Général Bellanger : « Il est hors de question d’avoir des ballons chinois au-dessus de nos têtes »

Général Bellanger : « Il est hors de question d’avoir des ballons chinois au-dessus de nos têtes »


En janvier 2023, l’armée de l’Air et de l’Espace [AAE] avait indiqué qu’elle allait élaborer une stratégie concentrée sur trois fonctions, à savoir « connaissance / compréhension / anticipation », « protection » et « intervention », pour la « Très Haute Altitude » [THA], suceptible de devenir un nouveau domaine de conflictualité dans la mesure où le cadre juridique censé la réglementer manque de clarté, faute de consensus sur la définition de la limite haute de l’espace aérien et de la limite basse de l’espace extra-atmosphérique.

Les enjeux de la THA ne tardèrent d’ailleurs pas à être mis exergue avec l’affaire du ballon espion chinois aux États-Unis. Pour rappel, après avoir survolé le territoire américain en passant près d’installations militaires sensibles, cet aérostat avait été abattu par un F-22A Raptor au large de la Caroline du Sud.

Depuis, l’AAE a été discrète sur la stratégie dédiée à la THA qu’elle avait annoncée. En novembre 2023, le général Stéphane Mille, qui était alors son chef d’état-major [CEMAAE], avait cependant assuré qu’elle était en mesure d’y « intervenir tout comme les Américains à l’égard du ballon chinois ». Et d’insister : « Nous n’avons donc pas besoin d’aller très au-delà de nos capacités actuelles ».

Cela étant, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 prend en compte cet espace de conflictualité en devenir étant donné qu’elle prévoit une actualisation de la stratégie spatiale de défense [SSD] afin de « conduire les ambitions opérationnelles de la très Haute Altitude telles que le développement de la surveillance améliorée de l’espace et la défense des intérêts spatiaux français critiques ».

Lors de sa première audition à l’Assemblée nationale en tant que CEMAAE, le 16 octobre, le général Jérôme Bellanger a souligné la nécessité d’une « programmation capacitaire » permettant « de renforcer la crédibilité opérationnelle » de l’AAE comme « puissance [militaire] aérospatiale ». Puis, il a expliqué ce qu’il entendait par ce concept.

« Mon idée est de vraiment renforcer le statut de l’armée de l’Air comme une puissance militaire aérospatiale. Pourquoi je dis ‘aérospatiale’ ? Parce que entre le domaine aérien et l’espace, il y a la Très Haute Altitude. Et entre 20 et 100 km [d’altitude], c’est le ‘Far West’ », a-t-il dit.

« C’est une zone aussi dans laquelle il faut absolument investir, parce qu’elle est duale et qu’elle permet des systèmes résilients en termes de communications et en termes de surveillance » et aussi parce que « la nature a horreur du vide et que si nous n’y allons pas, d’autres iront à notre place », a fait valoir le général Bellanger. Or, a-t-il continué, il est « hors de question d’avoir des ballons chinois positionnés au-dessus de nos têtes à Paris et qui nous observent ».

Aussi, pour le général Bellanger, l’AAE aura besoin de « moyens de neutralisation dans cette Très Haute Altitude ». En clair, il faut aller au-delà de la seule capacité à abattre un aérostat espion, ne serait-ce que pour ne pas mettre en danger les populations civiles qu’il pourrait survoler. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’US Air Force a abattu l’imposant ballon chinois quand celui-ci survolait les eaux territoriales américaines.

En attendant, le CEMAAE a évoqué « l’exploration » de certaines capacités, en lien avec des groupes comme Airbus et Thales Alenia Space. « C’est extrêmement intéressant et on est avec eux pour les aider et avoir enfin ces capacités dans la THA », a-t-il dit.

Lors de son intervention, le général Bellanger a en effet cité l’avion Zephyr d’Airbus et le dirigeable Stratobus de Thales Alenia Space. Jusqu’alors, seul le second avait suscité l’intérêt de la Direction générale de l’armement [DGA] puisqu’il fit l’objet d’un contrat d’étude de concept notifié en janvier 2020.

Celui-ci « vise à étudier l’apport des plateformes stratosphériques persistantes pour compléter et améliorer la capacité de défense de la France », avait expliqué Thales, à l’époque.

Pour rappel, le Stratobus est un dirigeable autonome capable de porter une charge de 200 kg et de tenir une position stationnaire à 20 km d’altitude grâce à deux moteurs électriques alimentés par des panneaux photovoltaïques et une pile à combustible.

Quant au Zephyr, initialement développé par QinetiQ avant d’être repris par Airbus, il s’agit d’un « pseudolite » affichant une masse de seulement 75 kg pour une envergure de 25 mètres. Il peut voler durant de longues périodes [son record est de 64 jours], à plus de 76 000 pieds [soit 23,2 km] d’altitude, grâce à un moteur alimenté par une batterie Li-S [lithium et soufre], rechargée par des panneaux solaires.

Le ministère britannique de la Défense et le Pentagone ont déjà fait part de leur intérêt pour cet appareil. De même que, de manière informelle, la Marine nationale. Un tel engin « peut rester des semaines en l’air et avance […] à la vitesse d’un bateau : il pourrait donc suivre une force navale, servir, de façon assez discrète, de relais de télécommunications, mais aussi, de point d’observation afin de relever tous les transpondeurs, en voyant plus loin », avait expliqué l’amiral Christophe Prazuck, en 2019.

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