Drones : les projets décoiffants de l’armée française
La guerre en Ukraine achève de convaincre les militaires français de la nécessité de s’équiper d’une large gamme d’engins téléguidés, à commencer par les plus petits.
De la taille d’une raquette de tennis, le quadricoptère décolle de terre dans un léger nuage de poussière, avant de disparaître derrière une butte. Objectif de sa mission : rejoindre discrètement un village, à quelques centaines de mètres, pour y déceler, grâce à sa caméra, des ennemis armés et d’autres pièges. Le regard pointé sur l’écran vidéo du télépilote, un second soldat relève les menaces, avant de faire des propositions tactiques à ses supérieurs pour sécuriser la zone.
La scène ne se déroule pas en zone de guerre, mais dans l’Aube, au Centre d’entraînement au combat du camp de Mailly. Fin mai, une vingtaine d’équipes de 17 régiments s’y sont affrontées lors la 4e édition de Dronex. La compétition a permis aux participants d’améliorer leur maîtrise des deux plus petits drones des forces terrestres, le « nano » Black Hornet, de la taille d’une mésange, et le quadricoptère Anafi, produit par l’entreprise française Parrot.
De tels exercices sont appelés à se multiplier : le conflit en Ukraine rappelle chaque jour le rôle crucial des drones. Pour rester compétitive, l’armée française doit s’équiper, et vite. D’ici à 2025, 3 500 aéronefs de poche équiperont les différentes unités déployées en opération ou à l’entraînement. Ambition affichée : que toutes les unités des forces terrestres, même les plus petites (comme une « section » d’une trentaine de soldats), soient dotées de tels systèmes.
D’autant qu’ils ne serviront pas uniquement à faire de la reconnaissance. « Ces drones vont permettre de guider des tirs d’artillerie, alors qu’aujourd’hui vous avez besoin de déployer un observateur pour déterminer les coordonnées de l’objectif à traiter », explique le général Valentin Seiler, commandant des centres spécialisés d’entraînement de l’armée de terre. Un usage déjà en cours en Ukraine… pour ajuster les tirs du canon français Caesar livré à Kiev.
Un investissement minime pour de gros dégâts
Le retard concerne aussi les munitions téléopérées. Malgré leur rôle décisif lors des derniers conflits, la France n’en dispose d’aucun. Pourtant, comme le souligne le général Seiler, ces drones kamikazes « peuvent détruire un char à 10 millions d’euros, alors qu’ils coûtent quelques milliers ou dizaines de milliers d’euros l’unité, un rapport coût-efficacité très net ». Pour pallier l’urgence, 82 Switchblade américains doivent être bientôt acquis pour les forces spéciales, avant la livraison, à partir de 2026, des premiers exemplaires made in France – Colibri et Larinae (avec respectivement 5 et 50 kilomètres de portée).
Ce n’est pas le seul trou capacitaire de l’armée française, qui ne possède plus de drone tactique depuis le retrait du Sperwer en 2020. Son successeur, le Patroller, vient juste d’être certifié, avec quatre ans de retard – l’un d’eux s’est écrasé en 2019. Au total, 28 aéronefs dotés de capteurs dernier cri et 5 stations de contrôle ont été commandés à Safran. Mais le premier système complet ne sera pris en main qu’en 2024, avec un armement à l’horizon 2028… au plus tôt.
Bientôt un drone de combat aussi gros qu’un Rafale
La fin de la décennie verra aussi l’arrivée de l’Eurodrone (de la taille d’un avion de combat). Un programme arlésienne lancé il y a une quinzaine d’années avec l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Il doit permettre à la France de s’affranchir des Reaper américains, avec lesquelles elle assure la majorité de ses frappes aériennes au Sahel. Airbus, le constructeur de l’Eurodrone, suscite aussi l’intérêt de l’armée avec son Zephyr, capable de voler des semaines, grâce à des panneaux solaires, à 21 kilomètres d’altitude. Du sol à la stratosphère, les drones font changer d’ère aux militaires.