avril 2022

 

par Michel Goya – La Voie de l’épée – publié le 7 avril 2022

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Situation générale

Evacuation complète du Nord de l’Ukraine. Les trois armées russes engagées à l’Ouest et au Nord de Kiev sont en cours de recomplétement en Biélorussie et probablement inaptes au combat. La 2e AG et la 6eA tiennent la frontière Est entre Soumy et Kharkiv. La 1ère ABG a été transférée dans le secteur Donbass-Nord en vue de la bataille décisive du mois d’avril. Hors Marioupol, les autres secteurs ne font l’objet que d’opérations limitées.

Situations particulières

Donbass-Nord

La zone de combat Donbass-Nord peut être divisée en trois secteurs : Yzioum, rivière Donets face au bastion Sloviansk-Kabarovsk et Severodonetsk. L’ensemble semble avoir été pris en compte par l’état-major de la 1ère Armée blindée de la garde, venu de la région de Soumy, et qui prend sous commandement puis celui d’états-majors de division (3e DM, 144e DM) une dizaine de GTIA de marche et sans doute aussi la 106e Division aéroportée, peu engagée jusque-là. Lorsque cette masse d’attaque sera usée au combat fin avril-début mai, la capacité de manœuvre russe sera réduite à peu de choses. Quoiqu’il arrive à ce moment-là, il sera sans doute nécessaire de procéder à une longue pause opérationnelle.

Face à la 1ère ABG, dans le secteur d’Yzium les forces ukrainiennes sont réduites à trois unités régulières : la 25e Aéroportée et les 81e et 95e brigades d’assaut aérien (en réalité des brigades d’infanterie mécanisée). Le bastion Sloviansk-Kabarovsk est solidement tenue par la 57e brigade motorisée et plusieurs unités territoriales ou paramilitaires (police, milices organisées) et Severodonetsk par la 79e brigade d’assaut par air et là encore plusieurs unités territoriales et paramilitaires.

Les forces ukrainiennes de la zone représentent 1/6e des forces totales. Elles sont de bon niveau tactique et s’appuient sur des positions solides mais elles sont déjà usées.

L’intention russe est clairement à l’Est de s’emparer au plus vite du saillant de Severdonetsk et surtout à l’Ouest de pousser d’Yzium vers Bervinkove, une petite ville de 8 000 habitants à 30 km à l’Ouest de Sloviansk tenue par la 85e brigade. Il n’est pas question pour l’instant de s’emparer du bastion urbain Sloviansk-Kabarovsk mais de le contourner.

Donbass-Est

Le 2e Corps d’armée LNR accompagne par l’Est l’action russe contre Severodonetsk et tente plus au Sud de s’emparer de Popasna tenue par la 24e brigade mécanisée ukrainienne.

Le 1er Cors d’armée DNR tente toujours de progresser vers l’Ouest depuis la ville de Donetsk sur la N15 et surtout l’autoroute E50 mais la 95e brigade d’assaut aérien résiste sur des positions fortifiées.

Donbass-Sud

Les Russes progressent toujours dans Marioupol mais très lentement. L’incertitude est complète sur la date de la prise de la ville. Il paraît difficile d’imaginer que la 150e division motorisée russe soit capable d’enchaîner un nouveau combat à l’issue, par exemple en direction de Zaporijjia.

Equilibre des forces dans la ligne Sud Donbass entre trois brigades ukrainiennes en défense (59e, 56e et 53e motorisées/mécanisées) et la 42e division motorisée russe. La prise de Zaporijjia serait d’un grand intérêt pour les Russes mais ils se contentent pour l’instant de bombarder la ville, en attendant sans doute les moyens d’une attaque.

Sud-Ouest

Attaques ukrainiennes Kherson depuis Kryvyi Rhi et Mykolayev. La reprise de Kherson par les forces ukrainiennes et le franchissement du Dniepr serait un coup très dur porté aux Russes, mais c’est très peu probable.

Notes

La structure de base de l’armée de Terre russe est le « GTIA lourd » de 800 à 1000 hommes, à 120 véhicules blindés dont une puissante artillerie (il s’agit en fait d’un bataillon de « mêlée » et d’un bataillon d’artillerie accolés). La structure ukrainienne est différente avec des « GTIA légers » de 300 à 500 hommes, de différentes configurations en fonction de leurs équipements majeurs, mais presqu’entièrement de mêlée.

Les GTIA russes sont réunis par deux, trois ou parfois quatre, dans des brigades indépendantes ou des régiments incorporés dans des divisions blindées ou motorisées, brigades ou divisions commandées par des armées.

Les GTIA ukrainiens sont regroupés par trois ou quatre, avec un groupement d’artillerie dans une brigade d’environ 3 000 hommes. En fonction du dosage des types de GTIA, l’armée ukrainienne dispose d’une trentaine de brigades de différents type (blindées, mécanisées, motorisées, montagne, légère, assaut aérien, aéroportée, infanterie navale).

Au niveau tactique (le combat local), il existe un seuil de densité de forces sur les points de contact en dessous duquel on n’exerce pas assez de puissance de feu pour être efficace et au-dessus duquel on ajoute surtout des pertes. Cela conduit à des rapports de volumes souvent proches (très rarement supérieurs à 2 contre 1).

Le GTIA Ukrainien semble mieux adapté que le russe, à la fois lourd à commander, insuffisant en troupes de contact et moins efficace dans ces feux indirects face à un adversaire en défense dans une localité ou dans une position très retranchée, ce qui est souvent le cas. Les expériences russes réussies de 2014 et 2015 ont pu être trompeuses dans la mesure où les GTIA bénéficiaient de l’infanterie des milices séparatistes et où les unités ukrainiennes moins bien organisées n’étaient pas dans des positions aussi solides.

L’organisation générale ukrainienne est zonale avec quatre commandements régionaux qui combinent ces brigades de manœuvre, des éléments organiques (une brigade d’artillerie et un bataillon de reconnaissance par région, par exemple), les bataillons territoriaux de réservistes et les bataillons de volontaires divers souvent rattachés au ministère de l’Intérieur, pour former des groupements ad hoc de défense de zones. Ces groupements de zones, par exemple à Chernihiv articulés autour de la 1ère brigade blindée ukrainienne, ont pu résister chacun à une armée complète russe.

De l’importance des réserves, dans l’armée territoriale bien sûr mais aussi dans l’armée régulière avec notamment un tiers des brigades les plus lourdes. Sans réservistes, l’armée ukrainienne n’aurait sans doute pas résisté, et avec de réelles unités de réserve professionnelles, l’armée russe ne se trouverait pas dans cette situation.