La Marine nationale « recale sa navigation » avec une nouvelle mise à jour du plan stratégique « Mercator »
Ainsi, la cible de 15 navires de surface dit de premier rang restera inchangée, alors que trois de plus [au moins] n’auraient pas été de trop au regard de ses contrats opérationnels. En prime, la livraison de deux frégates de défense et d’intervention [FDI], sur les cinq attendues, sera décalée. Le système de lutte anti-mines futur [SLAM-F] sera quant à lui finalisé en 2035, et non plus en 2030. Comme d’ailleurs le programme des patrouilleurs océaniques [PO]. Et le quatrième Bâtiment ravitailleur de force [BRF] ne sera pas livré durant la période couverte par la LPM.
Quant à l’aéronautique navale, elle ne recevra pas de nouveaux Rafale Marine pour remplacer les plus anciens. « Un renouvellement partiel n’aurait pas été superflu. Le vieillissement du parc pourrait avoir un impact sur le format de la capacité dans la mesure où une partie des appareils seront immobilisés pour des rétrofits », ont ainsi prévenu les sénateurs Cédric Perrin et Hélène Conway-Mouret, rapporteurs sur le programme 146 « Équipements des forces ».
Aussi, la « transformation » de la Marine nationale ne se traduira donc pas par un format revu à la hausse… mais par des évolutions capacitaires, induites par les nouveaux équipements qui lui seront remis [SNA de la classe Suffren, patrouilleurs outre-Mer, etc.] et les champs de conflictualité qu’elle devra investir [fonds marins, cyber, etc.]. D’où la nouvelle mise à jour de son plan stratégique « MERCATOR » [la deuxième depuis 2018, ndlr].
« Notre quotidien est semé d’embûches et nos moyens sont comptés, c’est indéniable. Cela ne doit pas entamer notre détermination à adapter la Marine compte tenu des évolutions rapides, ni contraindre les initiatives qui cherchent à desserrer les freins du système », est-il expliqué dans ce document.
« Dans un contexte international marqué par l’incertitude et le retour de la guerre en Europe, la Marine lance en 2023 une nouvelle impulsion pour dynamiser ses chantiers de transformation », explique en effet le ministère des Armées. Et d’ajouter que « ce recalage de navigation doit lui permettre de gagner les combats d’aujourd’hui et de demain ». En clair, il s’agit d’éviter de faire fausse route et de faire éventuellement une correction de cap.
Or, en matière de ressources humaines, les décisions prises entre 2008 et 2014 ont mené la Marine nationale vers des récifs qu’elle tente désormais d’éviter.
« Les fortes réductions de recrutement entre 2008 et 2014 sont un héritage qui pèse lourd dans l’équation humaine de la Marine d’aujourd’hui. […] L’ensemble de [sa] chaîne RH déploie des trésors d’imagination et d’inventivité pour trouver des solutions et permettre aux unités d’être au rendez-vous de leurs missions. Les effets de ces réductions de recrutement passées se font ressentir, alors même que plusieurs défis nous attendent », est-il avancé dans Mercator 2023. À ce propos, il est rare que des politiques passées soient critiquées ainsi dans un document émanant des forces armées en général et de la Marine nationale en particulier.
Quoi qu’il en soit, celle-ci doit désormais recruter davantage pour augmenter ses effectifs et développer de nouvelles compétences pour agir dans les nouveaux champs de conflictualité, ce qui suppose des efforts en matière de formation et de revoir le profil de carrière de ses marins. Ce qui fera l’objet du plan « KaiRHos », qui doit « transformer la Marine en institution apprenante, capable de s’adapter en boucle courte, de prendre en compte plus rapidement les nouveaux besoins ».
« Bâtir la Marine de demain, impose de gagner la bataille des effectifs. Il s’agit à la fois de consentir un effort collectif dans le recrutement, chaque marin étant recruteur, mais également d’offrir des parcours professionnels repensés permettant de tirer le bénéfice des talents de chacun », est-il expliqué dans cette nouvelle édition du plan Mercator.
Outre « KaiRHos », qui sera le « moteur d’une Marine de talents », deux autres projets seront mis en oeuvre. Ainsi, Polaris vise à rendre plus réaliste et exigeante la préparation au combat naval de haute intensité, en prenant en compte les retours d’expérience [RETEX] des exercices majeurs, tels que Polaris 21 et Orion 23. L’accent sera mis sur « l’innovation tactique », via la démarche REGAIN [Renforcement du GAN par l’Innovation] et la réflexion doctrinale.
Parce qu’elle est un « facteur de supériorité opérationnelle », l’innovation technologique sera au cœur du projet « PERSEUS », qui visera à « intégrer plus vite les idées prometteuses qui deviendront les capacités déterminantes pour les combats futurs », en favorisant le rapprochement entre les industriels, la Direction générale de l’armement [DGA] et les unités de la Marine. Tel devrait être l’enjeu d’un « Dronathlon », qui, à l’image du défi CoHoMa de l’armée de Terre, invitera les spécialistes de la robotique et des drones à montrer leurs savoir-faire selon des scénarios représentatifs des missions de la « Royale ».
Plusieurs projets ont été évoqués dans Mercator 2023. Comme SEVRINE [Système d’évaluation de de valorisation du renseignement d’intérêt naval étendu], qui reposera sur une l’intelligence artificielle de type « Chat GPT » afin d’optimiser les capacités en opérations [prédiction de trajectoire, analyse de
tir ASTER, détection d’anomalies dans une situation tactique]. Ou encore comme ARES, qui permettra de poser les premiers jalons d’une capacité anti-satellite [éblouissement et/ou endommagement par laser] depuis des navires de surface.