L’avenir du char français reste dans le collimateur des parlementaires
L’exercice est devenu récurrent. Chaque discussion budgétaire est propice à la remise en cause du projet franco-allemand de système de combat terrestre principal (MGCS) et aux interrogations quant à la pérennité du char Leclerc. L’examen du budget 2025 par la commission défense de l’Assemblée nationale n’y fait pas exception, nouvelle salve d’amendements infructueux à la clef.
Caramba, encore raté. Une poignée d’amendements portant sur l’avenir de la fonction char ont été déposés par des groupes parlementaires n’ayant jamais fait mystère de leur opposition vis-à-vis des projets capacitaires franco-allemands. Si tous ont été rejetés, certains avaient au moins le mérite de dépasser l’habituel abandon du MGCS ou l’adoption de l’EMBT – un objet… franco-allemand – pour miser davantage sur l’évolution du char Leclerc.
Entre autres tentatives, celle proposée par le Rassemblement national pour une solution de transition basée sur le Leclerc Evolution, une variante embarquant un canon ASCALON de 120 mm et plusieurs nouvelles briques de protection. L’acquisition en 2025 de six exemplaires, au coût unitaire estimé à 8 M€, aurait permis selon le RN « de consacrer l’évolution du Leclerc et son exportation, au même titre que l’évolution du char allemand Leopard, dont les nouveaux modèles sont déjà exportés en Europe, en attendant que le MGCS ne les remplace tous les deux ».
L’ambition était moindre dans des socialistes focalisés sur la survivabilité du Leclerc rénové face aux armements antichars, à commencer par les munitions téléopérées. « La vulnérabilité liée à l’absence de dispositifs tactiques de protection contre ces attaques est plus que significative et pourrait entrainer, sans une réponse matérielle adaptée, une incapacité opérationnelle de nos unités blindées », ont observé les députés LFI-NFP. Essentiellement symbolique, la proposition trouve en réalité un écho dans une double démarche conduite de longue date par la Direction générale de l’armement. Ce sont les programmes d’auto-protection soft-kill et hard-kill PRONOÏA et PROMETEUS portés par Lacroix Defense d’un côté et par Thales et KNDS France de l’autre.
« Les besoins militaires de l’armée de Terre nous ont bien indiqué lors des auditions que les forces terrestres ne souhaitent pas d’un char Leclerc amélioré », rappelait Isabelle Santiago, rapporteur pour avis sur la préparation et l’emploi des forces terrestres. Si « il faut redonner les moyens de pérenniser, de moderniser le char Leclerc pour le faire durer jusqu’en 2040-2045 », la députée socialiste rappelle que « l’enjeu consiste à ne pas rater la marche du changement de génération en consacrant des ressources à un modèle intermédiaire ».
« Nous sommes un certain nombre à partager un intérêt pour soutenir les évolutions du char Leclerc, notamment pour que nos industriels soient en capacité de proposer des solutions innovantes mais plutôt en vue du char MGCS », relativisait pour sa part le rapporteur pour avis du programme 146, François Cormier-Bouligeon. « Ce qui compte, c’est d’investir dans les briques », des briques aujourd’hui conjointes mais qui pourront aussi venir alimenter un éventuel programme alternatif, notait-il.
Surtout, certaines idées se heurtent désormais au mur de l’austérité budgétaire. « Je ne suis pas certain que nous soyons en capacité les uns et les autres, mais à commencer par nous, de développer des solutions souveraines », admettait le député Renaissance. Les crédits prévus en loi de programmation militaires se concentrent, du moins en surface, sur les études relatives au MGCS et sur les efforts de rénovation et de pérennisation du Leclerc, tous deux lancés en amont. Et si le ministère des Armées envisageait sa trajectoire budgétaire comme un socle éventuellement renforcé par des crédits nouveaux, ce scénario paraît maintenant bien moins probable au vu de l’état de santé des finances publiques et des restrictions imposées à d’autres. À enveloppe fermée, tout changement de direction risquera de peser sur d’autres lignes tout autant urgentes. La coopération européenne reste donc le seul horizon, en attendant le point d’étape sur le projet franco-allemand promis par le ministre des Armées pour l’an prochain.