Artillerie : Grâce à l’intelligence artificielle, le CAESAr tirera plus vite et consommera deux fois moins d’obus
En février 2022, Jean Castex, alors Premier ministre, profita d’une visite de l’usine de Nexter, à Roanne, pour annoncer la notification d’un contrat d’une valeur de 600 millions d’euros en vue du développement du CAESAr [Camion équipé d’un système d’artillerie de 155 mm] de nouvelle génération [encore appelé CAESAr Mk II].
Dans le détail, cette future version du CAESAr doit disposer d’une cabine mieux protégée, d’une motorisation plus puissance [460 ch contre 215], d’un nouveau châssis et de logiciels de conduite de tirs améliorés.
Depuis, trente CAESAr de première génération [ou Mk I] ont été cédés à l’armée ukrainienne… Et, au nom de l’armée de Terre, la Direction générale de l’armement a commandé 109 CAESAr NG à Nexter Systems [KNDS France] pour un montant d’environ 350 millions d’euros. Mais cette future version bénéficiera de nouveaux apports qui n’avaient pas été annoncés au début de son développement.
Fin décembre, le ministère ukrainien de la Défense fit savoir qu’il avait besoin de plus de CAESAr Mk I, avant de préciser qu’il avait l’intention d’améliorer leurs capacités en ayant recours à l’intelligence artificielle [IA]. Et cela avec l’objectif de « réduire de « 30 % l’utilisation de munitions pour viser et atteindre les cibles ».
Un mois plus tard, au moment du lancement de la coalition « artillerie pour l’Ukraine », co-dirigée par la France et les États-Unis, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, indiqua que le groupe Helsing IA, spécialiste des algorithmes d’IA destinés aux applications militaires, venait d’être mandatée pour améliorer la précision des CAESAr. D’autres entreprises françaises, en mesure de faire des « propositions disruptives » ont depuis été également sollicitées.
Cela étant, l’IA n’est pas la seule technologie qui permettra d’améliorer les capacités du CAESAr. Lors d’un point de presse du ministère des Armées, en janvier, le général Jean-Michel Guilloton, nommé à la tête de cette coalition « artillerie », a expliqué que des efforts allaient être menés en matière de systèmes d’information et de commandement, d’acquisition des cibles, de drones et de guerre électronique.
L’un des usages possibles de l’IA [qui n’a pas été formellement confirmé par le ministère des Armées] pourrait reposer sur la « vision par ordinateur », laquelle permet à une machine d’identifier et de « comprendre » des images issues d’un flux vidéo.
Quoi qu’il en soit, les données collectées lors de l’engagement des CAESAr ukrainiens [ou dans d’autres circonstances] pourront être plus facilement exploitées grâce à l’IA.
Ainsi, le 23 février, sur les ondes de Radio Classique, le PDG de Nexter Systems, Nicolas Chamussy, a expliqué que l’IA allait permettre de « creuser » dans les masses de données accumulées depuis des années afin d’améliorer la conception de ses « produits » [dont, évidemment, le CAESAr] et de rendre plus efficace le Maintien en condition opérationnelle [MCO] – et donc leur disponibilité – grâce à la maintenance prédictive. Une troisième application, a-t-il continué, serait de réduire la boucle OODA [observer, s’orienter, décider et agir], c’est à dire le « temps entre le moment où l’on a détecté quelque chose et celui où l’on va effectivement tirer un coup de canon ».
Quant à la précision du CAESAr, M. Lecornu en a dit un tout petit peu davantage lors d’un colloque organisé par la revue Le Grand Continent, le 20 février. Selon le compte rendu qui en a été fait par l’Institut des hautes études de la défense nationale [IHEDN], le ministre a indiqué que « l’intelligence artificielle incrémentée dans un CAESAr » allait « permettre de diviser quasiment par deux le nombre de munitions consommées ».
Consommer moins d’obus suppose une meilleure précision… Et cela a d’autres implications, notamment sur la chaîne logistique, mais aussi [et surtout] sur l’usure des tubes [moins précis, voire dangereux, après 10’000 coups tirés], et donc sur le MCO.