Comment Nexter se réorganise pour pouvoir produire huit CAESAR par mois
Difficile de manquer cette pièce d’artillerie CAESAR trônant en fin de ligne sur le site roannais (Loire) de Nexter (KNDS). Il sera le premier exemplaire parmi les 30 livrés à l’armée de Terre en remplacement d’autant de pièces données à l’Ukraine. Il est aussi la partie visible d’une démarche d’accélération engagée il y a un an par Nexter et ses partenaires, alors qu’apparaissait la notion d’économie de guerre.
« La ligne CAESAR est en cours d’aménagement pour que nous soyons en capacité de produire huit exemplaires par mois », relevait ce mardi Olivier Bonfils, directeur des productions pour Nexter Systems. Soit le double du volume maximal actuel, ou l’équivalent d’un véhicule assemblé tous les deux ou trois jours. En parallèle, le cycle de production d’un CAESAR diminue drastiquement. D’une trentaine de mois avant l’éclatement du conflit en Ukraine, celui-ci approche désormais les 17 mois. Et l’effort se poursuivra pour le descendre à terme à 12 mois.
Garantir ces délais et volumes ne dépend pas que de Roanne et relève en réalité d’un véritable travail de fond mené depuis un an avec les sous-traitants. Il s’agissait de s’assurer de la robustesse de chaque maillon de la chaîne et de basculer progressivement d’une logique de flux vers une logique de stock. Certains composants clés sont désormais anticipés. Par exemple auprès d’Aubert et Duval, fournisseur des ébauchés de canon et d’Arquus, à l’origine du châssis. Des ébauchés, Nexter en stocke désormais plusieurs dizaines dans sa canonnerie de Bourges pour répondre à l’attrition provoquée par le conflit en Ukraine et être prêt à enclencher la seconde si un client le demande.
Dernier maillon de la chaîne industrielle, la ligne d’intégration de Roanne non seulement redémarre pour recompléter le parc français, mais se réorganise aussi entièrement pour « produire plus et plus vite », principal objectif du principe d’économie de guerre défendu par le ministère des Armées. Exit la logique de « box » qui prévalait jusqu’alors et par laquelle un CAESAR était entièrement assemblé sur un emplacement fixe et par la même équipe.
Désormais, le « flux tiré » prime. Dans cette nouvelle ligne « taktée » inspirée de celles des véhicules du programme SCORPION, la vingtaine d’opérateurs est répartie en stations successives. Chacune aura son rôle, autant d’étapes parcourues et cadencées selon un cycle bien précis. La contrainte horaire qui en découle imprimera une dynamique de mouvement nécessaire pour tenir les engagements. « Cette ligne a été faite pour livrer des volumes plus importants et plus rapidement. Elle s’inscrit parfaitement dans le cadre de l’économie de guerre », résume Olivier Bonfils.
Cette refonte complète, Nexter entend l’achever d’ici à septembre. Pour autant, cela ne signifie pas que huit CAESAR sortiront de Roanne à la prochaine rentrée scolaire. Car, si l’entreprise sera alors « en mesure de », toute montée en cadence effective reste conditionnée à la décision d’un client.
Polyvalente, cette ligne intègre autant les CAESAR Mk I 6×6 et 8×8 qu’elle anticipe les travaux à venir sur le CAESAR Mk II. Celui-ci disposera d’une nouvelle cabine blindée produite par Nexter, opération qui nécessitait qu’on lui alloue dès maintenant un espace dédié. Derrière les commandes belge et lituanienne, le France doit encore acter l’acquisition des 109 CAESAR Mk II (ou NG) prévus. La démarche pourrait constituer un premier « stress test » intéressant pour les équipes de Roanne au vu de l’enjeu inscrit dans la loi de programmation militaire pour 2024-2030. Selon celle-ci, l’ensemble serait en service avant 2030, avec une année d’avance sur le calendrier initial.
En attendant, il s’agit de recompléter au plus vite le parc pour revenir au format dont l’armée de Terre a besoin pour se former, s’entraîner et se projeter. Des trente CAESAR Mk I neufs commandés pour la France, les premiers seront présentés aux opérations de vérification de la Direction générale de l’armement (DGA) avant la fin de l’année. Les autres suivront d’ici l’été 2024.