La France et ses partenaires annoncent leur retrait militaire du Mali

La France et ses partenaires annoncent leur retrait militaire du Mali

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Par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 17 février 2022

http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


La France et ses partenaires ont décidé de quitter le Mali. Le président Macron vient de l’annoncer lors d’une conférence de presse conjointe avec des présidents africains et des représentants européens dont Charles Michel qui a dénoncé le « venin du terrorisme« .

Avant la conférence de presse, une déclaration conjointe signée par 25 pays et organisations partenaires a annoncé que « en raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les états Européens opérant aux côtés de l’opération (française) Barkhane et au sein de la Task Force Takuba estiment que les conditions ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel dans la lutte contre le terrorisme au Mali et ont donc décidé d’entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations. »
« En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les Etats européens opérant aux côtés de l’opération Barkhane et au sein de la Task Force Takuba estiment que les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel dans la lutte contre le terrorisme au Mali et ont donc décidé d’entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations », est-il aussi écrit dans cette déclaration.
Paris et ses partenaires souhaitent toutefois « rester engagés dans la région » sahélienne et « étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest » pour contenir la menace jihadiste. Les « paramètres » de cette réorganisation seront arrêtés « d’ici juin 2022 ».

Lors de la conférence de presse, Emmanuel Macron, qui « récuse complètement » la notion d’échec français au Mali, a précisé que l’action de la France et de ses partenaires va désormais s’orienter dans quatre directions:
– impliquer les pays du golfe de Guinée dans la lutte contre le terrorisme, ce dont se sont félicités les responsables ouest-africains présents
– mettre les populations civiles au cœur de la stratégie
– faire évoluer les modalités de la présence militaire  et accélérer la transformation en réduisant l’empreinte
– cesser d’être impliqués aux côtés d’autorités (« la junte » du Mali qui fait « appel à des mercenaires ») qui ne le souhaitent pas. 

C’est pourquoi la France (dont le Président a rappelé le « rôle fédérateur » et qui reste prête à jouer le rôle de nation-cadre) et ses alliés européens vont quitter les emprises maliennes de Gossi, Gao et Ménaka, en relation avec les forces maliennes et la Minusma (« Durant cette période, nous maintiendrons nos missions de soutien au profit de la Minusma », a précisé le chef de l’Etat lors d’une conférence de presse).

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Des forces de Takuba seront repositionnées dans le nord du Niger. Le Président, en revanche, n’a rien précisé en ce qui concerne la sortie des forces françaises puis le futur dispositif de Barkhane (l’EMA pourrait le préciser ce matin, lors d’un point presse). Le retrait français et européen vers le Niger et la sous-région du golfe de Guinée pourrait prendre 4 à 6 mois (d’ici juin). L’avenir de l’EUTM n’a pas été détaillé non plus.

Cécile Duflot, directrice d’Oxfam France, a très vite réagi :

« Cette décision est un terrible aveu d’échec de la politique menée par la France au Sahel depuis près de dix ans. Barkhane se retire sans que les raisons qui l’ont amenées au Sahel n’aient été véritablement réglées : l’insécurité n’a fait que progresser, l’instabilité politique n’a fait que s’aggraver et le rejet de la politique française dans la région est massif. A l’heure actuelle 2,1 millions de personnes ont fui les violences et 13 millions de Sahélien.n.e.s ont besoin d’aide humanitaire. »
« Comment expliquer une telle situation, autant de vies perdues de soldats des différentes armées engagées dans ce conflit, malgré les milliards dépensés ? Nous sommes nombreux depuis des années à appeler à une réorientation des stratégies dans la région, alertant sur l’impossibilité pour les structures militaires seules de répondre aux causes profondes des conflits sahéliens qui sont avant tout liés à des enjeux de gouvernance, d’inégalités marquées et de défiance profonde des populations face à leurs autorités. Notre pays, s’il a sincèrement voulu aider le Sahel, a aussi pêché par manque d’humilité et une approche ressentie à travers la région comme paternaliste et souvent incohérente, refusant souvent d’entendre les sociétés civiles de ces pays« .
« Il est désormais urgent de tirer les leçons de cet échec. Nous le devons aussi à la mémoire des 58 militaires morts depuis 2013 au Mali et dans les autres pays de la région. Il est temps d’avoir un débat sur notre politique au Sahel, débat qui a d’ailleurs cruellement manqué ces dernières années. Seul le lancement de l’opération Serval en 2013 a fait l’objet d’un vote. Cela fait donc 9 ans que le Parlement ne s’est pas prononcé sur notre intervention militaire au Sahel. Nous appelons à une remise à plat urgente et à ce que la prochaine présidente de la République ou le prochain président de la République s’engage à mener dès les premiers mois de son mandat une consultation inclusive avec le Parlement, les acteurs des diasporas sahéliennes en France, le monde de la recherche et les sociétés civiles du Sahel et de notre pays. Au risque sinon de répéter encore et toujours les mêmes erreurs. «