La Turquie a l’intention de lancer une nouvelle opération militaire dans le nord de la Syrie
Rendue possible par le retrait des forces américaines des localités de Tal Abyad et de Ras al-Aïn cette offensive fut suspendue une dizaine de jours plus tard, après une trêve obtenue par Mike Pence, alors vice-président des États-Unis et, surtout, un accord trouvé avec la Russie, proche alliée de la Syrie. Il fut ainsi convenu que la Turquie exercerait son contrôle sur une bande de 120 km de long et que les milices kurdes syriennes [YPG] abandonneraient leurs positions dans cette zone.
À l’époque, cette offensive turque avait mis à mal l’unité de l’Otan étant donné qu’elle compliqua le combat alors mené contre l’État islamique [EI ou Daesh], les YPG étant soutenues par la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis [opération Inherent Resolve – OIR]. En outre, certains supplétifs syriens de la Turquie furant accusés d’avoir entretenu des liens « étroits » avec l’organisation terroriste et commis des exactions contre les civils kurdes. À ce propos, la demande adressée par les Nations unies à Ankara pour enquêter sur ces dernières est restée, à ce jour, lettre morte.
On en était resté là quand, en octobre 2021, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, laissa entendre qu’une nouvelle offensive pourrait être lancée dans le nord de la Syrie, en réaction à des attaques menées contre ses troupes, en particulier dans les environs du canton d’Afrin. « Nous sommes déterminés à éliminer nous-mêmes les menaces en provenance de Syrie », avait-il dit.
En clair, l’objectif pour la Turquie serait de s’emparer des zones situés au sud de la localité de Kobané afin de les relier à celles déjà sous son contrôle, l’idée étant de s’assurer une continuité territoriale le long sa frontière avec la Syrie. Mais les choses n’allèrent pas plus loin que les quelques mouvements de troupes alors observés.
Seulement, M. Erdogan a annoncé, le 24 mai, le lancement prochain d’une opération militaire en Syrie afin d’élargir la zone de « sécurité » instaurée en octobre 2019. Et toujours avec l’idée d’y installer les 3,7 millions de ressortissants syriens actuellement réfugiés en Turquie. Ce qui ne va d’ailleurs pas sans susciter quelques tensions…
Pour favoriser le retour de ces Syriens dans leur pays, Ankara a l’intention de construire treize villes dans les secteurs sous contrôle turc, sur le modèle de celle d’al-Kamounah, inaugurée le 8 mai dernier par Süleyman Soylu, le ministre turc de l’Intérieur. Une telle politique permettrait de « diluer » la population kurde parmi celle des arabes syriens.
Le contexte à une telle opération peut sembler favorable : l’attention de la Russie se concentre sur l’Ukraine et l’Otan a besoin de se concilier les bonnes grâces de la Turquie pour permettre son élargissement vers la Suède et la Finlande. Élargissement pour le moment bloqué par Ankara, au motif que les deux pays candidats soutiendraient les militants du Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK], organisation considérée comme terroriste et ayant des liens avec les YPG.
Cela étant, les États-Unis ont pris les devants. « Nous condamnons tout escalade. Nous soutenons le maintien des lignes de cessez-le-feu actuelles », a réagi Ned Price, le porte-parole de la diplomatie américaine. « Nous attendons de la Turquie qu’elle respecte le communiqué commun d’octobre 2019 », a-t-il continué. Et d’insister : « Nous reconnaissons les inquiétudes de sécurité légitimes de la Turquie sur sa frontière sud. Mais toute nouvelle offensive saperait davantage la stabilité régionale et mettrait en danger les forces américaines dans la campagne de la coalition contre l’EI. »
Le porte-parole des Nations unies, Stéphane Dujarric, s’est également opposé à cette offensive turque annoncée. « Nous défendons l’intégrité territoriale de la Syrie, et ce dont la Syrie a besoin, ce n’est pas de plus d’opérations militaires d’où qu’elles viennent », a-t-il dit. « Ce dont la Syrie a besoin, c’est d’une solution politique. Ce dont la Syrie a besoin, c’est de plus d’aide humanitaire, et ce sont les deux choses sur lesquelles nous travaillons », a-t-il martelé.