La Marine va être mise à contribution pour compenser les Rafale prélevés sur la flotte de l’armée de l’Air
Avec la commande passée par la Grèce et celle qui devrait prochainement être confirmée par la Croatie, l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] devra se délester de 24 Rafale sur les 102 qu’elle comptait en juillet 2020 [et dont 14 n’étaient pas en état de vol, après avoir été « cannibalisés »].
Ce qui fait que, malgré les livraisons attendues et la compensation du contrat grec, l’AAE ne disposera pas, en 2025, des 129 Rafale pourtant prévus par la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25. En clair, et malgré ce qu’avait laissé entendre la ministre des Armées, Florence Parly, devant les sénateurs, les 12 avions d’occasion devant être prélevés au titre de la commande croate ne devraient pas être remplacés à l’unité près.
C’est en effet ce qu’a confirmé le général Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées [CEMA], lors de son audition par les députés de la commission de la Défense, en octobre dernier [le compte-rendu vient d’être publié].
« Il faut se réjouir du choix du Rafale par des pays européens. La Grèce s’équipera en outre de frégates de défense et d’intervention et. Cela montre une prise de conscience de la nécessité d’une défense collective européenne. Quant aux chiffres, en 2025, la cible était de 129 Rafale, mais une fois enlevés les deux fois douze et ajoutés ceux qui seront achetés, on se retrouvera à 117 », a en effet admis le général Burkhard.
Cependant, a-t-il ajouté, ces « 117 avions seront plus récents et sans doute plus disponibles que ceux dont nous aurions dû disposer » étant donné que les « ressources récupérées amélioreront le MCO [Maintien en condition opérationnelle] ». En clair, les 12 Rafale prélevés pour les besoins du contrat croate à venir seront « compensés » par les 14 appareils qui, actuellement immobilisés, devraient être remis en état de vol…
Quoi qu’il en soit, il n’en reste pas moins que « pour faire la guerre, il est vrai que 117 Rafale, ce n’est pas la même chose que 129 », a lancé le CEMA. En outre, a-t-il aussi dit, « il serait plus confortable d’avoir 375 avions, mais je ne suis pas sûr que cela corresponde aux moyens d’une puissance d’équilibre. Si vous me les donnez, cependant, je les prends! ».
Mais s’agissant de la « capacité organique », l’AAE devra faire autant, si ce n’est plus, avec douze avions en moins [soit presque l’équivalent d’un escadron]. C’est à dire assurer la posture permanente de sécurité aérienne, les opérations extérieures [en particulier au Levant], les déploiements en Indo-Pacifique [une « projection » de 20 Rafale est prévue en 2023], le « soutex » [soutien aux exportations], la formation des jeunes pilotes [l’escadron de transformation Rafale 3/4 Aquitaine devant céder des Rafale B] et la préparation opérationnelle de ses équipages. Et cela alors que les Mirage 2000C vont tirer leur révérence…
Dans ces conditions, l’État-major des armées envisage de mettre à contribution les trois flottilles de Rafale Marine de l’Aéronautique navale. Ce qui représente une petite quarantaine d’appareils au total.
« La contribution de l’Aéronavale est prise en compte par l’état-major des armées, qui réfléchit avec l’armée de l’Air et de l’Espace et la Marine. Pour moi, il n’y a pas de tabou. Les choses sont claires, l’objectif étant d’avoir les capacités les plus complètes possible et le déficit de l’un étant comblé par la petite capacité supplémentaire de l’autre », a en effet affirmé le général Burkhard.
« Une approche organique peut être l’échange de pilotes ou de formations de mécaniciens, des échanges capacitaires, l’accélération de livraisons d’équipements. Nous pouvons aussi partager des missions, comme nos plots de posture permanente de sécurité, mais aussi contribuer à des opérations, à commencer par Chammal », a-t-il ensuite expliqué.
Cependant, l’aéronautique navale a aussi ses problèmes… À commencer par l’âge moyen de ses Rafale M, qui ont été les premiers à avoir été mis en service, au début des années 2000. Et donc qui seront retirés du service les premiers, d’autant plus qu’ils sont soumis à des contraintes que ne connaissent pas ceux de l’AAE.
« La Marine garde ses avions depuis le début de leur mise en service et n’a pas eu d’avions neufs. Toutes la mise à niveau de notre flotte de Rafale s’effectue par retrofit », a ainsi rappelé l’amiral Pierre Vandier, son chef d’état-major [CEMM], dans un récent entretien publié par La Tribune. Aussi prévoit-il des « effets de ciseau » à l’horizon 2030/365, la « conjonction des retrofit et la disparition des avions les plus anciens pouvant aboutir à un problème de format, qui est de 42 appareils »