Point de situation des opérations en Ukraine 23 mars J+27

Point de situation des opérations en Ukraine 23 mars J+27

par Michel Goya – La voie de l’épée – publié le 23 mars 2022

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


Situation générale

Ralentissement très net des opérations terrestres russes, de plus en plus remplacées par une campagne de frappes qui prend de l’ampleur. L’effort russe se porte toujours le nord du Donbass (Severodonetsk) et surtout Marioupol. 

Les contre-attaques ukrainiennes se multiplient, en particulier dans la région de Kiev Ouest. On peut se demander si les forces ukrainiennes ne sont pas en train de prendre l’initiative opérationnelle.

Rumeurs de plus en plus fortes d’une entrée de la Biélorussie dans la guerre, mais aussi rumeurs équivalentes de refus, voire de sabotages (chemin de fer) biélorusses.

Situations particulières

Kiev et Nord-Est

Retranchements russes à l’Ouest dans la périphérie Ouest et dans la périphérie Est au Nord de Brovary. Souci russe de remplacer les attaques directes par un siège d’artillerie afin de « maintenir la capitale à portée de canon ». Effort ukrainien pour maintenir les Russes au-delà de 25 km du centre de Kiev afin de limiter les frappes d’artillerie russes.

Contre-attaque ukrainienne d’ampleur semble-t-il dans la banlieue Ouest de Kiev venant à la fois de Kiev vers Boutcha-Irpin (zone de fortification en cours) et Mila et de l’Ouest en direction de Kiev sur les axes M-07 et M-06. Deux localités auraient été reconquises.

Contre-attaque ukrainienne au Nord-Ouest de Kiev le long du Dniepr vers Demydiv (zone de retranchement) et combats au Nord-Est vers Kalynivka (zone de retranchement) contre la 90e Division motorisée.

Le reste de la situation dans la région Nord-Est est inchangée. Les forces russes frappent les localités et les forces ukrainiennes harcèlent, en particulier sur la route H-7 qui relie Soumy à Kiev.

Donbass

Combats à Yzium et Severodonestk. Pression des 1er et 2e Corps d’armée sur la « frontière fortifiée » DNR/LNR, avec peu de résultats. L’effort russe est toujours sur l’armée ukrainienne du Donbass. Frappes sur la gare de Pavlohrad, entre Dnipro et le Donbass.

Poursuite des frappes sur Marioupol (force des défenseurs estimée à 10-12 000 combattants, principalement 38e brigade infanterie navale, régiment Azov (ministère de l’Intérieur) et 56e brigade motorisée et lente progression des forces russes vers le centre-ville.

Sud

La 58e Armée est toujours à l’arrêt. Elle dispose de 10-12 GTIA ou régiment aéroportée + infanterie navale pour faire face à Mykolayev et Nova Odessa, tenir Kherson et effectuer une reconnaissance offensive vers Kryvyi Rih. Les forces ukrainiennes doivent être du même ordre.

Les villes de la zone occupée, de Kherson à Melitopol connaissent de nombreuses manifestations. Le maintien de l’ordre est géré par la Garde nationale russe (Rosgvardia).

Notes

Le général Yershov, commandant la 6e armée russe (face à Kharkiv) aurait été limogé.

Cinq généraux et trois commandants de régiments (un poste qui serait occupé par un général de brigade en France) ont été tués.

Mobilisation des conscrits dans les DNR/LNR

Le journal Komsomolskaïa Pravda a chiffré dans un article en ligne retiré par la suite un bilan des pertes humaines russes à 9 861 morts et 16 153 blessés. Nombreux doutes sur la véracité de ces chiffres (les chiffres de destructions de véhicules, plus faciles à vérifier, semblent fantaisistes). Possibilité de hacking.

Le chiffre à connaître pour connaître l’état des forces russes est celui des prisonniers et son évolution.

Théorie : du moral

Aller volontairement dans une zone de combat pour éventuellement tuer et se faire tuer n’est pas une chose naturelle. Pour le faire, il faut être blindé de confiance et poussé par de fortes obligations.

La confiance vient du sentiment que l’on peut faire face à la situation. Elle repose d’abord sur la compétence militaire et la compréhension de la situation, la valeur et la maitrise de son équipement, face à ce que l’on sait de l’ennemi. Elle repose aussi sur les capacités connues des membres de sa cellule tactique (compétence des chefs, solidarité, valeurs individuelles).

Les obligations (tout le corps refuse mais on y va quand même) peuvent venir de la discipline et de la peur de l’arrière (unités barrages du NKVD), mais surtout de l’obligation morale de bien se comporter vis-à-vis de ses camarades (encore faut-il qu’il y ait le temps d’une création de camaraderie) ou de respecter l’honneur et la culture de son corps d’appartenance.

Si on ajoute une motivation forte, comme la détermination à défendre sa patrie, c’est encore mieux, mais comme dans la pyramide de Maslow, c’est le sommet de la pyramide. S’il n’y a pas la base, le volontaire isolé de bonne volonté mais sans expérience, sans ami, sans esprit de corps a bien peu de chance de contrôler la transformation qu’impose le combat. Il aura une arme mais plus d’âme.

Cela est valable pour les volontaires néophytes bombardés à Yavoriv, comme les réservistes et recrutés russes injectés individuellement dans des unités déjà peu solides. Quand on ne connaît pas les autres, on ne sait pas se battre.