Le Commissariat des armées serre la vis sur la collecte d’effets militaires usagés, en rappelant que leur revente est illégale
Il n’est pas rare de trouver des treillis, des uniformes et d’autres effets militaires d’origine française sur les sites de revente en ligne [tels que Le bon coin, eBay, Rakuten ou Vinted] et dans les brocantes. Souvent, ces articles – usagés pour la plupart – sont proposés par d’anciens militaires qui ne les ont pas restitués lors de leur radiation des cadres. Or, cette pratique est strictement interdite en vertu d’un principe d’incessibilité.
« Les effets [militaires] demeurent propriété de l’État. À l’exception des effets et accessoires d’affectation définitive non restituables en raison de leur condition de port ou de leur durée d’usage et dont la liste est fixée par instruction du ministre de la Défense, ces effets sont restitués » dès la radiation des cadres ou au terme d’un contrat d’engagement, précise le décret n° 2011-1600.
Le site de l’armée de Terre « Règlement.Terre », dédié aux questions juridiques et réglementaires intéressant les militaires, rappelle que le « fait de s’approprier tout armement, matériels, deniers ou objets appartenant à l’État ou de soustraire, vendre du petit matériel ou des matières et denrées consommables du ministère des Armées constitue un détournement ».
En plus d’une sanction disciplinaire, le militaire d’active peut écoper d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement s’il est avéré qu’il a « détourné » des effets ou des objets qui lui ont été remis pour le service ou « à l’occasion du service ». Même chose pour un ancien militaire, à la différence près qu’il risque aussi de se voir infliger une amende de 375 000 euros.
Quant aux civils friands d’effets militaires, la loi les considère comme des recéleurs. Là aussi, le « tarif » est élevé : cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros.
« En plus d’être interdite, la revente de vos effets sur des sites grands publics crée des risques liés à la sécurité nationale : agression lors de la vente en raison de votre statut militaire, personnes mal intentionnées pouvant se faire passer pour des militaires en vue de commettre des infractions », justifie le Commissariat des armées [SCA].
D’où la directive qu’il a récemment publiée pour favoriser la collecte des effets militaires usagés. D’autant plus que ces derniers sont de plus en plus « techniques et onéreux », souligne-t-il.
« Le militaire conserve ses effets usagés et ne les restitue qu’au moment de la radiation des cadres ou, pour certains effets de spécialiste, lors d’un changement de spécialité. En réalité, faute d’incitation à être réintégrés, ces effets sont le plus souvent stockés inutilement, parfois jetés voire même revendus, en infraction à la réglementation », explique le SCA dans son « exposé des motifs ».
Aussi, poursuit-il, « pour prévenir la production de déchets par le réemploi des produits, leur recyclage ou leur valorisation, la direction centrale du SCA a conçu une directive générale sur le réemploi et le recyclage des effets d’habillement militaires, en accord avec la loi dite ‘anti-gaspillage pour une économie circulaire‘ ».
Cette directive vise à « rendre possible » et à « encourager » la restitution des effets dont les militaires n’ont plus l’utilité au sein des Groupements de Soutien de Base de Défense [GSBdD]. En outre, il est désormais interdit de rendre « sciemment » inutilisable un article qui pourrait encore servir.
Les effets ainsi collectés seront traités en fonction de leur état. Ceux qui sont trop usés et qui ne peuvent pas être recyclés auront « vocation à être éliminés en fonction des solutions locales mises en œuvre pour le traitement des déchets », précise la directive du SCA. Il va sans dite que leur volume devra être le « plus réduit possible ».
Les articles pouvant encore servir pourront être utilisés pour « satisfaire un droit à dotation des soutenus », transférés vers un autre ministère [Gendarmerie nationale, Service militaire adapté] ou revendus comme « tout autre bien meuble appartenant à l’État », sous la responsabilité de la Direction nationale d’interventions domaniales [DNID]. Toutefois, indique le SCA, des « cessions gratuites » peuvent être possibles… mais seulement à titre dérogatoire.
Enfin, il est question de recycler les effets qui ne sont plus « employables », afin de récupérer les « matières ou fibres textiles » pour ensuite les « réintroduire, après traitement, dans le cycle de fabrication d’un nouveau produit ». Une telle opération exige de récupérer au moins 40 % de matières recyclables pour être économiquement rentable. Du moins, c’est ce qu’avait expliqué le SCA dans les pages de sa revue « Soutenir », en 2019.
Photo : Commissariat des armées / Ministère des Armées