Point de situation des opérations en Ukraine 17 mars J+21
par Michel Goya – La Voie de l’épée – publié le 17 mars 2022
https://lavoiedelepee.blogspot.com/
Situation générale
Quasi paralysie des forces russes au Nord et Sud, nombreuses mais imbriquées au Nord, libres mais insuffisantes au Sud. Effort russe en revanche sur l’ensemble du Donbass avec sans doute la volonté de conquérir complètement les deux oblasts de Louhansk et Donetsk, dont Marioupol, avant d’éventuelles négociations.
Situations particulières
Ouest et Biélorussie : situation confuse au sud de la Biélorussie ou une ou plusieurs explosions ont été entendue(s). Nombreux mouvements de troupes russes et biélorusses, notamment dans la région de Brest.
Kiev et Nord : combats très limités. Principalement localisés au nord-ouest de Kiev. Attaques d’artillerie (harcèlement) sur les villes (Kiev, Soumy). Peut-être préparation d’une attaque de Soumy. Effort sur la protection des axes logistiques.
Est et Donbass. Situation confuse à Kharkiv que les forces russes continuent de bombarder mais semblent avoir renoncé à conquérir à court terme.
Effort russe dans la zone Izyum-Severodonetsk par les 6e, 20e armées et le 2e Corps d’armée (République de Louhansk). La poussée s’exerce aussi cependant sur l’ensemble de la ligne et également au sud vers Zaporijjia, avec des forces limitées.
Effort sur Marioupol, attaquée par deux divisions d’infanterie motorisées à l’Est et l’Ouest et une brigade d’infanterie navale au Nord (mais seulement 10 GTIA identifiés). Le général Oleg Mityaev, commandant la 150e Division, à l’Est, a été tué. Pression sur la population et frappe délibérée, par missile probablement, sur le grand théâtre du centre-ville.
Sud-Ouest : opérations russes limitées devant Mykolaev et dans la région de Kherson. Frappes de la flotte de la mer Noire sur la côte à l’Est d’Odessa. La poussée vers Odessa semble remise à plus tard.
Notes
Nouvelle aide américaine annoncée : 10 000 munitions antichars diverses, 800 Manpads Stinger, et une centaine de drones Switchblade. Les Swichblade 300 ou 600 (plus puissants) sont des drones rodeurs low cost utilisables comme petits missiles de croisière à faible charge mais avec une très grande précision à quelques kilomètres de distance. Pourrait constituer un véritable « game changer » pour les forces ukrainiennes s’il était utilisé en grand nombre.
Effort maximal de recrutement russe mais qui va vite atteindre ses limites. Les Russes doivent regretter de ne pas disposer d’unités de réserve professionnelle nombreuses, bien formées et équipées pour être capable de monter en puissance rapidement (nous aussi on devrait le regretter).
Sentiment à regarder les images des combats que les VDV et spetsnaz sont les seuls fantassins russes qui se battent.
Théorie : emploi des armes biologiques et chimiques
On ne sort d’un blocage militaire qu’en injectant des ressources massives et/ou en innovant, c’est-à-dire en faisant des choses nouvelles.
Du côté russe, l’injection de ressources nouvelles, surtout humaines, va trouver rapidement ses limites sauf à déclarer officiellement la guerre et décréter la mobilisation générale (ce qui serait en soi une innovation).
Une autre possibilité évoquée serait l’emploi d’armes biologiques et chimiques. Ecartons le biologique, beaucoup trop incertain et aux effets éventuels à long terme. Reste le chimique.
L’emploi de l’arme chimique provoquerait des dégâts politiques, moindres que l’emploi du nucléaire, mais quand même très graves quand même sur la scène internationale. Pour un tel prix assurément élevé, les résultats seraient à en attendre seraient sans doute limitées.
D’un point de vue tactique, une attaque chimique sur une zone tenue par l’armée ukrainienne peut avoir un effet indéniable si elle s’effectue par surprise sur une troupe non préparée, qui sera sans doute obligée de se replier en catastrophe. Une fois utilisée, tout le monde sera prévenu et se préparera en conséquence en présupposant que les Ukrainiens disposent d’équipements adéquats. Les effets des futures attaques seront alors bien moindres.
Une attaque surprise n’a d’intérêt que si elle s’effectue à grande échelle, mais la préparation d’une attaque chimique à grande échelle peut difficilement être dissimulée, sauf peut-être par l’emploi de missiles. Elle est donc peu probable, surtout si pour la justifier les Russes « découvrent » des projets d’emploi de la part des Ukrainiens, ce qui sera immédiatement interprété comme un signe annonciateur.
Très rapidement donc, l’emploi tactique de l’arme chimique perd de son intérêt devant un défenseur préparé, d’autant plus que l’attaquant doit lui-même prendre des précautions. Avec un bon niveau tactique, on peut imaginer des procédés sophistiqués de combinaisons d’emploi de chimique volatil sur des zones qui seront attaquées dans les minutes qui suivent la fin de l’effet, de persistant liquide sur les lignes de cloisonnement, etc. à la manière des armées de 1918. Il y a de gros doutes sur la capacité actuelle russe à mener de telles opérations complexes. En bref, un intérêt tactique limité.
Reste la terreur des populations. C’est possible, là encore jusqu’à l’adoption de pratiques qui en diminueront les effets. Mais là encore pour avoir un effet décisif, la panique et la capitulation d’une ville, il faut employer une grande quantité de moyens et plus encore que pour une attaque de position militaires : des obus chimiques par centaines voire milliers ou des missiles, des épandages. C’est possible, au moins une fois pour s’emparer d’une grande ville, après ce sera plus compliqué. Mais quelle horreur et quel effet dévastateur dans les opinions publiques, peut-être même russe, et chez les alliés de la Russie.
A ce stade, cela ne paraît pas valoir le coup. Quitte à massacrer, l’artillerie, l’aviation et la missilerie russes ont encore beaucoup de réserves.