M. Lecornu : « L’un des risques pour la France est d’être défaite sans être envahie »

M. Lecornu : « L’un des risques pour la France est d’être défaite sans être envahie »


En février, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait noté que le comportement de la Russie à l’égard de la France s’était singulièrement durci depuis deux ans. Et de mettre ce changement de posture, plus agressive, sur le compte des difficultés éprouvées par les forces russes sur « le champ de bataille en Ukraine ».

Pour illustrer son propos, le ministre avait évoqué des « tentatives d’aveuglement de pilotes d’hélicoptère de nos frégates » ainsi que des « menaces » proférées par le contrôle aérien russe à l’encontre « d’un ensemble d’avions français » alors que ceux-ci survolaient les eaux internationales de la mer Noire.

À l’époque, M. Lecornu s’était gardé de donner des détails. De même que l’ État-major des armées [EMA], qui fit seulement état d’échanges par radio « particulièrement agressif » entre les forces russes et un « [E-3F] Awacs en mission d’appréciation de situation dans les eaux internationales au dessus de la mer Noire », en novembre 2023.

Mais cet incident, alors inédit, n’était pas celui dont avait parlé M. Lecornu. Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Le Point, il a enfin livré le fin mot de cette histoire. Enfin presque.

La Russie « est encore plus agressive qu’elle ne l’était en 2022 ou en 2023, et plus seulement contre nos intérêts en Afrique, mais y compris directement envers nos forces armées : des pilotes d’hélicoptères français ont fait l’objet de tentatives d’aveuglement, le contrôle aérien russe a menacé d’abattre une patrouille de Rafale français », a en effet détaillé M. Lecornu. Et de noter qu’il s’agit de « pratiques qui avaient disparu depuis la fin de la Guerre froide ».

Justement, en parlant de Guerre froide, M. Lecornu estime que la période actuelle « correspond à un nouveau moment de rupture stratégique inédit » depuis la chute du Mur de Berlin et l’implosion de l’Union soviétique. « Les menaces anciennes de type terrorisme n’ont pas disparu tandis que la compétition entre grandes puissances a repris, y compris sous ‘voûte nucléaire’ », a-t-il dit.

Cela étant, cette situation n’est pas foncièrement nouvelle. Dans les années 1970/80, la menace terroriste, notamment incarnée par des groupuscules d’extrême gauche [Action directe, Brigades rouges, etc.] soutenus en sous-main par le bloc communiste, était déjà prégnante, en particulier en France, en Italie et en Allemagne.

Quoi qu’il en soit, pour M. Lecornu, l’époque actuelle est différente de celle de la Guerre froide dans la mesure où « les sauts technologiques, la militarisation de l’espace et du numérique, la guerre informationnelle [qui n’est pas non plus nouvelle, ndlr] et l’exploitation des fragilités économiques permettent à des compétiteurs de mettre en ְœuvre des menaces dont l’effet peut être gravissime ».

Aussi, estime le ministre des Armées, « l’un des risques aujourd’hui pour la France est d’être défaite sans être envahie ». Malgré la dissuasion nucléaire ? Probablement qu’il précisera sa pensée dans le livre qu’il s’apprête à publier [Vers la Guerre ? La France face au réarmement du monde – Plon].

En attendant, pour M. Lecornu, la Russie est le pays qui fait peser la menace la plus lourde sur la France actuellement. Outre sa posture agressive à l’égard des forces françaises, elle « mène une guerre informationnelle, militarise de milieux nouveaux, comme les fonds marins ou le cyber », a-t-il relevé. « Imaginez demain des dizaine d’hôpitaux subissant des cyberattaques ou des capacités de piégeage aux abords de grands ports comme Le Havre ou Marseille… », a-t-il conclu.

Photo : Ministère des Armées

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