L’armée de Terre cherche à améliorer la disponibilité de ses réservistes opérationnels
Lors de ses deux dernières auditions parlementaires en sa qualité de chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre avait souligné que la Loi de programmation militaire 2019-25 ne permettait pas de « armées françaises des armées de masse » mais « de consolider un modèle d’armée complet, de restaurer des fonctions qui se trouvaient alors sur le point de disparaître et de préserver des compétences, parmi lesquelles l’aptitude au commandement et la capacité à planifier et programmer ».
Aussi, avait-il poursuivi, si « notre armée est puissante, complète, extrêmement engagée », elle « manque d’épaisseur ». Pour autant, le général Lecointre avait estimé que le « débat de la massification ne sera sans doute jamais posé – faute de ressources ». Et d’estimer qu’il faudra à moment définir les « modalités de notre montée en puissance ».
À l’heure où il n’est pratiquement que question de l’engagement de « haute intensité », cette question de « l’épaisseur », et donc de la masse, doit toutefois trouver une solution a-minima. Et celle-ci ne peut que passer, en l’état actuel des choses, par un appel aux militaires réservistes, notamment pour ce qui concerne l’armée de Terre, dont la force opérationnelle terrestre [FOT] compte 77’000 soldats.
Un format qui « est raisonnable et cohérent », a estimé le général Thierry Burkhard, le nouveau CEMA. « Je ne suis pas partisan de dire qu’il faut augmenter les effectifs pour augmenter les effectifs, mais je suis favorable à ce que l’on travaille sur la réserve, afin d’améliorer l’employabilité des réservistes et de disposer ainsi d’effectifs supplémentaires », a-t-il dit lors de sa dernière audition en tant que chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], en juin dernier.
Actuellement, la réserve opérationnelle de niveau [RO1], qui concerne ceux qui ont signé un contrat d’engagement à servir dans la réserve [CESR] compte 24 334 volontaires. Selon l’armée de Terre, 2 700 d’entre eux sont mobilisés chaque jour, dont « 500 dans des missions de sécurité ». Quant à la réserve opérationnelle de niveau 2 [RO2], elle peut mobiliser jusqu’à 30 000 anciens militaires d’active soumis à une obligation de disponibilité pendant cinq ans.
Dans la « Vision stratégique » qu’il avait dévoilée en juin 2020, le général Burkhard avait soutenu l’idée de faire en sorte que l’armée de Terre pût disposer d’une réserve opérationnelle « massive et engagée », sur laquelle devait « davantage » reposer « la contribution terrestre aux missions de protection du territoire national ». Il était alors question de faire en sorte de pouvoir disposer d’une « masse de manœuvre plus nombreuse, plus autonome, mieux territorialisée ».
Un an plus tard, et dans le cadre du plan « Ambition Réserves 2020-2030 », ce chantier est donc en cours, avec l’idée de « simplifier » et de « stabiliser le fonctionnement de la réserve » ainsi que de « fidéliser ses effectifs ».
« Les axes d’effort portent sur l’identification des besoins de l’armée, le recrutement, la gestion et l’emploi opérationnel des réserves », explique ainsi l’armée de Terre. Et cela avec l’objectif « d’offrir des emplois permettant de concilier vie civile et militaire et de disposer d’un effectif consolidé et plus dense » à l’horizon 2030. Et, désormais, il s’agit d’employer ces réservistes « dans leur domaine de compétence ».
L’une des mesures vise à simplifier, grâce aux outils numériques, le fonctionnement des réserves, que ce soit pour le recrutement, la gestion du personnel et la planification des activités. Pour cela, le « système d’informations interarmes » ROC [pour Réserviste Opérationnel Connecté], couplé à l’interface METIIS [Maîtrise de l’emploi et des talents des réservistes], tient une place centrale.
« La refondation du lien entre le militaire réserviste et son unité, rendue possible par la dématérialisation des procédures basées sur deux systèmes d’information dédiés […] reposera également sur une nouvelle politique en ressources humaines. Celle-ci devra notamment mieux tenir compte des parcours de vie personnels, familiaux et professionnels des réservistes », souligné le général Stephen Coural, commandant Terre pour le territoire national [COM TN] et délégué aux réserves de l’armée de Terre, dans le dernier numéro de Terre Information Magazine.
Cela étant, disposer d’un vivier de réservistes est une chose…. Mais encore faut-il que ceux-ci puissent être présents quand ils font besoin ou bien encore pour se former, d’autant plus, comme avait eu l’occasion de le dire le général Burkhard, une réflexion est en cours sur le rôle qu’ils pourraient tenir « dans un conflit de haute intensité. Aussi, l’un des enjeux en matière de gestion des ressources humaines porte sur la disponibilité.
Sur ce point, la formation des sous-officiers réservistes va évoluer. Désormais celle-ci se fera au sein des brigades interarmes et non plus à l’École nationale des sous-officiers d’active [ENSOA] de Saint-Maixent, comme actuellement. « Cette décentralisation permettra de disposer de créneaux adaptés à la vie du réserviste et à ses disponibilités », explique en effet le général Coural, sur le site de l’armée de Terre.
Reste que, sur ce point, une évolution de la relation entre le réserviste et son employer est encore nécessaire. Tel est en effet le point abordé par le général Burkhard devant les députés, en juin dernier.
« Il conviendrait de modifier le cadre législatif, pour faire évoluer la relation entre le réserviste et l’employeur. Il serait en outre judicieux […] de créer une obligation plus nette pour le réserviste à l’égard des armées », a affirmé celui qui allait alors devenir le prochain CEMA.
« Rejoindre la réserve est un acte volontaire, qui se matérialise par la demande d’un contrat d’engagement à servir dans la réserve. Une fois que le CESR est accepté et que les armées engagent des moyens pour former, entraîner et équiper le réserviste, il devrait exister une forme d’obligation de service, dans des conditions et des délais donnés. Il faudrait que l’on parvienne à établir une telle obligation, à plus forte raison si l’on assure mieux la protection du réserviste vis-à-vis de son employeur. À défaut, nous bâtirions sur le sable », a ensuite soutenu le général Burkhard. Et de conclure : « En toute logique, si nous voulons disposer d’un outil plus performant, nous devons avoir la certitude de pouvoir l’employer »